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Linguistique


Principes méthodologiques en linguistique comparée

Résumé du texte[1]

Jacques Halbronn – Docteur ès Lettres

 
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Mathématique et Langage

Pour l'Ethno-Méthodologie, les structures sociales sont l'expression, l’œuvre du groupe, elles ne sont pas sous-jacentes. Une linguistique en accord avec l'Ethno-Méthodologie considérera donc, il me semble, la langue comme une construction sociale n'existant qu'à travers son utilisation par ses concepteurs ou leurs successeurs. Pour moi, la langue comme la divination, sous telle ou telle forme, sont des créations s'appuyant sur un certain nombre de règles conventionnelles autour d'un double principe de rapprochement et d'exclusion de certaines formes.

Ne pas restituer une certaine émotion esthétique, une systématique, c'est manquer une dimension du consensus du groupe. Je veux dire par là que les structures organisatrices relèvent d'une façon ou d'une autre d'une forme de cohérence, d'harmonie qui semble garantir l'ordre du groupe[2]. Les lois ne sont pas acceptées parce qu'elles donnent de bons résultats, elles ont un impact parce qu'elles proposent un projet, une image de « cosmos », c'est à dire, en grec, d'ordre. L'esthétique est le signe de l'ordre, un contrat « social » implique un équilibre, une symétrie pour que l'on y adhère et que l'on passe à une praxis.

Je voudrais insister ici sur le caractère artificiel et arbitraire du langage.

En effet, il règne encore dans les discours sur le langage une certaine ambiguïté. L'on voudrait notamment que les langues évoluent selon des lois « naturelles », relevant de la phonétique, l'on passerait ainsi, par un processus d'usure, de tel son à tel son, le locuteur étant dès lors dominé par la langue et cette dernière vivant sa propre évolution.

Ethno-méthodologie et linguistique

L'approche ethnométhodologique du phénomène linguistique ne saurait, selon moi, adopter sans discussion certaines représentations proposées par les linguistes. C'est ainsi que le rôle de l'écrit me semble très important alors qu'il tend à être marginalisé pour les besoins de certaines théories linguistiques au risque de fausser certaines synthèses. Car affirmer la préséance du signifié, c'est se condamner à ne pas comprendre comment l'homme a tenté de décoder le monde pour en faire un « cosmos », un ordre; c'est laisser entendre que l'homme avait la science infuse, qu'il a compris le monde avant de le rencontrer. C'est un contresens anthropologique. C'est, au demeurant, parler comme certains astrologues[3] qui voudraient que les astres soient déjà des signifiés au moment où l'homme les découvre alors que c'est l'homme qui les fera passer du stade de signifiant à celui de signifié.[4]

Prononciation et sens

Un signifiant sous une forme écrite peut prendre plusieurs sens, non point tant en raison de variations sémantiques au sein d'une langue donnée mais aussi parce que l'on ne sait pas nécessairement à quelle langue il appartiendra. La prononciation du mot nous informera généralement quant à son appartenance au français ou à l'anglais par exemple.

Corps et signifiant

Un des premiers signifiants me semble avoir été le corps humain à la fois comme un tout et en ses parties externes puis internes. Le tabou de tuer l'autre est essentiel (cf. les Dix Commandements) en ce que le corps humain vivant est un signifiant auquel tout signifié peut être relié Ce n'est pas parce que l'on rejette le signifié qui lui a été attribué que l'on doit éliminer le signifiant, le support. La préservation des signifiants me semble être une constante de l'Histoire de l'Humanité en dialectique avec leur destruction qui est liée à la confusion signifiant/signifié. L'indexicalité insiste précisément sur les infinis recyclages du signifiant, ce qui souligne son caractère a priori universel.[5]

Chapitre I
Qu'est ce que la Morphologie ?

