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La l�gende
et le mythe d'Oedipe

Point de vue historique, analyse litt�raire

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Mario Meunier

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La l�gende d'�dipe nous est surtout connue par tout ce que le g�nie de Sophocle nous en a racont� dans les trois trag�dies : �dipe-Roi, �dipe � Colone et Antigone, o� il mit en action et porta sur la sc�ne toutes les p�rip�ties de cette atroce et lugubre aventure. Avant lui, Eschyle avait �crit une trilogie sur le m�me sujet. Des trois trag�dies dont elle �tait compos�e : La�os, �dipe, Les Sept contre Th�bes, et � laquelle s'ajoutait un drame satyrique, �galement tir� de l'histoire l�gendaire des Labdacides, Le Sphinx, il ne nous reste plus que Les Sept contre Th�bes. Eschyle, de m�me que Sophocle et comme Euripide dans ses Ph�niciennes, avaient d�, sans doute, large�ment et librement puiser dans deux �pop�es du cycle th�bain : l��dipodie et la Th�ba�de, dont le nom seul � peu pr�s est parvenu jusqu'� nous. Ces deux �pop�es passent pour �tre des mises en forme assez r�centes, des refontes plus ou moins rajeunies, de chants �piques beaucoup plus anciens. Le seul texte ant�rieur � ces deux tragiques, que nous pouvons encore lire et qui nous parle d'�dipe, est tir� du onzi�me chant de l'Odyss�e. Dans la fameuse �vocation des Morts qui en fait le sujet, Hom�re y indique d�j� les quelques traits essentiels de la l�gende d'�dipe. Parmi les h�ro�nes, dont les ombres apparurent � Ulysse sur le bord de la fosse, se pr�senta Jocaste : ��Je vis, raconte le po�te, la m�re d'�dipe, la belle �picast� qui, par ignorance d'�me, commit un acte affreux : elle �pousa son fils, et ce fils devint, apr�s avoir extermin� son p�re, le mari de sa m�re. Mais les dieux firent que les hommes fussent aussit�t instruits de ces horreurs. �dipe cependant r�gna, dans la charmante Th�bes, sur les fils de Cadmos, accabl� de tourments par les rigoureuses r�solutions des dieux. La reine descendit chez le puissant Had�s aux passages bien clos. Exc�d�e de souffrir, elle attacha une longue corde � la poutre de son haut plafond, laissant apr�s elle � �dipe des maux incalculables, que m�nent � terme les �rinyes d'une m�re.��

Ce court r�cit, que nous transmet Hom�re, ne nous dit rien de la lutte d'�dipe contre le Sphinx ; il para�t �galement ignorer la mutilation volontaire et la triste fin de ce malheureux, puisqu'il nous le montre, apr�s la mort de Jocaste, qu'il appelle �picast�, continuant � r�gner sur la ville de Th�bes. Avec le temps, et sans pouvoir clairement discerner ce qui provient de l'imagination des po�tes tragiques ou de la fantaisie des r�cits populaires ou autres, des traditions sont venues s'ajouter � ces donn�es primitives, les enrichir et parfaire la l�gende d'�dipe telle que les mythographes ont pu nous la transmettre. En tout cas, voici les traits essentiels de ce qu'ils nous racontent.

