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Chroniques laïques d’Afrique du Nord : Les mosquées et les dinars


Quand les fondamentalistes s’emparent de tous les rouages d’un culture, que les subventions pleuvent à seule fin de financer une pépinière de mosquées, que peut-il advenir d’une société ? Quand l’obscurantisme tient lieu d’idéologie que peut-il advenir de la cause des femmes ?
Il arrive pourtant que des mouvements spontanés de résistance s’organisent pour rappeler que prier ne réduit pas le chômage.

Les mosquées et vos dinars

Commentant le chiffre de 15 000 mosquées existant en Algérie, Abdellah Tamine, chargé de la communication au ministère des affaires religieuses, affirme, il y’ a une année, avec un air vantard : « C’est comme si l’on avait construit une mosquée par jour depuis 1962. Un record mondial ! » Oubliant de dire que c’est là l’unique record dont peut se targuer notre pays et surtout combien cela aura coûté au contribuable. M. Tamine parle d’un projet de 3000 autres mosquées à travers le territoire national, ce qui mettra notre « record mondial » hors de portée puisqu’il sera de 19 000 mosquées, sans compter celles « non déclarées » donc clandestines, et les centaines de salles dites « de prières » notamment dans les cités universitaires et les campus.

Le contribuable saura-t-il un jour combien lui aura coûté la construction, l’entretien, ... de toutes ces mosquées, zaouias, écoles coraniques... etc. ?

Le chargé de la com. au ministère des affaires religieuses n’en a évidemment pas abordé ce volet de la question, mais affirme toutefois que la direction des affaires religieuses de la wilaya octroie environs 400 000 DA tous les deux (02) ans à chaque association de mosquée.

Petit calcul mental : en multipliant la valeur de cette subvention (400 000 DA) par le nombre d’associations en prenant en considération le nombre de mosquées existantes (15 000 mosquées), on obtiendra le vertigineux chiffre de 600 Milliards de centimes de dinars alloués aux associations de mosquées tous les 730 jours !

Ce chiffre, atteindra les 760 Milliards de centimes sur 2 ans quand les 3000 nouvelles mosquées seront achevées et dotées elles aussi de leur associations.

Cela reviendra à dire, que dans les vingt (20) prochaines années, L’État aura alloué le chiffre astronomique de ... 7600 Milliards de centimes à ces associations.

Quand les quelques associations (sportives, culturelles, scientifiques et citoyennes) perçoivent des subventions misérables, on ne devra plus se poser des questions sur les raisons du déclin de la culture et de son tissu associatif, mais plutôt sur l’objectif inavoué de ce traitement de faveur.

Nous avons appris également que la wilaya de Tizi Ouzou détient le record d’Algérie en la matière puisqu’elle compte 731 mosquées, le nombre le plus élevé. Ce n’est pas tout puisque, près de 400 autres mosquées y seront construites incessamment ; ce qui portera le record national de notre wilaya à 1131 mosquées.

À titre de rappel, les autres records de Tizi Ouzou n’est- il pas celui du nombre des sans-emploi, des suicides, de personnes kidnappées, ...

Qui dit mieux !

Une riposte citoyenne face à l’intégrisme

Kabylie

Une fois n’est pas coutume en ces temps de profonde léthargie collective où le fanatisme islamiste qui n’a pas pu s’imposer, en Kabylie en particulier et en Algérie en général, avec les armes est en phase de réussir le pari depuis 1999. Pour cause, la poignée de barbus qui sont apparus ces derniers temps dans les différentes localités du pays à l’image des Ouadhias, s’adonnent à cœur joie dans diverses initiatives qui revêtent une façade caritative et autres, pour investir un terrain où nulle opposition ne vient les contrer. Ainsi et selon les habitants, des crèches viennent d’ouvrir leurs portes en un temps records par des intégristes notoires sans aucune qualification dans le domaine, des posters et autres dépliants religieux sont offerts systématiquement et gracieusement aux commerçants pour les suspendre aux murs de leurs boutiques et autres cafétérias, des boutiques uniques en leur genre viennent de voir le jour également et qui se spécialisent dans la vente « de l’habit islamique et de tout le nécessaire pour le croyant »...

Il est primordial de signaler que la population, loin d’être dupe, regarde ces agissements d’un regard à la fois distrait et inquiet. Les citoyens rencontrés se disent amusés de pouvoir voir ces tenues étrangères à leurs société défiler dans les rues de leurs villes « en nombre insignifiant fort heureusement ! » tiennent-ils à préciser, mais en même temps, très préoccupés par leur audace et surtout par les moyens financiers dont ils disposent et qui disent long sur l’existence d’un financement occulte à ce qui a tout l’air d’une entreprise très bien orchestrée et efficacement soutenue et qui tente de finaliser l’entreprise de « normalisation » par l’introduction et l’encouragement de l’islamisme dans la région à la faveur de l’impunité que leur accorde « la charte pour la réconciliation nationale ».

