Place de l'astrologue dans la société

 
Jacques Halbronn

Auteur, en 1995, d'un DESS d'ethnométhodologie, Paris VIII St Denis, sur le " Milieu astrologique, ses structures et ses membres ", sous la direction d'Yves Lecerf. Il est l'auteur de L'astrologue face à son client. Les ficelles du métier, Paris, Ed. La Grande Conjonction, 1995.

 

 

 

L’astrologie re-visitée à la lumière de la psychanalyse

En termes psychanalytiques et cosmologiques, on dira que l’astrologie est liée au Surmoi. Les astres ne sont-ils pas placés au dessus de nous ? Mais en même temps, ne nous entretiennent-ils pas d’un ordre transcendant, se surimposant à l’ordre social immanent ?

Firmicus Maternus, dans sa Mathesis, au Livre I, (IVe siècle de notre ère) cherchait à prouver l’astrologie en mettant en évidence le fait que les existences humaines semblent obéir à une logique qui dépasse celle de nos observations immédiates, de nos valeurs reconnues.

On s’est d’ailleurs souvent gaussé de l’astrologie en raison même de cette dimension supérieure, cosmique, qui viendrait interférer avec la vie des pauvres humains. Mais précisément, l’astrologie incarne à coup sûr un tel tropisme vers un monde supérieur, situé au dessus de nous.

On se demandera, donc, si plus qu’avec le Moi, comme le pensait André Barbault (De la psychanalyse à l’astrologie, Paris, Seuil, 1961), l’astrologie n’aurait point plutôt affaire avec le Surmoi.

Le Surmoi aux origines de l’astrologie

L’idée d’associer aux astres des significations d’ordre juridique, religieux, est très ancienne. On peut raisonnablement penser que le cycle des astres scandait la vie de la Cité et déterminait la durée de certaines activités. Mais, à ce premier stade, l’influence céleste était consciente, on regardait le ciel comme on le ferait d’une horloge cosmique que chacun pouvait contempler.

Les astres sous-tendaient alors ce que nous appelons la Constitution, un ordre juridique suprême qui déterminait les structures de la vie politique, dans le temps et dans l’espace. De nos jours, on se contente du calendrier, issu de cycle soli-lunaire et on ne porte plus guère son regard vers le ciel pour en cerner les rythmes, les récurrences.

Peu à peu, en effet, nos organismes ont fini par intégrer ces cycles ou du moins par s’y référer de façon inconsciente. Et il revenait dès lors à l’astrologue de rappeler l’existence de ce Surmoi, de conduire la conscientisation du processus cosmique quant à ses effets sur l’humanité.

On rencontre là une question devenue classique, celle du rapport de l’astrologie à notre environnement, ce que l’on appelle avec Jean-Pierre Nicola, le conditionalisme. Encore faut-il statuer pour déterminer si l’astrologie étudie cet environnement ou si au contraire celui-ci vient s’ajouter à ce qu’elle appréhende du Moi, comme semble le laisser entendre Ptolémée. Il semble que Nicola ait, au cours des décennies, oscillé entre ces deux approches, l’une plus sociologique, l’autre plus psychologique..

Affirmer que l’astrologie est surmoïque permettrait, en tout cas, de la situer dans un autre registre que celui de la psychologie classique. Le Surmoi, c’est aussi une instance qui vient se sur-ajouter, qui peut nous prendre par sur-prise, qui nous “tombe dessus”, qui vient rompre une certaine logique en introduisant d’autres paramètres.

 

 

En ce sens, si l’astrologie est de l’ordre du Surmoi, refuser l’astrologie reviendrait à se révolter contre le Surmoi en s’en prenant à un maillon faible. Il est à noter que les femmes acceptent plus volontiers l’idée astrologique que les femmes et il nous semble aussi qu’elles ont souvent un sens plus aigu des exigences surmoïques en général parfois d’ailleurs aux dépends de l’épanouissement de leur Moi.

Freud a montré que le Surmoi était à la fois un processus de projection et d’introjection, il est à la fois en nous et à la fois il est l’expression des interdits sociaux, liés à une société donnée, en un temps donné. Bachelard disait du Zodiaque qu’il était le test de Rohrschach de l’Humanité enfant.