Fondateur et premier roi de Th�bes, Cadmos eut un fils qui s'appelait Polydore. Apr�s la mort de Cadmos, Polydore, h�ritant du tr�ne paternel, le garda jusqu'� ses derniers jours. Il laissait apr�s lui un fils, Labdacos, qui, trop jeune pour r�gner, fut mis sous la tutelle de son oncle Lycos. Lorsqu'il eut atteint sa majorit�, Labdacos recouvra ses droits de souverain, se maria, puis mourut en laissant � son tour un enfant en bas �ge, qui se nommait La�os. Lycos alors, au lieu d'exercer la r�gence, d�poss�da son petit-neveu et se d�clara roi. A peine au pouvoir, Lycos, pour trouver pr�texte � r�pudier Antiope, sa premi�re femme, l'accusa fort injustement de lui �tre infid�le. Une fois s�par� d'elle, il �pousa Dirc� et mit Antiope sous la cruelle garde de sa nouvelle �pouse. Zeus eut piti� de cette malheureuse innocente. Il l'arracha de sa prison, la transporta sur le Cith�ron et en fit son �pouse. De cette union, des jumeaux naquirent : Amphion et Z�thos. �lev�s par des bergers, les deux enfants, en ignorant d'o� ils �taient issus, grandirent dans la montagne. Devenus hommes, ils furent, par les m�mes p�tres qui les avaient recueillis et nourris, instruits de leur naissance. Ils apprirent qu'Antiope, leur m�re, avait �t� faussement accus�e, et que son mari, Lycos, l'avait indignement chass�e pour �pouser Dirc�. Asservie � cette nouvelle femme, Antiope avait �t� par elle si durement trait�e que Zeus compatissant vint la d�livrer et en faire � la fois son �pouse et leur m�re. Irrit�s de tant de barbarie, Amphion et Z�thos lev�rent une troupe, march�rent contre Th�bes, massacr�rent Lycos, attach�rent Dirc� aux cornes d'un taureau qui la tra�na jusqu'� ce qu'elle expir�t et f�t chang�e en source, puis s'empar�rent du tr�ne de Cadmos. Lorsqu'ils moururent, la ville sainte de Th�bes avait �t� par eux ceinte de beaux remparts, et le sceptre royal revint sans coup f�rir, � son h�ritier majeur et l�gitime : La�os, fils de Labdacos.

Le roi La�os prit pour femme Jocaste, fille de Men�c�e de Th�bes et s�ur de Cr�on. Or, comme de cette union aucun enfant ne leur naissait, les deux �poux se rendirent � Delphes pour demander au divin Apollon si leur mariage devait �tre f�cond. La Pythie r�pondit qu'il leur na�trait un fils, mais que ce fils tuerait un jour son p�re, �pouserait sa m�re et plongerait sa famille dans le deuil et dans le sang. Quelque temps apr�s, Jocaste mit au monde un enfant masculin. Craignant d�s lors l'accomplissement de l'oracle, La�os per�a de part en part les pieds du nouveau-n�, les r�unit par un lien qu'il passa dans les trous et donna ordre qu'on suspend�t l'enfant � la branche d'un arbre sur le mont Cith�ron. Le hasard voulut que des bergers qui gardaient en ces lieux les troupeaux du roi de Corinthe, accoururent aux cris que poussait l'enfan�on. �mus par le spectacle d'un si cruel abandon, ils le d�tach�rent et d�cid�rent de porter � leur ma�tre cet enfant trouv�. Le roi Polybe et sa femme M�rope se laiss�rent attendrir, et, comme ils �taient sans post�rit�, ils adopt�rent cet enfant envoy� par les dieux et le nomm�rent �dipe, c'est-�-dire Pied-Enfl�, car le lien qui devait servir � le suspendre avait tum�fi� ses petites chevilles. �lev� par ceux qu'il croyait ses parents, leur vouant un respect filial et une tendre affection, �dipe grandit dans le palais royal de Corinthe. Son �me �tait indomptable et fi�re. Aussi, lorsqu'il eut atteint son adolescence et qu'il entendit, au milieu d'un festin, certains des convives, dont le vin avait d�li� la langue, douter de sa naissance et soutenir qu'il n'avait aucun droit �. se pr�tendre issu du roi Polybe, son c�ur en ressentit une vive amertume. Dans l'espoir d'�claircir le troublant myst�re de sa naissance, �dipe prit le chemin de Delphes. Sans lui r�v�ler le secret de son origine, l'oracle confirma la pr�diction d�j� faite � La�os, et annon�a qu'il tuerait son p�re, �pouserait sa m�re et donnerait le jour � une race ex�crable.