Dans ce sens, les crèches en question ne reçoivent guère que la progéniture des barbus. Cependant l’action citoyenne des habitants de la cité « 05 juillet » dans la ville des Ouadhias en Kabylie est singulière et mérite d’être rapportée. En effet, en voulant s’offrir une tribune dans tous les quartiers, les intégristes ont lancé l’idée d’ouvrir ce qu’ils appellent « une salle de prière » dans la cité susnommée. Les habitants qui savent pertinemment que leur quartier a d’autres priorités autrement plus importantes et qui souffre de chômage, de l’absence d’un meilleur cadre de vie, du manque de loisirs, de bibliothèque, ... se disent conscients des visées de ce « groupuscule d’illuminés ». Une protestation des résidents s’est soulevée spontanément pour rejeter l’idée d’implanter cette salle de prière dans leur cité. Une mobilisation héroïque y a vu le jour en s’appuyant sur diverses actions dont une pétition largement soutenue.

Le « projet » est gommé. La citoyenneté et la laïcité sont saines et sauves.

Journée internationale de la femme : La cause féministe se folklorise

Maison de la culture Mouloud Mamerri de Tizi Ouzou

Tizi-Ouzou – 8 mars 2007
Une journée printanière, une journée symbole de militantisme dans la région et ailleurs. Une banderole sur lequel on pouvait lire « journée mondiale de la femme, exposition du 05 au 08 mars, Par association Al Irchad Oual Islah ».

Ceux qui ont eu la surprise de voir ce bout de tissu accroché à l’extérieur de la clôture de la maison de la culture Mouloud Mammeri, ont du se frotter plusieurs fois les yeux pour réaliser qu’ils n’étaient pas en train d’halluciner. Une organisation islamiste ; connue pour ses revendications plus que discriminatoires envers la femme, prenant possession de la célèbre enceinte culturelle de la ville des genêts pour célébrer, s’il vous plaît, la journée mondiale de la femme !

N’y a-t-il donc plus de femmes et d’organisations féministes démocratiques, plus de militants ou d’associations modernistes en Kabylie de 2007 pour que le célèbre établissement, jadis carrefour des valeurs démocratiques et universelles de la région ; portés par des générations de militants intègres et incorruptibles, soit pris d’assaut par un courant obscurantiste qui s’accapare ainsi de la symbolique journée de la femme ? La maison de la culture aura-t-elle à ce point changé de vocation pour devenir un croisement où défilent sans cesse ceux qui se revendiquent de la matrice idéologique de la terreur islamiste qui a assassiné Djahnine, Katia... violé, éventré, égorgé des milliers d’autres et qui rêvent de mettre la femme algérienne au foyer, la voiler et la réduire à sa simple fonction de reproductrice et d’objet sexuel dont disposera l’homme à sa guise.

La maison de la culture serait-elle devenue une maison de l’inculture qui, s’offre impudemment au système qui a promulgué l’infamant code de la famille en 1984, arrêté puis traité de tous les noms Mouloud Mammeri en 1980, réprimé dans le sang le printemps amazigh dont nous venons de célébrer le 27e anniversaire dignement et loin des reniements de certaines associations culturelles, nées grâce aux sacrifices de plusieurs générations de militants de la cause amazigh ; plus particulièrement de celle de 1980, qui viennent de cautionner, non sans contre partie financière, la tentative de dissoudre l’amazighité dans le pompeux générique d’Alger capitale d’une autre culture.

« J’ai vu des hommes résister aux tortures les plus impitoyables mais plier devant l’argent » disait à juste titre Kateb Yacine. L’histoire s’en souviendra fort heureusement.

Dès que le portail est franchi, une autre surprise semble être posée en embuscade mais suffisamment apparente. Au-dessus de la porte du vestibule qui fait face à l’entrée de l’établissement, une grosse transcription y est accrochée à proximité du portrait de l’auteur de « la guerre de deux mille ans » qui n’aurait jamais apprécié cette indélicatesse. En effet, la pancarte est frappée du sigle « RND ». Une autre première dans cet établissement qui n’a pas souvenance de la moindre présence sur les lieux des partis du pouvoir lors des festivités revendicatives de la journée de la femme.

