La formation du couple
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Jacques Halbronn

 

 

 

 

L’Été est, paraît-il, l’occasion de rencontres. Il nous a donc semblé opportun, en cette rentrée des vacances,  d’apporter quelque éclairage à cette question d’actualité.

Partons des thèses de Gray, qui sont devenues assez familières du fait d’un lectorat appréciable. Ce psychosociologue américain insiste sur le rapport des femmes à la parole. Il insiste sur leur rapport compulsif au verbe. Gray recommande aux hommes de « recevoir » un tel épanchement avec sérénité. Mais il laisse un certain nombre de questions pendantes en ce qu’ il explique surtout comment l’homme doit gérer le comportement de la/sa femme.

Apprendre à se supporter

Contrairement aux idées reçues, c’est un point qui doit être résolu d’entrée de jeu et que l’on cherche d’ailleurs à préciser très tôt. La femme vérifie que l’homme qu’elle a en face d’elle est suffisamment patient avec elle, qu’il répond calmement à ses questions, sans s’énerver. Sinon, elle le traitera d’hyper-réactif. À la limite, elle en rajoute pour que le test soit concluant.

Quant à l’homme, – ce dont Gray ne traite pas – il voudra avant tout s’assurer que la femme qu’il rencontre ne repousse pas ses avances, qu’elle accepte certaines familiarités, ne serait-ce que son regard, sa présence physique alors que la femme se satisfait plus souvent du téléphone voire de l’internet. Il importe qu’il n’y ait pas de marché de dupes et que chacun y trouve son compte, selon des logiques différentes. On dira que le « geste » verbal doit s’équilibrer avec le geste physique, qu’une intimité en vaut une autre. Or, dans notre société, l’on tend à banaliser les paroles et à dramatiser les actes, les assimilant tous à une forme de viol, quand ils surprennent, quand ils sont spontanés et non convenus. Et c’est précisément d’un élan vers l’autre qu’il s’agit et qu’il ne faut pas inhiber.

La quête du plaisir

Cela dit, il ne suffit pas de vérifier que l’autre accepte que l’on pénètre dans son territoire, encore faut-il retirer du plaisir de cette intrusion. C’est ce que l’on peut appeler, en termes de rugby, transformer l’essai.

On acceptera d’autant mieux, en effet, la présence de l’autre, qu’elle sera source de réconfort pour le récepteur et pas seulement pour l’émetteur. La spontanéité verbale de la femme, si elle peut avoir des côtés pénibles, doit aussi offrir quelques pépites à déguster, auxquelles l’homme est sensible. Et de même, si l’homme recherche le contact physique, il importe que la femme découvre avec soulagement que cela lui fait du bien, que cela l’émeut, du moins de temps à autre. Au fond, l’amour est fait de choses assez simples mais c’est aussi une question de timing.

Il est donc hasardeux pour la femme de prendre l’initiative du contact physique, ne serait-ce que parce que ses perspectives sont par essence des plus limitées, ce n’est pas elle qui ressent en elle l’érection qui permettra seule le rapport sexuel et dont le point de départ peut certes se situer très loin en amont. Inversement, le rapport de l’homme à la parole, dans le domaine affectif, serait assez problématiques, bien que l’on connaisse de très belles tirades comme dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand- mais ce n’est qu’une pièce de théâtre. Les défauts d’une femme sont aussi ses qualités et cette façon qu’elle a d’exprimer ce qu’elle « pense » ici et maintenant – ce verbe revêtant d’ailleurs une signification assez particulière : il s’agirait plutôt de ce qui lui vient à l’esprit – garantit une vraie spontanéité comme si une certaine vérité n’existait que dans l’absence de contrôle.