Saisi d'horreur, �dipe ne voulut pas retourner aupr�s de ceux qui l'avaient �lev�. Pour conjurer les maux dont il �tait menac�, il se prit � marcher sur une tout autre route que celle de Corinthe. Comme il arrivait aux environs de Daulis, il eut � traverser, au carrefour de trois routes, un d�fil� bord� de hautes roches. Dans cet �troit passage, il rencontra un char mont� par un vieillard assist� d'un cocher. Le cocher cria d'abord � �dipe d'avoir � se garer. Mais, au lieu de s'�carter, le voyageur bouscula les chevaux. Irrit�, le conducteur du char voulut alors jeter en le cinglant �dipe par c�t�. Furieux � son tour, �dipe r�pondit en frappant le cocher, et le ma�tre du char, en passant aupr�s de ce r�calcitrant, lui ass�na un coup de son double aiguillon. Bondissant sous l'outrage, �dipe s'arma de son b�ton, assomma le vieillard, et massacra, � l'exception d'un seul qui r�ussit � fuir, tous ceux qui compo�saient la suite de La�os. Apr�s avoir �t�, et tout � son insu, le meurtrier de son p�re, �dipe, poursuivant son chemin, se dirigea vers Th�bes.

Or, apr�s la mort de La�os, qui ne laissait pas d'enfant, ce fut Cr�on, le fr�re de Jocaste, propre m�re d'�dipe, qui prit en main le sceptre de Cadmos. A ce moment, un monstre redoutable, le Sphinx, d�solait la contr�e. Post�, aux alentours de la ville de Th�bes, sur un rocher dominant la grand�route, ce monstre ail� au visage de femme et au corps de lion, arr�tait les passants, leur posait une �nigme et d�vorait tous ceux qui ne savaient la r�soudre. D�j�, de nombreuses victimes avaient �t� la proie de cet �trange animal, et jamais personne n'avait pu d�couvrir le mot de l'�nigme qu'il ne cessait de poser. Voulant mettre fin � ce tragique fl�au, Cr�on fit publier qu'il promettait sa couronne et la main de sa s�ur � l'homme qui parviendrait � d�livrer le pays de cette calamit�. �dipe, faisant route vers Th�bes, rencontra le Sphinx. Comme � tout passant, le monstre, du haut de son rocher, lui posa cette �nigme :

� Quel est, lui dit-il, l'animal qui le matin marche sur quatre pattes, � midi sur deux et le soir sur trois ?��

�dipe r�pondit aussit�t :

� C'est l�Homme. Enfant, il se tra�ne � quatre pattes ; devenu grand, il marche sur deux pieds, et, sur ses vieux jours, il se sert d'un b�ton comme troisi�me soutien.��

Voyant l'�nigme r�solue, le Sphinx vaincu se pr�cipita du sommet de son roc et se fendit la t�te. Th�bes �tait d�livr�e. �dipe y fut re�u par des cris d'all�gresse. Cr�on tint sa pro�messe. Avec la royaut� th�baine, le fils de La�os re�ut Jocaste pour �pouse, et le vainqueur du Sphinx devint ainsi, et sans qu'il s'en dout�t, le mari de sa m�re. De cette incestueuse union, deux filles naquirent, Antigone et Ism�ne, ainsi que des jumeaux : �t�ocle et Polynice, deux fr�res ennemis dont on rapporte qu'ils se battaient d�j� dans le sein de leur m�re.

Cependant, cette criminelle alliance ne fit qu'accro�tre le courroux des dieux d�j� courrouc�s de ce que restait impuni le meurtre de La�os. Apr�s quelques ann�es de paix et de prosp�rit�, un fl�au vengeur s'abattit brusquement sur le pays de Th�bes. La peste d�cimait la cit� de Cadmos; les semailles dess�chaient dans la terre, les troupeaux et les vergers p�rissaient et les enfants des hommes mouraient avant de na�tre. Consult� sur la cause de ce mal effrayant, l'oracle r�pondit que la ville de Th�bes �tait souill�e par la pr�sence du meurtrier de La�os et que le fl�au ne prendrait fin qu'au jour o� les Th�bains auraient d�couvert et puni le coupable. Sans perdre de temps, �dipe alors, avec une patience tenace et r�solue o� se r�v�le son amour pour son peuple, ouvre en personne une minutieuse enqu�te. Il interroge tous ceux qui pouvaient l'�clairer; il en vient jusqu'� menacer le devin Tir�sias et l'accuser de cacher ce qu'il devait savoir; il fait compara�tre le serviteur qui avait, sur l'ordre de Jocaste, expos� l'enfan�on, le berger qui l'avait recueilli et port� � Corinthe. De l'ensemble de tous ces t�moignages, la v�rit� se d�gagea peu � peu, et la faible lueur qui avait commenc� par �pouvanter sa raison vacillante, se changea bient�t, par degr�s insensibles, en lumi�re �clatante. Le vieillard qu'il avait assomm� � Daulis �tait son propre p�re; la reine qu'il avait �pous�e �tait sa propre m�re, et les enfants qu'il avait engendr�s �taient issus du m�me sein que lui !

