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Les ambitions d’une caisse populaire dans un village du Burkina Faso

L’exemple du groupement féminin d’Aoréma


L’intérêt pour des enquêtes anthropologiques m’a conduit, pour la première fois en 2002, à Aoréma, petit village situé à 15 kilomètres environ de Ouahigouya, la métropole de l’ouest du Burkina Faso. J’avais été alors fort bien accueilli par un homme, en l’occurrence, Monsieur Kassoum Ouédraogo, que je ne connaissais point auparavant et qui m’a hébergé chez lui pendant quelques jours. Pendant mon séjour, j’avais remarqué une assemblée de femmes suivie de longues discussions durant une matinée entière chez et avec mon hôte. Une dame venue à moto de Ouahigouya semblait animer cette réunion. J’eus l’occasion en juillet, puis en août 2003 d’y retourner. Je pus alors demander à mon hôte, devenu un ami, le sens de ces assemblées. C’est ainsi que j’ai été informé de l’objet de ces dernières : il s’agit d’un ensemble de groupements féminins en coopérative qui dépend des Caisses Populaires du Burkina Faso. Il m’a semblé alors intéressant de faire connaître davantage le travail de ces femmes par l’enquête présente.

Je présenterai, d’abord, les Caisses populaires, puis le groupement des femmes d’Aoréma à travers le fonctionnement de leur coopérative avant d’envisager un examen rapide des finalités de celle-ci.


Situation (PNG)


Carte de la végétation (PNG)

1-Une brève présentation du réseau des Caisses Populaires du Burkina Faso

Le réseau en question couvre tout le pays. Sa finalité essentielle consiste à accorder des prêts financiers aux particuliers sans discrimination du genre de leur travail. Parmi les emprunteurs, on trouve, pêle-mêle, des artisans, des commerçants, des entrepreneurs dans le bâtiment, des agriculteurs, des fonctionnaires qui s’investissent dans une activité annexe à leur travail salarié etc. ; en somme, tous les secteurs de l’activité économique. Le réseau des Caisses Populaires du Burkina Faso a une philosophie : accompagner son programme de crédit aux diverses couches sociales d’une politique d’épargne qui se fonde sur l’éducation à la gestion des fonds de la caisse et des bénéfices qu’ils génèrent au niveau de chaque activité.

Le groupement féminin d’Aoréma fait partie de l’union régionale des Caisses Populaires du plateau central. Pendant mon séjour, celle-ci avait tenu sa neuvième assemblée générale le 26 juillet à Ouagadougou pour mesurer ses forces, l’ampleur de son implantation et tirer les leçons de son activité globale au cours de l’année 2002. Dans son numéro du 29 juillet 2003, un des journaux importants du pays, « Sidwaya », à l’occasion de cette assemblée, rappelle l’objet des Caisses Populaires du Burkina : « L’U.R.C.P.C.(Union Régionale des Caisses Populaires du Plateau Central) est une structure de crédit qui fait partie des quatre unions légalement reconnues par le réseau des Caisses Populaires du Burkina. Le samedi 26 juillet dernier, elle a organisé au centre d’accueil de conférences et de séminaires de Ouagadougou, son assemblée générale ordinaire. Une occasion qu’elle a saisi pour faire le bilan de ses activités au compte de l’année 2002 et pour confirmer et réorienter ses activités de l’année en cours (2003) ».


2- Echec des tentatives précédentes d’associations et d’une ONG à Aoréma

Sans doute, l’idée d’un « programme crédit épargne avec éducation » semble nécessaire eu égard aux tentatives et aux échecs de nombre d’associations des pays du Nord qui oeuvrent au Burkina Faso. Une bonne partie de ces échecs est due à la mauvaise gestion des fonds engagés pour réaliser des projets précis. A cet effet, il n’est pas inutile de rappeler quelques vaines tentatives d’O.N.G. et d’associations, non seulement dans le Yatenga (province du Burkina Faso dont Ouahigouya est la capitale) mais même à Aoréma. Deux exemples suffisent ici à illustrer ces échecs.

D’abord, grâce au financement de « Kinder INNOT », une fondation belge, un centre nutritionnel a été construit à Aoréma dans le cadre d’un projet « S.O.S. Sahel INNAM ». Cette fondation belge, par une espèce de naïveté, avait confié toute la gestion et la stratégie du fonctionnement du centre à des cadres locaux. Ceux-ci s’employaient à envoyer des rapports minutieux sur le suivi du projet. Suivant les étapes, des financements conséquents qui correspondaient au coût du fonctionnement du centre nutritionnel étaient adressés aux responsables de la structure. Mais, le dépassement constant des frais de fonctionnement avait conduit la fondation à envoyer un expert en mission d’inspection. C’est alors qu’on se rendit compte que rien n’avait été fait conformément aux plans du projet. Pire, les rapports envoyés à la fondation ne correspondaient strictement à rien : tout était factice. La fondation décida alors d’arrêter le projet. Le responsable local n’a pu survivre à l’arrêt de ce projet. Car les villageois, tout autant que la Fondation belge lui ont imputé toute la responsabilité de l’échec du projet. Aurait-il été contraint par les villageois à une mort subite, un suicide, en somme, pour lui faire payer cet échec qui lèse toute la population, en particulier les enfants et les femmes ? Personne ne sut (ou ne voulut) m’éclairer sur cette affaire. Le centre nutritionnel fonctionna de 1999 à juillet 2001.

Ensuite, le projet le plus ambitieux et qui couvrait tout le Yatenga, avait été initié par une O.N.G. allemande sous l’égide de la C.E.E. L’ « agro-écologie », tel était le nom de ce projet, fonctionnait aussi sur le mode du prêt. Mais, pour que l’« agro-écologie », puisse récupérer sa mise, les bénéficiaires de ces prêts devaient nécessairement passer par la garantie des Caisses Populaires du Burkina Faso. Dans la majeure partie des cas, il s’agit de contrat pour l’acquisition de matériel de mécanisation agricole. Les conditions de prêt ou d’acquisition de matériel agricole étaient strictes pour l’acquéreur, comme le montre ci-dessous, un exemple de contrat type :

MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL

DIRECTION RÉGIONALE DE L’AGRICULTURE DU NORD

PROJET AGRO-ECOLOGIE / YATENGA

BP 72 TEL 55-03-95


CONTRAT D’ACQUISITION DU MATERIEL PÉPINIÈRE


Entre les soussignés

Le projet Agro-Écologie d’une part représenté par le coordonnateur

Et d’autre part le groupement de....Aoréma Santaaba...

Il est arrêté et convenu le présent contrat d’acquisition du matériel pépinière


Article I : Le projet Agro-Ecologie s’engage à mettre à la disposition des pépiniéristes au travers des groupements, un certain nombre de matériel indispensable aux activités pépinières selon les conditions et modalités suivantes :

Article II : Le matériel est mis à la disposition de M. Ouédraogo Kassoum....

pépiniériste du village de..Aoréma.......... à partir de 19-10-98 et en

présence de Mr . M. Maïga Habibou président du groupement dudit village

Article III : Le matériel n’est pas subventionné et le pépiniériste s’engage par le présent contrat à reverser la totalité de la somme dans la caisse de son groupement.

Article IV : Tout le matériel acquis sera remboursé à 100% en deux (2) ans à l’exception de la brouette dont le remboursement se fera en cinq (5) ans. Ce matériel est constitué de :

-1 brouette

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février 2006 par Pierre Bamony


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