Nous résumerons par un adage de notre cru  : « l’homme décide quoi faire, la femme comment faire ». Dialectique de la matière, masculine, et de la forme, féminine. Nous dirons que la femme s’intéresse aux moyens et l’homme aux fins. Disons que si une femme pense qu’elle pourra poser ses conditions, elle est déjà plutôt rassurée – c’est ce que l’on appelle l’espérance de changer l’autre. Là où cela butte, c’est la taille ou l’âge, d’où une insistance particulière, dans les annonces, sur ces facteurs alors que les autres sont supposés être peu ou prou modifiables.

Les pathologies de rejet

Il faut au demeurant prendre la mesure de comportements misogyniques ou misandriques. L’homme misogynique supportera difficilement le propos émanant de la femme et c’est précisément à la femme de repérer une telle attitude. Le misogyne se fait une idée caricaturale de la femme, qui n’est d’ailleurs pas sans receler une part de vérité. Il insistera volontiers sur ses travers, sur ses propos irresponsables, « en l’air », ses contradictions. C’est ce que l’on appelle un goujat, un mufle. Il y a là une forme de frigidité qui empêche l’homme de sublimer les paroles de la femme et d’y prendre, à la longue, un certain plaisir. Le misogyne recherche une femme exceptionnelle, très intelligente, très maîtresses de son verbe, bref une femme atypique.

Il n’y a pas de terme équivalent pour qualifier la femme misandrique, qui fait des réflexions désobligeantes à l’endroit des hommes. Par delà le fait qu’elle ne les laisse pas approcher sans une sensation de dégoût qui ne connaît pas de compensation, d’où une certaine frigidité.

Quand une femme insiste lourdement sur le vieillissement à terme des homme, revendique de pouvoir fréquenter des hommes de son âge voire plus jeunes, il y a des chances qu’elle ait développé une certaine phobie du corps de l’homme qui vient ainsi justifier son comportement de rejet, d’où sa recherche d’un homme beau et grand et riche, qu’elle pourra fréquenter sans grand effort sur elle-même.

En réalité, l’homme doit être capable de soutenir moralement sa femme quand elle déprime et la femme de s’occuper de l’homme quand il est physiquement malade et pas forcément très plaisant à regarder ou à côtoyer. D’ailleurs, ils ont naturellement une certaine aptitude dans ce sens.

La rupture

Si ce sont les hommes qui commencent, en revanche, ce sont souvent les femmes qui annoncent la rupture et qui savent le mieux la gérer. Comme dit un personnage féminin du film Sexes très opposés,” pour rompre, il ne faut pas se mettre à la place de l’autre.”.

Et de fait, l’acte de commencer n’ a rien à voir avec celui de conclure. Dans un cas on argumente en termes d’attirance, dans l’autre en termes de faute commise, de compte à régler. Dans un cas, il s’agit de l’avenir du couple, dans l’autre de son passé. L’avenir relève du moi et le passé du Surmoi. Comme avec l’Inquisition, tant qu’on n’est pas entré dans le système, on ne risque rien mais si on y est entré, on ne peut plus en sortir qu’au prix d’un châtiment.

Prétextualité et contextualité

On peut parler d’une structure prétextuelle du psychisme féminin, ce qui équivaut grosso modo à une problématique surmoïque. Le prétexte, c’est ce qui justifie une intervention, un passage à l’acte, bref qui détermine une certaine présence au monde. La structure prétextuelle, c’est l’ensemble des créneaux sur lesquels une femme donnée s’est programmée à se manifester. Un ensemble qui n’est pas nécessairement homogène et trahit même un certain éclectisme. En d’autres termes, lorsque l’on ne se situe pas sur un de ces créneaux prétextuels, on ne provoque pas de réactions de la part d’une femme.

A l’inverse, l’homme serait contextuel, ce qui implique une temporalité alors que prétexte est à caractère spatial, topographique. Une approche contextuelle est globale et non pas topique comme l’approche prétextuelle. Le même facteur donné sera géré différemment selon le contexte dans lequel il se place.