Folle de d�sespoir, Jocaste se pendit dans ses appartements, et �dipe lui-m�me, convaincu d'�tre � la fois parricide et inceste, se creva les yeux pour ne plus voir la lumi�re.

Chass� de Th�bes par Cr�on, consid�r� comme un objet d'horreur par tous les citoyens, repouss� par ses fils qui, loin d'all�ger sa d�tresse, s'entendirent pour r�gner � sa place, garder � tour de r�le, chacun pendant un an, le tr�ne de Cadmos, le malheureux aveugle prit le chemin de l'exil, accompagn� de sa fille, la fid�le Antigone. Guid� par elle, il erra longtemps, subissant les rigueurs des intemp�ries, mendiant son pain et couchant sur la dure. Accabl� par toutes ses �preuves, averti par une voix divine qu'il parviendrait au terme de sa vie lamentable, lorsqu'il serait arriv� dans un bois sacr� qui se trouvait pr�s d'Ath�nes, il se dirigea vers cette ville fameuse, que gouvernait alors le g�n�reux Th�s�e. Il s'en approchait, lorsqu'il s'arr�ta, aux environs de Colone, dans un bois consacr� aux Furies Vengeresses du crime que sont les Eum�nides. Pendant ce temps, � Th�bes, les deux fils d'�dipe n'avaient point tard� � regretter son d�part. Un oracle, en effet, avait annonc� que le peuple qui poss�derait la personne ou les cendres d'�dipe �tait assur� d'�tre vainqueur de tous ses ennemis. Or, �t�ocle et Polynice �taient en guerre ouverte. Mont� le premier sur le tr�ne parce qu'il �tait l'a�n�, �t�ocle, apr�s un an de r�gne, refusait d'en descendre et de c�der la place, comme il l'avait promis, � Polynice. Pour �pargner de nouveaux mal�heurs aux Th�bains, Cr�on vint lui-m�me supplier �dipe de retourner au palais; et, comme il n'arrivait pas � vaincre par la persuasion le courroux du vieillard �vinc� de son tr�ne, il allait en venir � la force pour s'en emparer et le ramener, lorsque Th�s�e, arrivant � propos, lui interdit d'arracher � l'asile que les dieux lui offraient, un suppliant doubl� d'un malheureux.

Apr�s Cr�on arriva Polynice. Exil� de Th�bes par �t�ocle, il avait rassembl� une nombreuse arm�e et s'�tait mis � sa t�te pour conqu�rir son tour de royaut�. Il conjura son p�re de prendre son parti et d'assurer, en s'unissant � lui, le succ�s de sa cause. Mais �dipe, bien loin de se laisser attendrir et fl�chir, ne fit que renouveler, avec un souffle accru de v�h�mence, les mal�dictions qu'il avait d�j� prof�r�es, avant de quitter Th�bes, contre �t�ocle et contre Polynice. A peine Polynice s'�tait-il �loign�, que le fracas �blouissant du tonnerre se fit entendre. A ce signal, �dipe reconnut que son heure �tait proche. Il fit appeler Th�s�e, lui recommanda l'avenir de ses filles, lui fit jurer de garder secret le lieu de son tombeau; puis, accompagn� du seul roi d'Ath�nes, il p�n�tra dans les profondeurs du bois des Eum�nides, et disparut d'une fa�on merveilleuse, laissant aux Ath�niens le gage et l'assurance qu'ils seraient � jamais victorieux des Th�bains.