Les deux pièces occupées par les partisans d’Ouyehia n’exposent rien d’autre qu’une multitudes de tables garnies, tenez-vous bien,... de confiseries au milieu desquelles quelques mots sont imprimés autour de l’effigie de l’ex ministre de la justice en 2001, à l’adresse des femmes !

Des confiseries en guise d’expo pour célébrer la journée de la femme ; une méthode bien « rndiste » pour séduire certains « ventres » à quelques semaines des prochaines législatives !

Dans l’autre grande salle d’exposition, l’organisation islamiste qui, de l’extérieur chapeaute, par la seule banderole accrochée sur la clôture métallique de la maison de la culture, toutes les festivités qui s’y déroulent, n’occupe en fin de compte qu’un petit coin avec deux tables sur lesquelles sont exposés, pour vente, des produits religieux, hidjabs, prêches sur cédérom et autres supports de la littérature subversive.

Tout autour, se sont des femmes artisanes qui exposent leurs œuvres (broderies, couture, peinture sur soie, décorations, ...) dans l’indifférence totale de la présence islamiste et des enjeux d’une telle journée chargée de sens.

Dans le hall de l’entrée principale, une autre exposition artisanale fait face à une table qui fait l’exception dans cette « mosaïque » de métiers de femmes où nul référence à l’histoire de cette halte annuelle de la lutte pour l’émancipation de la femme n’est à signaler. L’exception est signée « Ligue de prévention et de sauvegarde de la jeunesse et de l’enfance » qui propose un fascicule où il est question de l’ouverture d’un point d’écoute pour femme en difficulté, avec possibilité de prise en charge psychologique, d’orientation médicale et gynécologique, d’assistance juridique... et d’un « numéro vert » qui verra incessamment le jour pour permettre aux femmes en difficultés de pouvoir trouver une écoute et une assistance téléphonique gratuite.

Les animatrices de cette ligue parlent d’une coopération qui les lie à la fondation espagnole « Santé et communauté », à « généralitate de Catalunya » et à « Juntament de L’Hospitalet ». Elles n’ont pas manqué en outre, de souligner l’offense qu’elles ressentent suite à la tentative éhontée de récupération dont elles font l’objet, aux côtés de toutes les autres exposantes, de la part de l’organisation nahnahienne qui est la seule à accrocher son étendard à l’extérieur de la maison de la culture, détail qu’elles disent n’avoir pas remarqué jusque là. Indifférence ou caution des responsables de l’établissement ? La question peut s’avérer inutile...

En ce jour, symbole de lutte où, en marge des traditionnelles expositions artisanales et culturelles, un arrêt devrait être marqué par des expositions thématiques, tables rondes, débats et autres communications s’articulant autour de l’histoire du combat pour l’égalité des sexes dans le monde et en Algérie, des sacrifices de la femmes algériennes pour recouvrer sa pleine citoyenneté, des acquis arrachés, du code de la famille appelé à juste titre « code de l’infamie » et des perspectives qui s’offrent à cette cause, ce volet se trouve tout simplement éludé réduisant ainsi la journée mondiale de la femme en un moment « folklorique » où se conjuguent bouffe, absence de conscience citoyenne et politique, drague électoraliste et hidjab.

Effets pervers de la charte de septembre 2005 ou nouveaux éléments dans l’entreprise de « normalisation » de la Kabylie qu’on tente vainement de déposséder de ses repères et de doter d’une autre représentation politique ?

Bonne fête aux femmes ! Leur combat, qui est aussi celui des démocrates, continu.

« Caravane culturelle et scientifique » ou Prosélytisme islamiste ?

Ce qui était jusque là que soupçon vient de se révéler au grand jour : Il y’ a bel et bien un plan concocté dans des officines « occultes » dont l’unique objectif est le prosélytisme islamiste en Kabylie, région jusque là fermée à l’idéologie intégriste ; matrice du terrorisme islamiste aujourd’hui exonéré de ses crimes par la charte portant « réconciliation nationale ».

Pour preuve, cette sortie sur le terrain, pour le moins troublante, de la direction des affaires religieuses et wakfs de la wilaya de Tizi-Ouzou sous l’égide du ministère de tutelle, sous forme d’un programme dit « caravane culturelle et scientifique » qui sillonneras pas moins de sept (07) daïras (Ouadhias, Ath Douala, Ath Ouacif, Iferhounène, Ouagnoune, Tigzirt, Draa Ben Khedda) à partir du 01 mars en cours jusqu’au 26 juin prochain.

