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Fond de Documentation et Recherche

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� charge de revanche, Mark Rogin Anspach

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Figures �l�mentaires de la r�ciprocit�

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Mark Rogin Anspach, Seuil, Paris 2002, 142 p., 19 �.

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De la vengeance au don, et du don au march�, les relations humaines semblent marqu�es du sceau de la r�ciprocit�.

Par des exemples concrets et une approche tr�s pragmatique (��qui va laver les verres apr�s le d�ner aux chandelles?�), l�auteur d�noue le paradoxe apparent du don, symbole de la g�n�rosit� et du d�sint�ressement, avec la r�ciprocit� attendue - l�obligation de rendre. La pr�sence d�un tiers, comme le P�re No�l, pour les enfants, ou le verre dans lequel est vers� l�argent du m�nage, permet de masquer l�origine du don et donc d��viter l�obligation de rendre directement au donateur�: il laisse aux partenaires le seul avantage de la qualit� de leur relation. La r�ciprocit� profite alors � la relation, tiers parfait, entre celui qui donne et celui qui re�oit.

Il montre que le strict calcul utilitariste est pr�judiciable � la relation sociale�: l��change sym�trique ��parfait�� �teint la dette n�e du don mais ouvre la possibilit� d�une rupture de la relation (��je ne te dois plus rien��).

Ceci se rapproche des conclusions de l��tude anthropologique men�e par Joe Henrich (universit� du Michigan) et Rob Boyd (universit� de Los Angeles), avec un groupe d�anthropologues et d��conomistes du monde entier, � partir du jeu de l�ultimatum. A la question ��Quelle part d�une somme offerte, qui ne vous appartiendra qu�� condition de la partager, donneriez-vous � une personne de votre choix�?��, la r�ponse est plus proche de 50% que de 1% qui serait la plus rationnelle si on consid�re que l�individu ne recherche que son profit personnel. Et Ernst Ferh de Zurich conclut que �le fait qu�une partie non n�gligeable de gens soit motiv�e par des consid�rations d��quit� et de r�ciprocit� est essentiel dans de nombreux domaines de l��conomie��[1]

A ce propos, Anspach d�montre que c�est la recherche de la libert� individuelle (ne pas devoir � un autre) qui enferme la soci�t� dans un syst�me o� le march� commande au social et prive paradoxalement de leur autonomie les agents qui composent le march�. Il suffirait que l�on brise le cercle de la croyance de l�in�vitabilit� de la domination du march�, pour se lancer dans un cercle positif comme lorsque le don remplace la vengeance, et qu�ainsi les hommes apprennent � redevenir des acteurs � part enti�re.

Je� critiquerais la position de l�auteur sur les possibilit�s de rompre le cercle vicieux de l��conomie r�ductrice de libert� sur trois points�:

���������� sur le postulat d�une �conomie r�ductrice de libert�s�individuelles : la croissance du PIB est un facteur important de d�veloppement, quoiqu�en disent tous les analystes subtils qui distinguent croissance et d�veloppement, et donc d�am�lioration des libert�s individuelles (pour commencer, par un meilleur acc�s du plus grand nombre � l��ducation et � la sant�, pr�misse d�un cercle vertueux de libert�)

���������� sur le postulat de la domination de l��conomie sur le social�: les facteurs politiques sont plus importants dans les choix sociaux que la ��main invisible�� du march�: c�est parce que les r�gles anti-concurrentielles sont d�tourn�es, que les lois essentielles au ��bon�� fonctionnement du march� ne sont pas vot�es (transparence comptable, cf. scandales Enron, etc.) que les monopoles peuvent se constituer et engendrer des d�sastres sociaux. On me r�torquera que ce sont les lobbies industriels qui ��font�� les hommes politiques, comme ce qui s�est pass� aux �tats-Unis avec l��lection de G.W. Bush sur les fonds des p�troliers texans qui ont obtenu� en contrepartie des avantages exorbitants. Mais cela revient � r�duire la vie �conomique � quelques int�r�ts particuliers�: c�est bien parce que les valeurs attach�es � la r�ussite mat�rielle personnelle, � la ��libert� du march頻 et � l�h�g�monie am�ricaine sont pl�biscit�es par les �lecteurs am�ricains que les choix politiques ont entra�n� la paup�risation d�une fraction croissante des Am�ricains (poor workers) et donc une d�gradation du tissu social.

���������� Enfin, je jetterais un doute sur la ��volont頻 des acteurs du march� (de qui parle-t-il�? des salari�s, des entrepreneurs, des consommateurs�?) � retrouver une ��autonomie���: qui est pr�t dans nos soci�t�s prot�g�es � remettre en cause le syst�me�? M�me si on parle de la nouvelle mode de la ��responsabilit� sociale�� des entreprises, elle n�est qu�une fa�ade commode pour rassurer investisseurs et consommateurs. Et je ne suis pas s�re que ceux qui n�ont rien � perdre�: les exclus de tout bord, les immigr�s plus ou moins clandestins qui arrivent par vagues de containers, auront envie de d�clencher un ��nouveau�� cercle vertueux�: leur autonomie � eux, c�est d�abord pouvoir survivre et� s�int�grer dans notre soci�t�, tout imparfaite qu�elle soit � nos yeux de bien-nourris.

J. Winnepenninckx


[1] Douglas (Kate), New Scientist, Londres, repris dans Courrier International n�546 du 19 avril 2001 avec le titre "Pourquoi votre voisin est tellement radin"

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