Le milieu astrologique en France au XXe s.

Jacques Halbronn, docteur ès Lettres

 

 

Jacques Halbronn est en outre Docteur en Études Orientales sous la direction de Georges Vajda. Sa thèse est parue en 1985 sous le titre « Le monde juif et l'astrologie ». Il a tenté une expérience d'émigration en Israël au lendemain de la Guerre des Six Jours. Par ailleurs, il s'est spécialisé ces dernières années dans l'œuvre de Théodore Herzl et dans la genèse des Protocoles des Sages de Sion, qui constituent une partie de sa thèse d'État « Le texte prophétique en France ». Cette thèse est diffusée dans les bibliothèques universitaires, sur tout le territoire national, sur microfiche, sous la référence ANRT 34216.

Lors du dernier Congrès organisé, les 29-30 mars 2003, au Palais des Congrès (Paris, Porte Maillot) par Yves Lenoble et Sep Hermés, un événement porteur sur le plan épistémologique eut lieu dont il convient de mesurer l’importance  : le dernier exposé fut consacré par Lenoble à “L’arbre généalogique du milieu astrologique”, dans le cadre, il est vrai de journées consacrées aux “Filiations et transmissions familiales en astrologie et en psychologie”, thème qui se prêtait, sans doute, à une telle mise en perspective. Sa communication paraîtra en 2004 dans les Actes.

Tout se passe comme si Lenoble (né en 1947) avait éprouvé le besoin de se situer dans une certaine lignée, dans une continuité, en tout cas dans une certaine Histoire. Au fond, rien que de très banal, en d’autres domaines, mais qu’il convenait, dans ce milieu astrologique précisément, de verbaliser, d’assumer, plutôt que de refouler. On sait d’ailleurs ce qu’il en coûte de vouloir se situer hors du temps et de ne pas reconnaître les filiations. Les astrologues ont au vrai si peu écrit sur leur généalogie collective et chaque groupe avait pris l’habitude d’occulter sa genèse, ses racines, mettant à mal la cohérence diachronique au seul bénéfice de l’approche synchronique.

Il est probable, au demeurant, qu’avec le recul, il est plus facile de traiter de ce qui eut lieu il y a près d’une trentaine d’années, comme si un cycle saturnien complet s’étant écoulé, on parvenait à exorciser le temps. À cela il faut ajouter l’effet “XXIe siècle”, qui permet de faire le bilan du siècle révolu. Toujours est-il qu’en effet, en ce mois de mars 2003, (Saturne étant à 23° des Gémeaux) Lenoble évoquerait – enfin ! – le congrès historique de l’Hôtel Méridien, qui avait eu lieu en septembre 1974 (Saturne étant à 17° Cancer) également à la Porte Maillot, Saturne se rapprochant donc de sa position de 74.

C’est ainsi que Lenoble évoqua 1974 comme étant, effectivement, le début de l’ère des congrès astrologiques en France, insistant sur le rôle de Jacques Halbronn (né comme lui en 1947) fait que depuis lors il ne se passa plus une année sans qu’un Congrès astrologique ait été organisé par telle ou telle association astrologique, en tel ou tel endroit de l’hexagone, ces congrès constituant, à n’en point douter, pour le milieu astrologique, une nouvelle sociabilité.

Lenoble rappela un grand nombre de sigles d’associations astrologiques s’étant succédé tout au long du XXe siècle ; on entendit donc toute une litanie d’initiales quelque peu hermétiques, ne faisant sens évidemment que pour les initiés, comme c’est le cas pour chaque milieu, tout comme c’est le cas pour les photos de personnages. Une telle galerie de sociétés astrologiques est le pendant de ce savoir astrologique, fait de noms de signes et de planètes et qui souvent intéresse exclusivement les élèves en astrologie. Curieusement, au cours de 2002, la revue L’astrologue (n°s 139–140, parution en novembre), dirigée par André Barbault, avait publié de Pierre Delmas “110 thèmes d’astrologues” – dont nombreux sont encore en vie – ce qui révélait l’émergence d’une certaine réflexivité, c’est à dire d’un regard sur soi-même et non plus seulement sur les autres, comme si quelque part le milieu astrologique avait eu honte de parler de lui-même et des principaux acteurs l’ayant modelé. En réalité, nous avions, pour notre part, notamment à partir de 1984, publié moult travaux dans ce sens mais nous fîmes longtemps plutôt cavalier seul (cf. bibliographie in fine).

