Méthodologie des Sciences Humaines


Élément de décoration d'un portique de l'Alhambra
L'accès au terrain

Analyse de l'entrée sur le terrain
Parution intégrale in Hommes et Faits octobre 2000

Pierre-Yves Allain

L'ethnographie, tout comme la psychosociologie, est favorable à une analyse de l'entrée sur le terrain..

 

Peter Woods parle de trois phases. Tout d'abord, l'école se présente dans ses « habits du dimanche », c'est-à-dire dans son meilleur aspect, comme pour une « porte ouverte » ou une inspection. Puis les acteurs de l'établissement se laissent approcher, observer, interviewer, questionner; mais ceux-ci gardent leurs distances. Ils sont encore méfiants et surveillent toujours le chercheur du « coin de l'œil »;. Dans une troisième phase, les barrières tombent et une confiance s'établit. Les protagonistes parlent sans retenue. C'est le moment idéal pour le chercheur de collecter les secrets, les confidences. C'est une phase décisive. P. Woods dit que l'on atteint « les centres vitaux de l'organisation », c'est-à-dire l'intimité de l'école.

Le chercheur n'atteint pas les stades au même moment. Avec telle personne, il se trouvera dans le premier stade, et avec telle autre, il entrera dans le troisième niveau. Parfois même, il sera impossible de créer une véritable relation de confiance avec un protagoniste.

 

Il est possible d'entrer dans une école de plusieurs façons. Par la voie administrative, en rencontrant le chef d'établissement par exemple, ou par le biais d'une relation que l'on a déjà avec un membre de l'établissement, un professeur par exemple.

Cette voie d'entrée est très importante, non-négligeable et à analyser absolument. En effet, si le chercheur est présenté à la communauté éducative par le directeur, cela peut fermer des portes d'accès à certaines classes, où les enseignants verront en le chercheur un oeil complice de la direction. De même, s'il est introduit par un enseignant, monsieur X, il portera durant quelques temps un grand panneau dans le dos disant : « je suis l'ami de monsieur X ». Les sentiments qui sont habituellement portés vers monsieur X seront reportés vers le chercheur (rivalités, antipathie, complicité,...).

Certaines difficultés à rentrer en contact avec des acteurs peuvent avoir comme origine ce qui a été dit précédemment. Des astuces peuvent être mises en place afin d'éviter les oppositions actives à la recherche de quelques personnes, en les considérant comme « co-chercheur », et non plus comme objet de recherche.

 

L'analyse de la négociation de l'accès au terrain passe également par un questionnement sur les attentes du membre vis-à-vis du chercheur. Parfois, il faut renégocier les conditions de la recherche avec un enseignant. Celui-ci peut vouloir transformer le chercheur en aide pédagogique ou en potiche au fond de la classe (tout dépend du niveau de participation souhaité par le chercheur).

Certains professeurs peuvent s'investir énormément dans la recherche et apprécier la présence du chercheur. Cette sur-motivation doit être analysée afin de bien comprendre les raisons qui poussent l'enseignant à agir de cette sorte. Celles-ci peuvent être multiples. Notons l'exemple d'une étudiante de P. Boumard qui s'est aperçue, au bout de quelques temps, que la bonne relation qu'elle entretenait avec un professeur n'était qu'une ruse et que ce dernier était davantage intéressé par l'étudiante que par la recherche.

 

La façon de se présenter est très importante. Qui sommes-nous? étudiant, étudiant-chercheur, chercheur ? Que venons-nous observer ? une classe, l'école, les enseignants ? Comment faut-il apparaître physiquement ? À ce propos, Georges Lapassade relate dans Pratiques de formation n° 20, pages 119-120, un extrait du livre de Delamont où elle « décrit ses changements de tenue dans l'école où elle menait une recherche. Elle se présenta au directeur avec des habits classiques, des gants. Avec les élèves, elle s'efforça au contraire de montrer qu'elle suivait la mode "jeune" ».Toutes ces questions doivent se poser avant d'entrer sur le terrain et analyser par la suite.

 

 

L'accès au terrain doit être analysé avec minutie. Le chercheur doit s'interroger sur la façon dont il va se présenter, sur les conséquences qui vont être produites suite à son introduction dans l'établissement par un membre, et sur les relations qu'il aura tout au long de sa recherche. Entrer sur le terrain ne suffit pas avoir l'autorisation administrative de le faire, il faut quotidiennement construire des relations de confiance avec les membres de l'institution, afin « (...) de sortir d'une description superficielle souvent productrice d'interprétation sommaires ou erronées (...) ».(P. Boumard, Pratiques de formation, n° 20, page17).

Pierre-Yves Allain, juin 1997.
Plan du site – Vers le haut de page En savoir plus sur l'auteur
Envoyez vos commentaires et vos questions au régisseur du site. Copyright © — 1997 Lierre & Coudrier éditeur