En ce qui concerne la dialectique homme/femme, père/mère, il y a là une complémentarité et une tension : la contextualité tend à relativiser la prétextualité, et la prétextualité minimise la dimension contextuelle de façon à préserver ses opportunités d’intervention, au prix d’une certaine réduction.

La prétextualité offre un caractère obsessionnel, on se polarise sur telle question et on néglige telle autre tandis que la contextualité permet une vision plus générale et moins focalisante. Il est clair que les mères transmettent ainsi à leurs enfants des tendances obsessionnelles de leur crû, du fait d’une insistance parfois démesurée. On peut au demeurant contourner leurs défenses en évitant de rentrer dans leur champ de vision prétextuel.

La prétextualité est liée à la fonctionnalité : ce qui distingue l’homme de la machine, c’est précisément l’opposition entre prétextualité – spécificité fonctionnelle et contextualité- indexicalité.

Les “micro-ondes”

Il y a des gens qui ne savent que se répéter et répéter, ils fonctionnent un peu comme des disques, leur conversation consiste à raconter pour la énième fois la même histoire, on pourrait les appeler des « micro-ondes » ou des caméscopes qui tournent en boucle.

On a vite fait avec eux de comprendre que ce qu’ils préfèrent, c’est répondre à des questions beaucoup plus que d’en poser, à moins qu’il ne s’agisse de faire remplir un questionnaire déjà tout préparé. Cela ne correspond pas à la même zone du cerveau que lorsqu’il s’agit d’un véritable débat, qui, lui-même ne consiste pas en une suite de monologues. Leur éthique, c’est : que chacun puisse parler à son tour!

.Lorsqu’un homme rencontre une femme, il se rendra assez vite compte à qui il a affaire : il sortira de la rencontre en ayant posé cent questions sur la dame laquelle aura répondu consciencieusement ou bien il n’en aura posé aucune mais la conversation aura été un avant goût d’une relation sexuelle, un préliminaire, et non une masturbation.

A propos de prétextualité, l’homme aura intérêt à se méfier des femmes qui “tiquent” systématiquement sur un mot, une expression, et cela quel que soit le contexte. Cela leur donne l’occasion d’intervenir, d’avoir quelque chose à dire, à reprendre. Cela a surtout pour résultat de casser le rythme de l’échange. Souvent ces femmes usent volontiers du dictionnaire qui “dit” le sens des mots comme si cet objet était en mesure d’entrer dans la dynamique de la conversation.

Cela dit, beaucoup d’hommes ont un comportement féminin, notamment les étrangers qui abordent une culture au travers des mots. Ils préfèrent parler qu’écouter car, contrairement à ce que l’on croit, c’est plus facile de s’exprimer avec un vocabulaire restreint, dans une langue approximative que de saisir ce que l’autre veut dire, lui qui recourt à tant de mots inconnus. D’ailleurs, souvent l’étranger interroge  : qu’est ce que ce mot veut dire et non « qu’est ce que vous avez voulu dire ? » On saisit la différence : dans un cas, on réduit le propos à une succession de mots qui auraient tous un sens bien spécifique, quelle que soit la phrase et dans l’autre, on souhaite comprendre ce qui a été dit globalement et on ne réduit pas son interlocuteur au statut de dictionnaire ambulant.

Les petites annonces

Quand on se rencontre par le biais de petites annonces (Minitel, Internait et plus classiquement Presse), on est marqué par une certaine logique. Les femmes sélectionnent d’après des critères d’âge – le principe d’avoir le même âge que l’homme prévaut souvent – qui jouent relativement peu dans le cas de rencontres « spontanées », qui restent encore les plus fréquentes. En revanche, le déroulement de la rencontre par annonces implique beaucoup de spontanéité. Il faut que les choses prennent très vite tournure sinon on passe au suivant.