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Tel est, dans ses grandes lignes, le mythe de la naissance, de l'existence tragique et de la mort �tonnante d'�dipe. Les travaux des psychanalystes modernes, de Freud surtout, lui ont donn� un regain d'actualit�. Pour les anciens, �dipe �tait avant tout une victime de la Fatalit�, autrement dit de l'ensemble des lois myst�rieuses et des arr�ts qui r�glent le cours irr�vocable des destin�es humaines et divines. La volont� cach�e qui les promulgue est aussi inconnue que la raison qui en d�termine la cause et les effets. La grandeur de l'homme est de se soumettre � sa fatalit�, de l'accepter sans r�volte inutile et d'en m�rir jusqu'au bout, si douloureuses soient-elles, toutes les cons�quences. C'�tait donc une le�on de morale que les po�tes tragiques et les moralistes de l'antiquit� s'effor�aient de tirer de la l�gende d'�dipe. Par contre, la critique moderne ne s'est pas content�e de cette simple le�on. Dans sa manie de vouloir tout expliquer par des raisons naturelles, elle a voulu d�m�ler les �l�ments physiques qui �taient, d'apr�s elle, � l'origine de ce mythe fameux. Elle a cru les trouver en rattachant �dipe � l'illustre famille des h�ros solaires. Son exposition sur le Cith�-ron, �crit Paul Decharme en s'inspirant de Cox, de Br�al, de Preller et de Max M�ller, ��serait l'image de l'apparition du soleil qui, � l'heure o� il se l�ve, semble reposer, solitaire, sur les hautes cimes��. Le nom m�me d'�dipe, qui signifie Pied-Enfl�, rappellerait, suivant ce m�me auteur, ��le disque solaire qui, le matin, semble s'�largir � sa base, sur l'horizon qu'il n'a pas encore d�pass頻. Le p�re d'�dipe, La�os, serait une personnification de la nuit. ���dipe, �crit Decharme, est le fils de La�os, comme le soleil est l'enfant de la nuit; le soleil tue la nuit comme �dipe devient le meurtrier de celui qui l'a engendr頻. Jocaste, toujours d'apr�s l'auteur de la Mythologie de la Gr�ce antique, ��doit personnifier l'aurore qui, le matin, pr�c�de le soleil et semble l'enfanter. Le soir, l'astre rayonnant, vainqueur des ennemis qu'il a rencontr�s sur sa route, avant de dispara�tre � l'horizon, s'enveloppe souvent d'ardentes vapeurs. Il s'unit aux nuages violets du couchant, � la brillante aurore du soir qu'il ne reconna�t pas sous sa forme nouvelle : �dipe est le mari de sa m�re��. Le Sphinx est ��le nuage obscur et orageux��. Le rocher sur lequel il est accroupi est ��la montagne des nuages��. Ses paroles obscures, son langage ambigu, sont la voix du tonnerre. L'�croulement du monstre symbolise la pluie que fait tomber � torrents le nuage rendu silencieux, une fois qu'il est perc� et comme d�gonfl� par les traits du soleil. Enfin, ��en voyant l'�il du soleil dispara�tre � l'horizon, les premiers Grecs avaient dit que le h�ros �tait devenu aveugle et qu'il avait �t� condamn� � errer dans l'obscurit�. On ajoutait qu'il avait eu pour fid�le compagne sa fille Antigone, d�esse lunaire probablement, qui dirige le soleil aveugle dans la nuit��.

Tant d'ing�niosit�s pour donner un point de d�part � une interpr�tation naturiste de la l�gende d'�dipe, ne diminue en rien la valeur essentielle de ce conte moral, f�t-elle surajout�e. Tant que les hommes pourront relire et comprendre Sophocle, ils apprendront en ses vers que l'homme ne peut pas �chapper � sa destin�e, qu'il ne la fuit que pour mieux la subir au terme de sa fuite, et qu'un premier malheur en entra�ne � sa suite toute une cha�ne d'autres. Pour m�riter de mourir, comme �dipe, avec une conscience sereine et pacifi�e, il faut, jusqu'� la lie, avoir bu, sans reproche � se faire, le calice des maux qui nous sont r�serv�s; nous ne pouvons qu'� ce prix changer notre destin.

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Mario Meunier

In ��Psych頻, Revue Internationale de psychanalyse et des Sciences de l�Homme, N� 8 � juin 1947. � Tous droits r�serv�s.

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