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| Y a-t-il des homosexuels chez ce peuple ? | |||||||||||
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| � � Pierre Bamony � � � � Nous avons opt�, dans ces recherches sur les Ly�la, pour le pr�suppos�
  suivant : l'anthropologie, en tant que science g�n�rale de l'Homme, concerne
  tous les aspects de la dimension humaine. En ce sens, m�me si l'anthropologie
  africaniste, du moins, celle que nous connaissons, occulte la question de
  l'homosexualit� chez les peuples sub-sahariens, nous avons choisi de nous
  interroger sur cette question, m�me si l'�chantillon sur lequel nous nous
  fonderons pour en parler para�t scandaleusement insignifiant. II le para�t,
  certes, faute d'une attention suffisante � ce ph�nom�ne. A cet �gard, et
  jusqu'� ces derni�res ann�es, nous raisonnions comme tout le monde. En
  effet, nous nous fondions sur notre ignorance de ce ph�nom�ne, � tout le
  moins, de manque de preuves visibles, r�elles, exp�rimentales m�me pour
  soutenir mordicus, face � nos interlocuteurs qu'un tel ph�nom�ne ne
  saurait exister chez les peuples que nous pr�tendions bien conna�tre. Notre
  position, comme le commun des individus dont la conscience est p�trie de
  dogmatismes infond�s, d'id�es pr�con�ues, de certitudes absurdes, se
  fondait sur une p�tition de principe[1]:
  de ce que nous ne voyions pas dans la vie de tous les jours nous concluions,
  sans d�monstration ni preuves, de son impossibilit� d'existence. Nous avions
  une position similaire, comme beaucoup de gens d�nu�s de puissance
  sorcellaire que les sorciers ne peuvent exister jusqu'� nos exp�riences am�res
  de ces derni�res ann�es, � notre brutal et douloureux r�veil face � ce ph�nom�ne. 
   Cependant, avant d'en venir � l'analyse comportementale des individus
  de notre �chantillon, t�chons de comprendre ce ph�nom�ne humain d'un point
  de vue global. Nous verrons, d'abord, qu'il est aussi ancien que la longue
  histoire de l'Humanit� ; ensuite, nous donnerons un bref aper�u des d�bats
  contradictoires qu'il suscite en science, des certitudes acquises en
  psychanalyse sur sa nature ; enfin, nous �voquerons sa place dans quelques
  travaux anthropologiques, notamment ceux de Margaret Mead. 
   Chapitre IL'histoire des peuples nous apprend que, non seulement la pratique homosexuelle, mais m�me les comportements de certains individus inclinent � les qualifier comme ayant des m�urs sexuelles du semblable. D�j�, dans l'Ancien Testament, ce ph�nom�ne est �voqu� � maintes reprises. Mais, le fait qui demeure remarquable est la col�re de Dieu contre Sodome[2] et Gomorrhe (Gn. 19, 1 � 29). En effet, les m�urs sexuelles de cette ville o� toutes les pratiques sexuelles paraissaient permises, dont les formes d'amour du m�me ou du semblable - et ceci de fa�on irr�fragable - ont mis le Dieu h�breux tellement en col�re qu'il la d�truisit avec violence et fracas et d�cima toute sa population, sauf Loth et ses filles, qui avaient trouv� gr�ce � ses yeux. Une telle pratique, sans aucune explication, semble, pour les auteurs de la Bible moralement condamnable. Mais, la condamnation n'enl�ve pas pour autant l'effectivit� du ph�nom�ne. Il est m�me possible d'interpr�ter le fait que Dieu ait s�v�rement puni cette ville r�sulte plut�t de l'exc�s de ces m�urs sexuelles. Le passage que nous �voquons montre comment Loth a �t� assailli par les habitants de la ville qui voulaient contraindre ses h�tes (les anges de Dieu se manifestant sous des formes humaines) aux pratiques de leurs m�urs. Par rapport � cette condamnation sans appel des m�urs sexuelles entre