Il convient à présent d’apprécier la qualité du travail entrepris par Yves Lenoble en précisant que ce domaine comme tout autre est voué à la recherche et que des divergences, sur tel ou tel point, peuvent exister qu’il conviendra, éventuellement, de résoudre, documents à l’appui.

Lenoble découpe ainsi le XXe siècle astrologique français :

– I jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale,

– II du milieu des années 1940 jusqu’en 1974 et

– III, depuis 1974 jusqu’à nos jours.

On a signalé que 1974 correspondait à l’an 1 de l’ère des congrès.

Si l’on remonte, on trouve, toujours selon Lenoble, l’alliance entre les Cahiers Astrologiques et le CIA (Centre International d’Astrologie), qui dura une dizaine d’années, jusqu’à la fondation, en 1968, de l’Astrologue, dans le cadre du CIA.. Lenoble y voit un âge d’or de l’astrologie que cette synergie entre les mercredis du CIA, à Paris, tous les quinze jours, et la revue niçoise de Volguine, fondée en 1938. André Barbault (né en 1921) est une figure dominante de cette période marquée, selon Lenoble, par le courant astropsychologique…

Quant à la première période découpée par Lenoble, qui voit l’émergence d’une astrologie dite scientifique, surtout en ce qu’elle renoue avec des données astronomiques réelles, il est signalé que nombre d’astrologues préfèrent alors utiliser des pseudonymes et autres anagrammes (Selva, Hiéroz, Barlet, Fomalhaut, Flambart etc.), ce qui dénoterait quelque marginalisation ;. ce trait ne sera plus guère de mise après guerre à quelques exceptions près (Hadés, notamment, né en 1931). On peut considérer cette première période comme celle du renouveau en France de l’astrologie pratiquée au XVIIe siècle, non sans une certaine marque anglo-saxonne, tout comme en 1974, ce fut l’implantation en France des congrès astrologiques en vigueur notamment Outre Manche.

L’association principale dans les années 1930 est la Société Astrologique de France (SAF), celle-ci – pour la “petite histoire” , après avoir été éclipsée par le CIA après la guerre, réapparaîtra dans les années Soixante-dix, du moins son sigle recyclé, pour désigner le “nouveau” CIA, sans qu’il y ait eu dissolution. À la suite de quelques péripéties, c’est l’anagramme “SFA” qui fut le choix final en la circonstance et désormais la revue Trigone serait celle de la SFA.

Mais, en règle générale, Lenoble n’a pas vraiment cherché ici à signaler l’évolution des pratiques et des doctrines astrologiques mais a souhaité ne se consacrer qu’au monde associatif et à un certain processus de séparation ou de rapprochement. En effet, nombre d’associations dérivent d’autres associations qui les ont précédé et qui, le cas échéant, leur auront servi de tremplin, ce qui permettait effectivement de parler d’un “arbre généalogique du milieu astrologique”

On relèvera certains chaînons ou certaines flèches faisant défaut dans l’organigramme de Lenoble. C’est ainsi qu’il ne rappelle pas que le MAU, fondé en 1975, est lié au CIA, que son président fondateur, Jacques Halbronn, en fut le vice-président, en 1973, ainsi que le rédacteur en chef de la revue du CIA, Trigone, fondée en remplacement de l’Astrologue qui n’était plus contrôlé par le CIA. Observation qui facilite le parallèle avec la fondation du GERAS de Patrice Louaisel (né en 1949), ayant également fait ses classes au CIA. Lenoble aurait pu insister sur la jeunesse de ces deux leaders, de formation universitaire, qui allaient mener la vie dure à des hommes, formés sur le tas, nés dans les années vingt, soit avec un bon quart de siècle d’écart.