Par spontanéité, entendons que la relation ne doit pas se cantonner au verbe, car le verbe n’engage pas l’homme et une rencontre sans contact physique minimal – et cela n’implique pas pour autant un rapport sexuel – est une non-rencontre, sans retentissement. De même, si une femme n’exprime pas sa satisfaction, verbalement, l’homme est frustré. Cette rencontre devrait accorder, selon nous, une grande importance aux mains et à la bouche avant d’envisager tout rapport sexuel proprement dit. Ce sont là des préliminaires qui devraient être banalisés et qui tendent à être assimilés au tabou sexuel. Ce faisant, la rencontre est déséquilibrée et incomplète, même en tant que première approche. Il est d’ailleurs des pays où même la poignée de main n’est pas de rigueur, d’autres où l’homme baise la main de toute femme qui lui est présentée. Il est intéressant de noter, en français, que le mot « baiser » a donné « la baise », « se faire baiser », c’est à dire l’acte sexuel : il y a là une évolution sémantique caractéristique d’une sexualisation de tout contact physique même minimal. Même pour dire que l’on donne un baiser, il faut à présent dire « je t’embrasse », qui n’implique, étymologiquement ; aucun contact de la bouche ni même des mains et qui n’est pas réservé au couple, ni même nécessairement à une relation hétérosexuelle.

Les repères

Ce qui ne permet pas à une rencontre de prendre tournure, c’est, chez l’un des protagonistes, sinon chez les deux, un manque de repère. Si les personnes ne savent pas quelles sont les normes, elles ne sont ipso facto pas en mesure d’apprécier ce qui confère à telle rencontre en particulier une signification exceptionnelle. Et il y a le risque que toutes les rencontres leur paraissent étonnantes ou, au contraire, ce qui revient au même et trahit le même problème, aucune.

Car, le fait de rechercher et de choisir un partenaire en toute connaissance de cause, implique que l’on soit parfaitement en phase avec la société ambiante. Alors, nous sommes en mesure de jauger pour ce qui nous concerne tout comme pour l’autre, si quelque chose de remarquable se passe.

Trop souvent, chez les personnes déracinées culturellement, les repères sont mis en avant mais le terme est alors employé dans un autre sens. Nous parlons ici des repères propres à une société et qui permettent d’isoler, d’individuer une relation, précisément parce qu’elle ne correspond pas aux dits repères, de par son caractère extraordinaire. En revanche, le fait de mettre en avant telle condition ne correspond nullement à ce que nous entendons ici comme repère ; on distinguera ainsi repères contextuels (ressenti, réactivité) et prétextuels (critère de taille, d’âge etc.). En fait, il semblerait que c’est à travers l’homme – un en particulier- ou l’Homme – c’est à dire la société en mouvement – que la femme/ Femme peut se repérer, si elle lui fait confiance car si elle ne se fier qu’à elle-même, elle s’en trouve par trop limitée, bridée par la peur du ridicule, du non-conforme, sanctionnée par le rire, la moquerie. Une telle attitude pourrait expliquer un certain manque de courage face à la société du fait même que le courage de la femme consisterait précisément à rappeler à l’homme un certain nombre de principes de la dite société. On ne peut pas être à la fois au four et au moulin.

L’exogamie nous apparaît dès lors comme un moyen de déstabiliser la femme, en la transplantant dans un nouveau cadre surmoïque auquel elle n’est pas habitué et avec lequel elle détone. Mais c’est aussi un moyen de la libérer du carcan surmoïque d’origine et de la rapprocher de l’homme avec lequel elle va s’unir.

Une société misandrique

Or, notre société tend à surinvestir le contact physique et à le situer dans l’orbe surmoïque tandis que l’expression orale est présentée comme relativement plus insignifiante. On est plus facilement condamné pour un geste que pour un mot et pourtant un geste est souvent plus innocent.