Assurément, le Surmoi est projectif, au départ, et l’on pourrait dire de même que ce que les astrologues disent des astres et de leur influence relève également de la projection. Certes, mais est-ce là un processus si fragile que celui de projeter ? Nous croyons au contraire que le big bang est essentiellement projectif et que c’est ainsi qu’il y a expansion. Car ce que nous projetons tend à perdurer. Et si Dieu est fait à l’image de l’Homme, on peut dire qu’il y a gagné une certaine pérennité. Le Surmoi, c’est à vrai dire quelque part le fait d’apprentis sorciers, dépassés par ce qui pouvait ne sembler initialement qu’un jeu.

Le rôle de l’astrologue.

Pourquoi, donc, va-t-on chez l’astrologue ou devrait-on s’y rendre ? Pour savoir ce que notre Surmoi nous réserve! Car notre moi, nous le connaissons peu ou prou, il est ce que nous en faisons comme dirait Jean Paul Sartre. Mais notre Surmoi, qui vient structurer notre existence, qui empêche que les choses se poursuivent indéfiniment, qui vient mettre un terme à une expérience de vie, c’est quelque chose qui nous échappe.

On recoupe ici le vieux débat sur l’aptitude de l’astrologie à prévoir. Il est un fait que l’on attend, à tort ou à raison, que l’astrologue nous dise ce qui nous attend au tournant mais il ne s’agit pas ici d’un événement anecdotique, accidentel, mais de la durée d’une phase, d’un cycle au sein desquels un moment de notre vie va s’inscrire, va être circonscrit.

Et le Surmoi, c’est justement ce qui vient limiter, délimiter, dé-finir, dé-couper – parfois dans un sens qui peut sembler castrateur tout comme c’est d’ailleurs le cas de la consultation psychanalytique en elle-même qui n’a qu’un temps, qui tout d’un coup s’interrompt.

Le Surmoi, c’est ce qui jugule notre liberté, qui en montre les limites tout comme la société pose les limites de ce qui est ou non permis. L’astrologue va donc expliquer à son client quel est le cadre spatio-temporel dans lequel il va pouvoir évoluer, ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, le temps qu’il pourra consacrer à ceci ou à cela, de façon à ce que celui qui le consulte ne gaspille pas ses énergies et ne soit pas pris de vitesse par le cours des choses; ne s’imagine pas qu’il a « tout son temps » ou que la situation se perpétuera indéfiniment.

Ce qu’on attend de l’astrologue, ce serait en quelque sorte de baliser, de réguler parce que les astres remplissent une telle fonction surmoïque..

Préciser l’image de l’astrologue

Il convient de nous interroger tout de même sur une certaine crise d’image de l’astrologie. Il importe que l’astrologue apprenne à se situer par rapport au psychologue et se situe plus dans le champ de l’inconscient que du conscient, du Surmoi que du moi. On dira que le Surmoi est souvent marqué par un refoulement, par un refus de penser les interdits, ne serait-ce que parce que le Surmoi est souvent cause de traumatismes, d’interruptions, de cessations, de censures. Le paradoxe du Surmoi, c’est que plus on nie son existence et plus il va se manifester, tôt ou tard, avec une certaine brusquerie puisque l’on se sera mal préparé à son intervention.

Même l’astrologie populaire des douze signes présente un caractère surmoïque avec ses catégories zodiacales tranchées et quelque part il semble que le public ait besoin qu’on lui pose des bornes à ne pas franchir! On est ceci ou cela.

Or; force est de constater que souvent l’astrologue professionnel fait fi de ce champ surmoïque qu’il considère comme par trop simpliste, et qui comporte souvent une dimension prédictive qui le gène. Mais n’est-ce pas précisément parce qu’il n’a pas vraiment pris la mesure de l’enjeu surmoïque avec ce qu’il a en effet d’aliénant ?

L’astrologue aurait mission d’avertir, avec le double sens de prévenir et d’émettre un avertissement, en montrant quels sont les garde fous.

Le Surmoi scientifique

Certes, l’astrologie va-t-elle se heurter aux objections fondées sur un surmoi scientifique. On mettra l’astrologie sur la sellette, lui demandant des comptes pour ses échecs et ses abus.