Je prendrai l'exemple de la notion essentielle en linguistique de « morphologie ». Je définirai ce terme comme une instance de régulation et d'organisation de la langue un peu à l'instar d'une structure étatique, de police. Encore faudrait-il s'entendre sur l'ampleur de son pouvoir...[6]

Pour la linguistique habituelle, la morphologie est la dimension qui sous tend la « grammaire », qui régit par exemple les conjugaisons et dans certaines langues les déclinaisons, avec toutes les particularités propres aux unes et aux autres . Pour moi, la morphologie a également pour objet, littéralement, de donner « forme » à la langue, c'est à dire de faire entrer l'ensemble des mots d'une langue dans un même moule, notamment au niveau phonologique, d'où le concept de morpho-phonologie. [7]

 

Chapitre II
Systématisations interne et externe

On étudiera successivement deux processus qui pèsent, chacun à leur façon, sur l'indexicalité à savoir, les systématisations externe et interne. J'entends par systématisation interne le processus visant à unifier le groupe, à déterminer les traits dominants de celui ci par opposition à systématisation « externe » laquelle consiste à analyser, avec plus ou moins de bonheur, les processus existant dans d'autres groupes

Chapitre 3
Le traitement du substrat latin en français

Je voudrais faire part de mes recherches linguistiques concernant le champ de la francophonie, approche qui sous tend un certain diffusionnisme peu apprécié des ethno-méthodologistes, espérant ainsi amener ces derniers à préciser leur pensée.

Pour une nouvelle description du français

Les ouvrages consacrés à la langue française ne manquent pas: grammaires et descriptions. Mais il me semble que l'on pourrait proposer d'autres procédures, liées à l'exigence pour le groupe d'unifier et d'organiser le champ des signifiants auxquels il a recours.

Pour une indexicalité globale

Quels sont les principes qui semblent avoir été appliqués à l'ensemble d'un proto-français plus proche du latin ? On dira donc qu'un mot est français – ou plutôt rendu « à la française » – lorsque son « s » final ne se prononce pas mais il va de soi que cette non-prononciation est le fait du locuteur et non du mot lui même. En ce sens, le français laisse un certain champ à l'indexicalité puisque ses mots peuvent être prononcés de tant de façons différentes. Se pose la question du franglais. Il est remarquable que les plus anglomanes parmi les francophones prononcent rarement le « s » pluriel des mots d'origine anglaise.[8]

Chapitre 4
La dialectique écrit/oral

Pour renforcer ma thèse sur la francophonie, il me semble utile de montrer que les locuteurs français sont les premiers à traiter les signifiants français avec une certaine fantaisie et à y introduire de nouvelles combinatoires. Plus l'on montrera que le français n'est pas une langue rigide et ne permettant qu'une seule « lecture », plus l'ensemble francophone pourra s'étendre à des manifestations que l'on avait jugé un peu vite étrangères, au nom d'un formalisme irréel qui voudrait qu'il y ait unicité de sens, de son, d'usage pour qu'il y ait même appartenance . Or l'indexicalité admet une infinité de variantes aux causes diverses. La plus significative est celle qui relève du passage de l'écrit à l'oral car l'écrit ne comporte que rarement son mode d'emploi: comment savoir au vu d'un mot comment le prononcer ?[9]

Chapitre V
La Réforme de l'Orthographe

L'idée d'une réforme de l'orthographe est récurrente. Ce phénomène montre clairement la volonté d'un groupe ou de quelques membres du dit groupe de ne pas laisser les choses en l'état.

La primauté de l'oral sur l'écrit

En fait, derrière ce débat sur l'orthographe du français, se profile l'idée selon laquelle l'oral prime nécessairement sur l'écrit, thèse que je conteste et dont je reprendrai ici certains éléments, prolongeant ce que j'ai déjà noté en première partie de ce volet.