À Ouadhia-ville où le la était donné à cette offensive islamiste « officielle », la population a été stupéfaite de découvrir au coup d’envoi de ces activités, uniques du genre, un décor hallucinant : les quelques néo barbus que comptent la ville y sont associés dans la mise en place d’une dizaines de banderoles, toutes transcrites en langue arabe et révélant des slogans dont certains donne froid dans le dos tant ils rappellent à bien des égards la période qui a vu le FIS prendre possession des espaces publiques par ces mêmes procédés.

Ainsi, des interactions verbales se sont produites avec quelques citoyens qui ont relevés de prime abord la mise à l’écart délibérée car systématique de la langue tamazight et de la langue française dans tous les supports de communication de cette « caravane culturelle et scientifique » avant de réaliser son caractère purement religieux où se conjuguent inquisition et moralisation des mœurs.

Rachid, la trentaine au chômage, tient ce discours en face du salafiste : « Les militants de la démocratie et de l’amazighité qui ont donné leur vie pour la pluralité linguistique et pas seulement, pour la modernité et la laïcité, ont fait que depuis toujours, lors des activités, de quelque nature que ce soit, qui se déroulent du moins dans notre région, la communication se fait en Tamazight et en français , rarement dans les trois langue. Aujourd’hui, vous vous sentez soutenus d’en haut et d’ailleurs au point d’oser placarder des affiches et autres banderoles uniquement en langue arabe et des slogans intégristes ! »

Outre cette mise en évidence ostentatoire des intentions de cette manifestation à travers ses supports publicitaires (document, inscription, slogan, affiches,...), l’enceinte de la maison des jeunes, où, depuis quelques années et faute de moyens et d’encadrement stable, la vocation en est rarement assumée, s’est retrouvée en ce premier jour de mars, le théâtre d’une exposition « culturelle et scientifique » selon la formule consacrée à l’extérieur et qui, une fois dedans, le visiteur découvre une exploitation tendancieuse et dangereuse des découvertes scientifiques à des fins de propagande islamiste. Cherif, enseignant et passionné du 7è art, tient tête à un groupe d’organisateurs qui l’entourent : « La science n’est pas là au service d’une religion quelque qu’elle soit. Tous les peuples du monde ont apporté leur contribution au patrimoine scientifique de l’humanité. Il est vain que vous veniez aujourd’hui, après avoir échoué dans vos tentatives des années 80 et du début des années 90, nous impressionner par les rapprochements à la louche, que vous établissez entre des versets spirituels et des données scientifiques matérielles. »

Pour boucler la boucle, les organisateurs se sont offert l’enceinte du lycée « des époux Seghouane », en infraction flagrante des disposition de la loi qui prémunie les établissements scolaires de toute activité extra scolaire n’émanant pas de la direction de l’Education. Le responsable de l’établissement, en toute apparence réduit au silence par des ordres venus « d’ailleurs », a refusé de commenter « l’événement ». Les parents d’élèves dont beaucoup, disent « être dans l’ignorance d’une telle incursion du fanatisme dans l’enceinte du lycée où conférence et exposition ont pris les relents d’un matraquage subversif ». Les enseignants et les agents d’administration rencontrés sur les lieux se disent, quant à eux, choqués par l’effronterie affichée par les organisateurs quand, sortant même de l’aire réservée à l’activité, se livrent dans la cour qui grouille de lycéens, à la distribution gratuite des exemplaires du Coran.

C’est dans ce lycée en effet, qu’un nouvel enseignant des « sciences islamiques », vient d’être fraîchement affecté, au terme d’un concours national « de recrutement de PES de sciences islamiques » où est reçue une trentaine de candidats dont 27 sont affectés dans la seule wilaya de Tizi-Ouzou.

Originaire de Tebessa, la nouvelle recrue se distingue après quelques jours seulement de sa prise de fonction, par une réclamation au responsable de la scolarité dont il a fait l’objet de la part de ses élèves qui lui reprochaient ses « déviations » qui le mènent loin du cadre pédagogique de ses cours pour verser, entre autres, dans l’incitation des filles à porter le hidjab. En réponse à quoi, un rappel à l’ordre du responsable à son encontre a eu lieu.

Pour rappel, le 30 mars 2006, El Qaradhaoui qui s’est offert la maison de la culture qui porte le nom de l’illustre auteur de « la colline oubliée », ne s’était pas montré avare en mots en affirmant notamment qu’il était « étonné de découvrir qu’à travers la ville de Tizi Ouzou, toutes les affiches étaient rédigées en langue française » en se montrant hostile à la transcription des enseignes de signalisation dans la langue de Molière. « L’arabe est la langue de Mohamed. Il faut enseigner l’arabe et le Coran », avait-t-il exhorté...

juin 2007 par Halim Akli


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