Mais est-ce que les astronomes sont bien placés pour interpeller ainsi les astrologues ? Oui, si les astrologues affirmaient que les astres ont de façon intrinsèque telle ou telle vertu. Non point, si les astrologues soutiennent que les astres sont une des composantes du Surmoi social, non pas en raison de leurs vertus propres mais parce qu’on a projeté sur eux un cadre surmoïque et que ce cadre a fini par se perpétuer dans l’inconscient collectif. Prenons le cas du diamant: est-ce que cela nous intéresse de savoir ce qu’est le diamant en soi ou est-ce que ce qui nous importe, c’est la valeur que l’humanité lui attribue ? Le Surmoi a un caractère arbitraire, il n’existe que parce qu’il est largement accepté et assumé par un groupe donné.

L’arbitraire du Surmoi

Avons-nous besoin d’un Surmoi cosmique ? Si l’astrologie – c’est à dire ici la mise en place d’une corrélation entre l’homme et les astres par delà toute tradition sur ce sujet – n’existait pas faudrait-il l’inventer ?

Le rôle du Surmoi, nous l’avons dit, est structurant. En fait, le Surmoi est l’expression de la dualité et nous avons besoin de cette dualité pour ne pas être prisonniers de nous-mêmes; en ce sens le Surmoi nous permet de vivre une vie plus intense, plus variée en ce qu’il provoque périodiquement un renouvellement, une « révolution », où il fait table rase et force à un recommencement.

Refuser le Surmoi, c’est comme refuser de changer de chemise ou d’aller chez le coiffeur, c’est ne pas vouloir démarrer un nouveau cycle en se disant que l’ancien aurait pu encore durer. Le Surmoi apporte donc du piment dans l’existence. Et il nous semble que l’on va voir l’astrologue parce que « rien ne nous arrive », parce qu’on voudrait tourner la page et que l’on attend désespérément que cela vienne. Ce qui d’ailleurs peut conduire certains astrologues à abuser d’une pareille attente en annonçant monts et merveilles pour bientôt.

Quelque part, le Surmoi est un supplément d’âme, qui n’était pas « prévu ». Quand on commet une faute, on ne sait jamais exactement à quel moment on sera pris en flagrant délit, on ignore quand la punition, le châtiment, vont tomber. L’existence d’un Surmoi enclenche nécessairement une forme d’incertitude, quelque chose qui ne dépend pas de nous mais de l’autre, d’une autre instance. En ce sens, le Surmoi cosmique aurait avoir avec le péché originel qui nous condamne à attendre qu’une force vienne tôt ou tard bouleverser notre vie, à commencer évidemment par la mort mais les astrologues se gardent de l’annoncer. En revanche, il y a la mort de certaines situations, de certaines entreprises qui n’ont qu’un terme, dont le bail n’est pas toujours renouvelable à perpétuité.

Les astres comme Surmoi

Littéralement, les astres sont bel et bien au dessus de nous, c’est donc symboliquement le “Surmoi” par excellence, le ciel devenant le livre ouvert de la Loi.

Le Surmoi cosmique, c’est, il nous semble, avant tout le Temps. L’astrologue ne peut pas refuser de parler du temps. Mais ce temps obéit à des cycles, et en ce sens, le passé nous enseigne sur l’avenir. Il existe des matrices temporelles majeures, constituées par certaines rencontres entre corps célestes et qui sous-tendent notre existence terrestre. Il convient à l’astrologue d’explorer avec son patient le champ surmoïque de sa vie, en pénétrant dans le tissu biographique qui ne saurait s’inscrire dans le thème natal avec assez de précision pour dispenser d’un entretien approfondi.

Est-ce que l’astrologue, au demeurant, est voué à un impératif, à un Surmoi, de précision ? Est-ce qu’il doit annoncer un événement ponctuel ou se contenter d’indiquer que quelque chose s’achève et qu’autre chose se présente et qui va durer un certain temps, lié aux mouvements réguliers du ciel ? Nous pensons que l’astrologie a pour tâche de déterminer des unités temporelles – comme il est des unités de mesure de l’espace – d’arpenter la structure du temps en recourant bien entendu aux configurations astrales..

Un homme averti en vaut deux. C’est un peu comme celui qui jouerait à la Bourse et qui saurait par avance que la cote va se renverser tôt ou tard et qui vit dans une certaine angoisse: quand cela va remonter ou quand cela va s’effondrer tant nous avons le sens de la précarité des choses et savons que la roue tourne.

