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Le racisme scientifique

Les dénégations des archéologues sur une grande civilisation africaine.


Depuis le discours de Dakar du Président Français, bien des polémiques niassent sur le web à propos de l’archaïsme de l’Afrique et de ses populations. Des préjugés que l’on croyait disparus refont surface, preuve qu’ils rampaient en sourdine, attendant de pouvoir alimenter de nouvelles rumeurs et pour rassurer l’arrogante conscience blanche de sa suprématie universelle. Nous présentons ici l’article de Paul Mombelli à propos de ce qui fut injustement une énigme : The Great Monument Zimbabwe.
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Empire Zimbabwé - du Ie au XVIe

Vous imaginez aisément que, sur ce sujet, je n’invente rien, je me fie simplement à la revue scientifique « Pour la Science » (édition française de la revue américaine « Scientific American »), qui nous présente la recherche archéologique en terre africaine, sous l’intitulé explicite suivant : « Le Racisme Archéologique » de janvier 1998.

Cet article sur le Zimbabwé, explique officiellement le mécanisme de la falsification de l’histoire de l’Afrique au regard de l’idéologie coloniale et néocoloniale qui veut que toute civilisation avancée, toute construction massive en pierre soit issue systématiquement d’une migration mythique « blanche ».

On apprend donc qu’en découvrant Zimbabwe, le professeur allemand Karl Mauch, stipula en 1871 que : « La cité n’a pas été construite par des Africains, car le style de construction est trop élaboré : c’est l’œuvre de colons phéniciens ou juifs.  »

« Un échantillon de bois confirme son analyse rapide : il a la même odeur que son crayon, donc il est en cèdre et provient du Liban. Mauch est suivi de Willi Pooselt qui dérobe un des oiseaux de stéatite et en cache d’autres, en attendant de revenir les chercher (...) Quand Cecil Rhodes, fondateur de la Société britannique Sud-africaine, autorise Neal à exploiter toutes les ruines rhodésiennes, Zimbabwe est pillé, ainsi que les autres sites de l’Âge du fer : l’or et tous les objets de valeur sont emportés, sans aucun respect pour les constructions ni pour les objets sans valeur marchande (poteries ; objets en argile, figurines). Le premier archéologue à venir sur le site est l’Anglais Théodore Bent (...) Il conclut que Zimbabwe a été construit par une race bâtarde, descendant d’envahisseurs blancs venus du Nord, puisque, comme Rhodes et la plupart des colons européens le supposent, des Noirs n’auraient jamais pu le construire. »

Pendant ce temps, les chercheurs africains qui soutenaient le contraire étaient persécutés :

« De 1965 jusqu’à l’indépendance, en 1980, le Front rhodésien, parti fondé par le Premier ministre Ian Smith et qui défend un système d’apartheid, censure tous les ouvrages et documents qui décrivent Zimbabwe ; les archéologues qui défendent l’origine africaine de Zimbabwe sont emprisonnés et expulsés ; les Africains qui soutiennent des positions similaires perdent leur travail ; les populations locales n’ont plus le droit d’y célébrer des cérémonies rituelles ; même les visites du site sont interdites. »

Soutenue par l’ancien régime sud africain, cette mascarade suivait paisiblement son cours. Ce n’est que depuis quelques années et surtout la fin du régime de l’apartheid en Afrique du Sud que les constructions de la civilisation de Zimbabwe (à savoir « la maison de pierre ») ont été officiellement attribuées au peuple Nègre Shona de la région. Cela avait déjà été démontré par les historiens africains depuis le début des recherches et aussi en 1905, par l’égyptologue David Randall-Maclver.

Mais qui voit les ruines de Zimbabwe découvre qu’il s’agit en fait d’un empire incroyable par son gigantisme. Imaginez un peu : une immense muraille en forme d’ellipse a une hauteur de 10 m et son épaisseur à sa base est par endroits de 5,50 m pour 1,30 à 3,60 m de large à son sommet. Son périmètre est de 244 m et le sommet de la muraille est décoré de motifs à chevrons. Une tour conique à l’intérieur de l’enceinte s’élève à 9 m de haut pour 5,4 m de diamètre.

A 700 mètres, au nord, on trouve encore l’Acropolis Hill, une colline à sommet plat sur lequel a été construit un immense château fort, dont la fondation remonte au 4e siècle. Sa muraille s’élève à 11 m de haut pour 100 m de long et 45 m de large. Toute la région de Zimbabwe, couverte de ruines en pierre, s’étend sur une zone de plus de 7 km carrés. On y a même retrouvé de la porcelaine chinoise, preuve de l’existence d’un commerce international déjà florissant à cette époque.

C’est ce gigantisme qui a conduit les chercheurs européens, prisonniers de la vision coloniale de l’histoire de l’Afrique, à déclarer qu’il s’agissait des mines du roi Salomon.

Ce qui est intéressant pour nous, c’est qu’au regard de ces vestiges nous découvrons qu’il existait, au sein du peuple Shona, des astronomes avertis (car l’édifice jouit d’une orientation astronomique précise), des architectes doués, des ingénieurs en construction en pierre et en génie civil, des mathématiciens, des maçons, des urbanistes, etc... Bref, toute une classe d’intellectuels et de savants qui étaient les joyaux vivants du royaume Shona.