Il me semble nécessaire de rappeler que le français écrit a été adopté dans de nombreuses langues et dialectes avec des variantes qui n'ont pas toujours affecté sa forme orthographique d'origine.[10] Que la non prononciation de certaines consonnes est ponctuelle et qu'il suffit de connaître les autres formes du mot pour retrouver les lettres qui ne sont pas prononcées. Ex : grand. Le « d » qui ne s'entend pas dans la forme masculine se retrouve, à l'oral, au féminin ou lors d'une liaison lorsque le mot suivant commence par une voyelle. Faudrait il écrire un mot différemment selon qu'il y a ou non liaison ? Il semble que l'orthographe du français, dont le traitement est à géométrie variable, préserve au contraire l'unité de la langue et reste pertinente au niveau étymologique. D'autres langues, à l'écriture plus « phonique » offrent un émiettement des signifiants et moins de transparence.[11]

L'hégémonie du français

L'on connaît le discours de Rivarol sur la supériorité de la langue française (à la fin du XVIIIe siècle). Il me semble que cet impact du français est dû en partie à son organisation, à son originalité, à son caractère, dû à une cohérence globale de ses structures, de ses codes, bref à un certain purisme, à une unité de la langue, à un creuset.

Des problématiques communes

Dans quelle mesure les mancies ont elles su gérer et organiser les données dont elles se servaient ?[12] Comment ont elles affronté la modernité ? Il me semble assez clair que des points communs existent entre langage et divination, non point tant parce que la divination serait un langage (cf. Section III de la Seconde Partie) mais parce que l'une et l'autre sont les produits d'un ordre social.

Dans la mesure, en effet, où je suis parvenu à mettre en évidence le caractère « géométrique » de l'élaboration des langues, le parallèle entre langage et divination semblera pertinent. Ceux qui s'opposeront à notre discours seront, cette fois, les partisans du caractère transcendant – ou sur un autre plan, empirique – de la divination. Les premiers seront gênés par cette origine sociale, « humaine » de la divination et des savoirs qui la sous tendent, les autres préféreront affirmer que ces savoirs sont le fruit de l'expérience « humaine », qu'ils se sont en quelque sorte « peu à peu » mis en place par une sorte d'osmose entre l'Homme et son environnement.



[1] – Cet essai était partiellement intégré à un mémoire de DESS soutenu à Paris VIII sous la direction de Yves Lecerf.

[2] – Ce souci de cohérence se manifeste dans un besoin d'adéquation signifiant-signifié. L'homme a besoin, semble-t-il, d'une certaine structuration qui lui donne le sentiment de sa maîtrise sur le monde.

[3] – Cf. J.P. Nicola, Pour une astrologie moderne, Paris, Seuil 1977.

[4] – Ce débat sur la dialectique signifiant/signifié est lié à la « révolution copernicienne ».

[5] – Il est clair que tout signifiant est susceptible de désigner n'importe quoi. L'astrologue tendra, pour sa part, à rechercher une sorte d'univocité des signifiants astronomiques.

[6] – Je pense d'ailleurs que seuls les mots ou les morphèmes qui relèvent de la morphologie la plus fréquente respectent les principes de la morphologie. Comme dans un Etat ou dans une entreprise, il y a des personnes qui sont plus représentatives, plus responsables. Il peut exister des régions qui finissent par échapper en grande partie au pouvoir central. Il en est de même de certains mots qui finissent pas vivre « hors la loi" lorsque le pouvoir morphologique est affaibli.

[7] – Placer « morpho » devant un concept indiquera que celui ci aura été l'objet d'une régulation propre à un ensemble dont il est censé faire partie.

[8] – L'indexicalisation du français à l'égard des mots anglais passés en français ou présents en français consiste à ne pas rendre la marque du pluriel à l'anglaise alors que l'on s'efforcera de rendre « à l'anglaise » le corps du mot :  un hamburger, des hamburger(s) (cf. aussi la prononciation de Buenos Aires en français, où l'on n'entend pas davantage le « es » final).

[9] – Le fait que plusieurs langues disposent du même alphabet a des effets pervers.

[10] – Cf. Méthode d’orthographe, Claude Jonquière (manuscrit inédit).

[11] – En ce sens le français se rapproche des langues sémitiques.

[12] – Cf. J. Halbronn, Mathématiques Divinatoires Paris 1983, Collectif, Anthropologie et Calcul. Ed 10/18.

J. Halbronn le 12/05/01

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