Dans la genèse de la fondation de l’ARRC de Lenoble, en 1977, on pourrait éventuellement se demander s’il ne s’agirait pas d’une scission par rapport au MAU.. En effet, Lenoble, après avoir rompu avec le CEFA de Jean-Pierre Nicola, participa activement aux activités du MAU ; il organisera, d’ailleurs, avec son association, au cours du premier semestre 1978 deux congrès avec le MAU.

On est quelque peu surpris quand on arrive aux années 1980 de devoir noter que Lenoble ne mentionne pas, dans son tableau, les deux Fédérations : la FFA (Fédération française d’astrologie) de Danièle Rousseau (née en 1944) et la FEA (Fédération des Enseignants en Astrologie) de Denise Daprey (née en 1925), présente d’ailleurs au Congrès de mars 2003, qui furent au cœur de la vie astrologique pendant quelque temps. Ce fut au demeurant un temps fort pour le leadership féminin en milieu astrologique. Une telle omission est d’autant plus surprenante que Lenoble avait été un membre de l'exécutif de la FFA. Quelque part, ces deux Fédérations expliquent ce qui va se passer ensuite, dans l’histoire notamment de l’ARRC de Lenoble, du CEDRA de Maurice Charvet, dans les années qui suivront.

C’est en effet, avec une partie de l’équipe de la FFA que l’ARRC connaîtra un second souffle qui se manifestera notamment à partir de 1990 par l’organisation des congrès annuels d’Yves Lenoble. Peu importe ici qu’au lieu de fonder une nouvelle association, Lenoble ait jugé bon de relancer une ancienne association qu’il avait fondée en 1977, il n’en reste pas moins que l’ARRC bis ne se conçoit pas sans référence avec la FFA. Pas plus d’ailleurs que le CEDRA ne se conçoit sans référence au GERASH dont il récupéra notamment la revue Astralis, étant précisé que si le GERASH fut dissous, ce fut notamment en raison de la mise en place de la FEA, à partir de certains de ses éléments, la FEA étant selon nous dérivée du GERASH, comme l’illustre le fait que Jacques Halbronn, qui avait suscité la formation de la FEA, en 1985, dirigea le GERASH, lors du départ, en 1986, de Patrice Louaisel, qui était lui-même membre de la FEA. Il conviendrait donc selon nous d’indiquer comme date importante après 1974 et le renouveau des congrès astrologiques, celle de 1984 qui enclencha un processus fédératif lequel modifiera à terme profondément le paysage astrologique français.

 

En ce qui concerne les structures de l’enseignement astrologique, le tableau d’Y. Lenoble – qui sera d’ailleurs probablement modifié d’ici parution dans les Actes – mentionne le CEFA et l’AGAPE (Association générale des astrologues psycho-professionnels  européens) mais omet  de signaler la FLAP. Or, il semble bien qu’il y ait là aussi un phénoméne de relais. Le CEFA fut constitué au sein du CIA, au tout début des années Soixante-dix puis évolua, dès 1974,  pour devenir une structure vouée à la seule Astrologie Conditionnelle/Conditionnaliste de  J.P. Nicola, changeant finalement son sigle en COMAC.  A sa création, le CEFA rassemblait une équipe très diverse d’enseignants (Jacques Berthon (né en 1926), Paul Colombet, Régine Ruet, J. P. Nicola (né en 1929). Dans le genre, on ne verra plus avant le début des années 1990, avec la création du GAPP, devenu ensuite AGAPE, autour de Solange de Mailly Nesle (née en 1949), d’Yves Lenoble, de Joëlle de Gravelaine et de quelques autres, que celle de la FLAP, qui dura de 1975 à 1994.