L’explorateur O. Dapper nous a heureusement décrit quelque peu, la vie dans ce vaste empire du Monomotapa, dirigé par le seigneur Mwana Mutapa :

« On y entre par quatre grands portaux où les gardes de l’empereur font tour à tour la sentinelle. Les dehors sont fortifiés de tours et le dedans divisé en plusieurs chambres spacieuses garnies de tapisseries de coton où la vivacité des couleurs dispute le prix à l’éclat de l’or, si l’on en croit quelques géographes. Des chaires dorées, peintes et émaillées et des chandeliers d’ivoire suspendus à des chaînes d’argent sont une des beautés de ces appartements somptueux. Sa vaisselle est de porcelaine entourée de rameaux d’or. »

Un explorateur français du XVIIe siècle, Nicolas Sanson d’Abbeville, nous décrit encore le palais (cf. L’Afrique en plusieurs cartes nouvelles et exactes, Paris, 1656). Nous constatons alors que nul ne manquait d’éloge pour décrire ce vaste empire et surtout le palais :

« Le palais est grand, magnifique, flanqué de tours au-dehors avec quatre principales portes ; le dedans enrichi de tapisseries de coton, rehaussée d’or et de meubles riches et superbes.  »Cette construction massive en pierre témoigne encore de l’existence d’outils (pelles, ciseaux de taille...), de connaissances mécaniques (leviers, rampes, contrepoids...), mathématiques (cône, ellipses...) architecturales (plans, maquettes), etc.

Il est encore intéressant à noter que ce vaste royaume de Dzimba Zemabwé (Zimbabwé) jouissait, d’une organisation sociale stricte (comme tous les empires africains), reflet d’une société humaine administrée et hiérarchisée. Au sommet de cette hiérarchie sociale on trouve la Namwari (reine Mère) et le Mwene Mutapa (empereur, maître de la fortune richesse) puis viennent les Chembere Mwari (les prêtres), puis les Mashona (fonctionnaires), puis les Renge (artisans), puis les Limpo (agriculteurs), après les serviteurs et enfin les captifs.

Si l’on considère que cette pyramide sociale se rapproche de celle de Kemet (l’Égypte ancienne), on peut légitimement penser que les prêtres cumulaient les fonctions sacerdotales et celles d’ingénieries techniques (construction, astronomie, urbanisme...).

Complément d’informations

Mon ami, le poète d’origine polonaise Wlajw, nous fait parvenir le texte suivant :

J’ai pris connaissance avec un intérêt marqué votre récit sur Zimbabwe. Dans ce récit, vous touchez du doigt une page d’histoire occultée, où le rôle de l’occident n’est pas en son honneur.

Si les pierres nues de Zimbabwe pouvaient parler, elles nous diraient qui les a entassées, quand, et pourquoi : malheureusement elles sont muettes.

Avant l’arrivée des colons, toute l’histoire de l’Afrique noire et en particulier celle du Mashonaland est imprécise, à peine esquissée. C’est le problème des peuples qui n’ont pas une histoire écrite.

Ce qui est certain, on ignore quand les Bantous arrivèrent en Rhodésie. Les archéologues divergent entre deux dates soit avant le VIe siècle ;ce qui attesterait qu’ils en sont les bâtisseurs ; ou le XIIe siècle. Les Portugais arrivèrent dans la région aux alentours de 1570, trouvèrent l’empire du Manomotapa bien organisé. Ce qui fait dire à l’archéologue David Randall-MacIver, que Zimbabwe était construite bien avant le Xe siècle, que les objets trouvés dans les ruines étaient, soit d’origine africaine, soit des produits commerciaux liés au troc, voire d’une époque plus lointaine.

Pour lui, les Bantous étaient bien les auteurs des constructions édifiées plus de trois à quatre siècles avant l’arrivée des Portugais.

Il est certain que ceux qui ont voulu prouver que la race blanche ou caucasienne était supérieure, ont tenu à démontrer que Zimbabwe avait été construite bien après le Xe siècle.

À titre d’exemple, les colons blancs de l’Afrique du sud, ont fait feux et flammes pour affirmer que les Bantous ne pouvaient avoir construit Zimbabwe, puisqu’ils n’étaient encore implantés ici, et parce que les Noirs d’Afrique n’ont jamais rien construit en pierre ou encore parce qu’ils étaient trop stupides et paresseux. C’est la résultante de la grande querelle qui éclata à la fin du XIXe siècle à propos des différences parmi les races humaines.

En 1929, l’archéologue Gertrude Caton-Thompson, reprit les fouilles. Elle admettait que les ruines étaient plus anciennes que Randall-MacIver ne l’avait pensé. Pour elle, les ruines dataient bien avant le Xe siècle et elles étaient le fait des Bantous, car, pour elle, c’était incontestablement le produit " De cerveaux infantiles et prélogiques. "

Le roman des ruines de Zimbabwe sera-t-il un jour écrit ? Un auteur l’a fait, d’une manière indirecte et romantique. Henry Rider Haggard, jeune officier colonial, par son roman Les mines du roi Salomon, écrit en 1895, basé sur la légende de Zimbabwe.

Le site de Zimbabwe se situe dans un paysage européen, que l’on s’étonne de trouver vide, où se dresse une architecture originale dont le caractère purement africain n’est plus à démontrer. Le peuple Bantou, bâtisseur à sa façon, porteur du fer et des techniques liées au métal ; premier élan d’une civilisation qui devait s’éteindre prématurément.

Cette civilisation Bantoue fut à un moment confrontée avec des techniques étrangères, porteuses de valeurs plus virulentes : celle de l’or.

Zimbabwe est une histoire inachevée trop vite, seul le décor a survécu.

Sincère amitié, Wlasislaw

Je ne rajouterai qu’un détail à ce bel exposé, c’est que le roman Les mines du roi Salomon fait justement partie de ces tentatives européenne qui visent à déposséder le peuple Bantou de son fabuleux héritage.

En complément :

Grand Zimbabwe (Great Zimbabwe) http://artslivres.com/ShowArticle.php ?Id=299

avril 2008 par Paul Bombelli


Notes :

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