sexes semblables, Platon est, sans doute l'un des rares auteurs de l'Antiquit� � tenter d'apporter une explication de type rationnel � ce ph�nom�ne. Pour montrer le caract�re arch�typal des diverses formes de tendances sexuelles chez les hommes, ce philosophe se fonde, en de pareils cas, sur le mythe fondateur et originaire[3] des r�alit�s humaines. Dans le Banquet, le discours d�Aristophane �voque longuement, par le biais d'un mythe, entre autres, les amours androgynes m�les : ���Ceux qui sont une moiti� de m�le... aiment les hommes et prennent plaisir � coucher avec eux et � �tre dans leurs bras... sont parmi les meilleurs parce qu'ils sont les plus m�les de la nature. Certains disent qu'ils sont sans pudeur, c'est une erreur : ce n'est point par impudence, mais par hardiesse, courage et virilit� qu'ils agissent ainsi... et en ceci une preuve convaincante, c'est que, quand ils ont atteint leur complet d�veloppement, les gar�ons de cette nature sont les seuls qui se consacrent au gouvernement des Etat�� [1964�: 51 ]. M�me
  si Aristophane, en tant que citoyen grec, privil�gie forc�ment les amours
  entre m�les, ce que Platon essaie de nous enseigner est clair�: chaque
  individu, durant toute sa vie est � la recherche de son �me s�ur. Cette
  recherche r�sulte des pr�dispositions des �tres humains en vertu de leur
  appariement originel. Ainsi, selon cet auteur, les individus qui ont �t�
  associ�s au sexe oppos� sont exclusivement pr�occup�s de rechercher et de
  trouver leur moiti� dans la figure d'une femme. Il pense, d'ailleurs, que les
  conjoints de ce type sont, en g�n�ral, infid�les. En revanche, les
  individus issus d'un couple arch�typal du m�me sexe sont les meilleurs parce
  qu'ils sont mieux adapt�s au monde et au gouvernement des affaires du monde.
  Les couples homosexuels masculins, en particulier, sont ordonn�s aux postes
  de commandement. Un tel mythe invite � comprendre la place de ce type de m�urs
  sexuelles dans la soci�t� grecque. 
   En effet, Andr� Bernand, tout autant qu'Elisabeth Badinter soulignent,
  dans leurs travaux respectifs, le caract�re ordinaire de telles m�urs dans
  la Gr�ce antique. Le premier montre que le mode d'�ducation des adolescents,
  leur attachement aux enseignements, � la formation aupr�s d'un adulte,
  approfondit les liens humains entre les uns et les autres et peut m�me, le
  plus souvent, aller au-del� de la simple �ducation : ils se transforment en
  amour. Mais, ce sont les relations sexuelles entre un ma�tre et un disciple
  qui sont les plus courantes comme l'�crit Andr� Bernand : �� De
  douze � dix-huit ans, en effet, l'adolescent, tout en restant sous la tutelle
  de sa famille et sous la surveillance du sophroniste et, � la palestre ou au
  gymnase, du gymnasiarque, pouvait se mettre sous la protection d'un adulte
  auquel il t�moignait son affection en lui permettant le co�t anal ou
  intercrural�� [1991�: 34]. Ainsi, reconna�t-il, on ne peut pas
  dire que la soci�t� de la Gr�ce antique tol�rait les amours homosexuelles
  en raison de leur dimension courante et fort r�pandues. Bien au contraire,
  l'h�t�rosexualit� avait �t� comme bannie de l'agora. N�anmoins, cette
  soci�t� n'admettait qu'une seule forme de relation homosexuelle : celle qui
  se pratiquait entre professeur et disciple. A l�inverse, la copulation entre
  deux adultes, en raison du r�le passif tenu par l'un d'eux, �tait proscrite.
  Cette posture lui semblait indigne du rang d'un homme libre � qui il sied de
  soumettre les adolescents � ses besoins sexuels[4].
  Pour parvenir � ses fins, tous les moyens sont bons, y compris magiques.