La FLAP (Faculté Libre d’Astrologie de Paris) était une émanation du MAU tout comme le CEFA le fut du CIA. Mais la FLAP ne s’émancipa jamais du MAU, ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas en parler. En effet, son créneau était bien distinct des activités de congrès du MAU (cf. notre étude sur les trois niveaux de sociabilité en milieu astrologique, in bibliographie). Elle recourut, au fil des années, à un grand nombre d’enseignants en astrologie dont certains furent d’ailleurs récupérés  par le GAPP, tels Catherine Aubier et Marielle Clavel. La FLAP fut donc un lieu de collégialité didactique assez unique en son genre pendant une quinzaine d’années.(cf. notre préface à l’ouvrage de Fouzy Hamici, un des enseignants à la FLAP,  Le premier horoscope du Troisième Millénaire, Paris, Ed. France V. 1999).  On voit donc que les structures  d’organisation de congrès et de cours constituent, à juste titre,  la base du tableau de Lenoble et on ne saurait au demeurant sous-estimer les interactions entre les unes et les autres et ce d’autant que l’AGAPE organise des colloques et que les congrès de l’ARRC/Sep Hermés ont souvent eu vocation pédagogique.

En conclusion de ce bref aperçu/rappel concernant la sociabilité  des astrologues – nous renvoyons à notre bibliographie (infra) sur papier et sur le web –  rappelons que l’idée de Lenoble était d’aider à mieux comprendre les clivages, les querelles persistantes, les anathèmes toujours en vigueur,  qui parcourent actuellement le milieu astrologique en  remontant le temps; il y a à l’évidence une interdépendance entre aujourd’hui et hier. Derrière les sigles, il y a à l’évidence des hommes, au demeurant peu nombreux, qui auront façonné le milieu astrologique et qui se seront passé le relais. Par delà les tensions qui ont pu être générées, il serait malsain, comme d’aucuns semblent encore tentés de le faire, de ne pas respecter ses adversaires au point de nier  ou de minimiser, en tout cas, leur influence, tant, d’ailleurs,  en ce qui concerne ceux qui  ont précédé que ceux qui ont suivi. Ce qui vient compliquer le jeu des filiations, c’est que parfois – si on examine les dates de naissance – les pionniers – notamment Patrice Louaisel et Jacques Halbronn –  sont plus jeunes ou du moins de la même génération que leurs successeurs – Maurice Charvet, Yves Lenoble, Danièle Rousseau et qu’ils n’ont pas nécessairement atteint un âge vénérable comme c’est le cas d’un André Barbault, octogénaire...

 

JH, le 31. 03. 03

 

Bibliographie

J. Halbronn et al. La vie astrologique il y a cent ans, Paris, Trédaniel, 1992

J. Halbronn La vie astrologique, années trente-cinquante, Paris, Trédaniel, 1995

J. Halbronn, Le guide de la vie astrologique, Préface R. Changeux, Paris, Trédaniel, 1984

Le Guide astrologique, Paris, O. Laurens, 1997

J. Halbronn, dir. Aquarius ou la Nouvelle Ere du Verseau, Paris, Albatros, 1979

J. Halbronn :” Le milieu astrologique, ses structures et ses membres”, site du CURA.free.fr

J. Halbronn, “Les trois strates de la sociabilité en milieu astrologique”, revue en ligne Etoile & Planète, (par site Pagesjaunes.fr, puis mouvement astrologique, 75)

J. Halbronn et al., Sur la piste du Zodiaque. articles parus dans la Revue Grande Conjonction, n°s 3 (“Méthodes de l’astrologie”), 4 (“Le milieu des astrologues”), 5 (“Arcanes du savoir astrologique”), 1977-1978.

J. Halbronn et al. “Astrologie, pathologie d’une épistémé”, Hommes & Faits, même rubrique sur ce site

Anne Rose et Agnès Delagnolo-Fiquet : “Les femmes et l’astrologie : un récent mariage ?”, Hommes et Faits, même rubrique sur ce site

Herbais de Thun, Encyclopédie du Mouvement astrologique de Langue Française, Bruxelles, Ed . Revue Demain, 1944

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