Il convient donc de revendiquer une certaine « neutralisation » – en faire une affaire sans gravité qui relève du processus de connaissance de l’autre et des effets ressentis en sa présence – du contact physique et ne plus faire une affaire d’État de quelques étreintes et ce d’autant qu’au bout du compte, la qualité du contact physique est très importante voire décisive pour l’avenir de la relation, du côté féminin. Ce sont donc les femmes qui sont pénalisées par cet état de choses car elles ont du mal à se fixer et perpétuent une quête qui ne se donne pas les moyens de ses fins. En revanche, un homme peut être touché, marqué, par une phrase. Tant il est vrai que l’on est plus frappé par ce que l’autre nous fait/dit que parce qu’on fait/dit à l’autre.

La fellation en question

Un film espagnol était sur les écrans, au mois d’août 2002  : Au bonheur des hommes de Roberto Santiago, avec un sous-titre comportant le mot fellation. De fait, le film commence avec des scènes de fellation et un débat sur ses avantages pour l’image de l’homme qui serait valorisé par ce type de pratique humiliante pour la femme.

Notre point de vue est diamétralement opposé : la fellation est surtout dégradante, dans tous les sens du terme, pour l’homme et le réduit à n’être plus qu’un objet sexuel pour la femme.

La fellation (du latin fellare : sucer, qui a donné en anglais sucker) est ce qu’il y a de plus proche du viol de l’homme par la femme. Elle permet une érection sans qu’il y ait élan de l’homme vers la femme, elle est une pratique de semi-impuissants qui sont tellement inhibés dans leurs relations avec les femmes qu’ils ne sont plus capables de la moindre initiative un tant soit peu spontanée. Ainsi, la femme peut-elle exciter un homme, le mettre en érection, quand cela lui convient. Le sexe devient sa chose, comme une poupée gonflable : au lieu de souffler comme dans un ballon, on suce, on aspire.

Lors de la fellation, l’homme n’a pas à toucher à la femme qui d’ailleurs n’a pas besoin d’être excitée puisque les fonctions d’humectation de la bouche sont plus contrôlables que celles du vagin. A un certain stade, la femme peut d’ailleurs introduire le sexe dûment dressé, bagué et muni du préservatif idoine dans son sexe pour se donner du plaisir. L’animus de l’homme est ainsi dompté.

Les interdits tactiles des premiers échanges – après l’enjeu n’est plus le même – favorisent au demeurant une certaine forme d’homosexualité superficielle – d’ailleurs assez caractéristique de certaines sociétés/cultures – du fait que le tabou du toucher entre hommes finit par ne pas être plus fort que celui du toucher entre un homme et une femme qui ne se connaissent pas, alors que la parole ne fait l’objet d’aucun interdit et que l’on en abuse. Certaines femmes ne comprennent pas que si on les écoute, c’est moins par l’intérêt de leurs propos qu’en raison de la contre-partie physique que cela suppose, selon un échange de bons procédés.

Mais une des raisons qui conduisent la femme à éviter les attouchements pourrait être que la femme y est particulièrement sensible et qu’une fois « déclenchée », elle craint de perdre son libre-arbitre et de devenir à terme affectivement dépendante de l’homme.

Animus et anima

Pour recourir à une terminologie jungienne ou post-jungienne, nous dirons que l’animus est ce qui émet et l’anima, ce qui reçoit. L’animus de l’homme est physique, l’animus de la femme est verbal mais inversement, l’anima de l’homme est verbal et l’anima de la femme physique.

Ce qui signifie que l’animus est ce que nous avons besoin d’émettre et l’anima de recevoir. L’important est avant tout de comprendre qu’aucun échange qui se situerait dans un seul registre, physique ou verbal, ne saurait être satisfaisant pour le couple, même et surtout en train de se former.