D’un autre côté, et c’est là le paradoxe de l’astrologue, serions-nous si heureux si nous savions tout à l’avance. Le Surmoi n’est pas censé être prévisible à 100%. On ne commet une infraction que dans l’espoir qu’elle ne sera pas systématiquement dépistée, sur l’heure. Il y a un juste milieu que l’astrologie contemporaine, en ce début de nouveau millénaire, semble rechercher, entre l’indifférence au changement et la prévision datée de ce changement. Comme s’il revenait à l’astrologue d’avoir accès à une clef temporelle sans nécessairement la transmettre à son client. Dans ce cas, l’astrologue serait le gardien du Surmoi.

Alternance de phases moïques et surmoïques

Nous proposerons à présent, à titre d’exemple, un modèle qui intègre une telle dualité entre moi et surmoi afin de montrer ce qu’il peut y avoir d’intéressant et d’heuristique à utiliser ces concepts dans l’articulation de la structure temporelle.

Nous essaierons de montrer que même avec une modélisation très simple, l’astrologie est en mesure de jouer un rôle social important grâce aux informations qu’elle fournit sur le plan psychosociologique.

Notre modèle – déjà esquissé sur le site du CURA (www.cura.free.fr) – s’organise autour du passage de Saturne à travers le zodiaque des étoiles fixes et notamment des étoiles dites royales – dont Firmicus Maternus traite dans sa Mathesis – que sont Aldébaran, Antarés, Régulus et Fomalhaut et en particulier par rapport à cet axe remarquable que constitue l’opposition Aldébaran/Antarés situés actuellement sur le zodiaque tropique respectivement à 10° Gémeaux/10° Sagittaire. Notons que le 10 juillet 2001, il y a quelques semaines; Saturne est entré en conjonction avec Aldébaran, comme il le fait tous les 30 ans environ. L’avantage de ce système est de ne pas tenir compte de la question du point vernal ni du découpage du zodiaque..

 

A la suite de recherches conduites depuis une trentaine d’années, nous sommes parvenus à la conclusion que le passage de Saturne sur l’axe Aldébaran/Antarès correspondait à une remise en cause des valeurs surmoïques. Inversement, au bout de sept ans environ, après le passage de cet axe - ce qui correspond en gros au passage soit sur Régulus, soit sur Fomalhaut, il y aurait un renforcement de la pression surmoïque, ce qui est logique étant donné que le surmoi est une cristallisation du moi, est une volonté de perpétuer ce qui au départ était spontané..

Précisons que sur le plan politique, le surmoi se manifeste par la formation d’ensembles supranationaux (empire hétérogène rassemblant des nationalités diverses , union économique, monnaie unique, etc.) et donc que le passage de Saturne sur l’axe Aldébaran/Antarès correspond à une remise en question de telles constructions assez artificielles et qui veulent dépasser les vieux clivages historiques et culturels sans parler des clivages sexuels ou religieux.

Au niveau de la pratique de l’astrologue, l’individu va baigner dans un tel contexte que cela émane de lui-même ou de son environnement. C’est ainsi que le tout récent passage de Saturne sur Aldébaran annonce un phénomène assez proche de celui qui eut lieu il y a 15 ans, lors du passage de la planète, à l’opposé, sur Antarès, et qui allait trois ans plus tard, en milieu de phase, 45° plus loin (soit vers 25° du capricorne), coïncider avec la fin du mur de Berlin, en 1989 et tout ce qui allait avec en ce qui concerne le démembrement du bloc communiste. L’échéance importante devant nous serait donc à 25° du cancer, en 2004, dans trois ans (mais il faut évidemment tenir compte des rétrogradations).

Au niveau personnel, cela signifie pour chacun de nous une libération par rapport à des engagements plus ou moins contraignants et que l’on ne perpétue que par la force de l’habitude. Inversement, au bout de sept ans, nous allons à nouveau aboutir à de nouveaux carcans, vers une formalisation de nos conditions de vie. On peut évidemment en tirer des conclusions au niveau des échéances électorales qui sont le résultat des états d’âme de millions de personnes.

Il conviendra donc, face aux interrogations de ses clients, que l’astrologue les prépare à passer certains caps soit vers plus de liberté et aussi faut-il le dire d’implication personnelle, soit vers plus de prise en charge sociale et une certaine déresponsabilisation, ce qui recoupe quelque part le distinguo entre la droite et la gauche.

Car la question est bien de savoir dans ce questionnement sur astrologie et société, si l’astrologie se situe plus à l’échelle de l’individu ou de la société. Pour nous, cette opposition est assez factice et le surmoi est précisément l’interface entre les deux.

 

 

Jacques Halbronn, Paris le 21/07/01

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