La valorisation paradoxale

La parole féminine n’est pas significative du fait même de sa fréquence et de sa compulsivité. En revanche, la parole masculine a plus de poids précisément parce qu’elle est moins spontanée. Inversement, le « geste » féminin est plus significatif que le « geste » masculin, plus banal, plus facile. Autrement dit, il y a une plus grande authenticité – ce qui n’est nullement synonyme de spontanéité – dans le verbe masculin, en raison même de ses inhibitions et dans le geste féminin pour les mêmes raisons, on dira qu’il y a une plus grande profondeur du ressenti dans le discours amoureux de l’homme envers sa partenaire et dans les caresses d’une femme à l’égard de son compagnon.

L’erreur de Gray

On conçoit, dès lors, à quel point, l’analyse de John Gray laisse à désirer : il omet de placer en parallèle, en réciprocité, le verbal et le physique. Il enseigne à l’homme comment vivre dans le monde de la femme et s’y adapter. En revanche, il jette un voile pudique sur les attentes de l’homme et la façon dont la femme doit les considérer.

Il est grandement temps que l’on rétablisse un équilibre entre le verbe et le geste et que l’on cesse de criminaliser le geste d’approche ou le geste de rejet – viol, harcèlement, violence – alors que l’on tolère tout ce qui passe par la parole – même lorsque se manifeste une certaine cruauté – comme étant bénin. Le fait que la femme contrôle le champ du Surmoi explique qu’elle en a profité pour présenter les choses à sa manière, elle a féminisé le Surmoi de façon à ce que le plus souvent ce soit l’homme qui soit visé alors que ses agissements, à elle, échapperaient à la critique. Il y a là castration de l’homme par l’interdiction de toute expression physique un tant soit peu spontanée, présentée comme une souillure, dès lors qu’elle ne s’inscrit pas dans un cadre bien établi. En revanche, l’expression verbale pourrait, sans problèmes, choquer, surprendre et il ne faudrait pas s’en formaliser, quitte à développer un certain masochisme. Par ailleurs, le comportement surmoïque génère une fausse impression de proximité : une femme fera des observations à un homme non pas parce qu’elle est attachée spécialement à lui mais parce qu’elle éprouve le besoin d’intervenir surmoïquement. Ses questions ne seront pas tant marquées par une recherche d’intimité qu’en vue de pouvoir exercer une certaine surveillance, au nom de la Société qui la commandite. La femme est Big Brother !

En ce sens, John Gray se ferait l’apôtre du pouvoir féminin à l’américaine et son message inondant la planète vise à innocenter le champ du féminin, dans ce qu’il peut avoir de plus choquant voire insoutenable, et à s'attendrir sur ses manifestations les moins innocentes.

Par rapport à ce que nous écrivions sur l’effet Spiderman, on a bien là un contre-discours : Gray serait ainsi l’anti-Spiderman.

Gray n’a pas compris qu’il existait une parole masculine et une parole féminine. La parole masculine est une parole d’avenir et, pour reprendre la terminologie de Rudoph Steiner, une parole « nocturne », avant tout spéculative, tandis que la parole féminine est une parole du passé et du présent, une parole « diurne », « colorée », avant tout descriptive. Ces deux paroles sont en guerre, chacune cherchant à prendre de l’ascendant sur l’autre, à se substituer à l’autre. Plus la parole masculine monte vers les hauteurs et plus la parole féminine s’efforcera de lui « couper les ailes » et de la faire descendre vers des « réalités » ponctuelles et souvent bien marginales. Plus la parole féminine stagne dans les évidences et les redites et plus la parole masculine tentera d’ « élever » le débat quitte à ce que la parole féminine perde pied et s’asphyxie au contact des hauteurs. Chaque parole est ainsi un défi pour l’autre.

 J. H. – 15/08/02

 

NB. Ce texte a été inspiré d’un débat tenu à Mauvezin, le samedi 27 juillet 2002, à l’occasion du mariage d’Illel Kieser et de Jacqueline Winnepenninckx et qui peut servir d’introduction à un travail plus important, Psychanalyse de la femme, à paraître sur ce site.

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