  Ceux-ci, selon cet auteur, apparaissent comme un art efficace de s�duction
  des jeunes adolescents. �� L'homme qui souhaitait susciter l'amour
  d'un gar�on pouvait lui aussi recourir aux charmes. Quoique les textes
  magiques ne donnent le plus souvent que le nom de la m�re de l'int�ress�
  sans pr�ciser sa condition ni son �ge, on peut dire qu'il s'agit g�n�ralement
  d'un jeune homme convoit� par un adulte�� (p. 294). 
   On comprend que, de nos jours, dans sa recherche sur la gen�se
  ���De l'identit� masculine��, Elisabeth Badinter ose parler
  de �� p�dagogie homosexuelle��. Son intention n'est pas de
  faire l'apologie de ce type de m�urs. Elle se contente d'analyser un �tat de
  fait qui a eu cours dans l'histoire humaine et qui se pratiquait jusque r�cemment
  chez des peuples d'Oc�anie. ��La p�dagogie homosexuelle..., �crit-elle,
  est l'apprentissage de la virilit� par le biais de l'homosexualit�. Id�e
  �trange pour bon nombre d'entre nous, qui rec�le pourtant une v�rit� cach�e. 
   La p�dagogie homosexuelle, beaucoup plus ancienne qu'on ne le croit
  souvent, appara�t dans des soci�t�s o� la virilit� a statut de valeur
  morale absolue�� [1991�:
  121 ]. Pour montrer cette ��v�rit� cach�e��, l'auteur
  s'appuie sur une riche et abondante documentation qui confirme ces pratiques
  humaines, vieilles et r�pandues. Chez les Hell�nes, l��uvre majeure d'Hom�re,
  l'Iliade, est un bel �loge po�tique, non seulement de la beaut� des
  corps athl�tiques d'adolescents et d'adultes, mais, au-del� de la plastique,
  des champs de la grandeur des sentiments amoureux dont l'exemple le plus �minent
  est, sans conteste, celui d'Achille et de Patrocle. On conna�t le grand amour
  du sage empereur romain Hadrien pour son favori Antino�s dont il v�n�ra la
  m�moire, de fa�on officielle, apr�s la mort pr�coce de celui-ci. 
   Cette ��p�dagogie homosexuelle��[5] est constante de l'Antiquit� grecque � la civilisation romaine, des pays scandinaves du Moyen-Age aux Samoura�s japonais. Sa r�alit� n'est donc pas sp�cifique � un continent, � un ensemble de peuples qui seraient, par de telles pratiques sexuelles, moralement qualifi�s de corrompus, d�g�n�rescents, mais elle semble quasi universelle. On sait, depuis les travaux de Gilbert H. Herdt sur les populations guerri�res Sambia et Baruya, soucieuses de leur masculinit� qu'elles ont �rig�e au rang de valeur absolue, vitale pour leur survie biologique, cette ��p�dagogie homosexuelle��a �t� impos�e entre adultes et adolescents comme une obligation. En d'autres termes, tout individu inquiet de la sant� de sa virilit� doit pratiquer, m�me � titre transitoire, l'homosexualit� comme une v�ritable prop�deutique � l'h�t�rosexualit�. C'est, du moins, ce que reconna�t Elisabeth Badinter quand elle �crit que ��Chez les Sambia, l'identit� transmise par le sperme donne lieu � une fellation homosexuelle ritualis�e. Les hommes consid�rent l'ins�mination constante comme le seul moyen pour que les gar�ons grandissent et acqui�rent la comp�tence virile... Fellation et copulation sont obligatoires dans un cadre ritualis�. Les gar�ons ne pratiquent la fellation qu'avec de jeunes c�libataires qui n'ont pas eu de rapports sexuels avec des femmes, et donc n'ont pu �tre contamin�s par elles. Mais la fellation n'est pas r�ciproque. Les pourvoyeurs de sperme n'en re�oivent pas. D�sirer sucer le p�nis d'un gar�on pr� pub�re serait une perversion[6]��� [1991�: 126]. Chapitre IIMalgr� ces
  preuves g�n�rales du caract�re naturel, normal m�me des relations
  homosexuelles, ce type de copulation et de liens humains du m�me sont
  toujours en question dans l'esprit de la majeure partie des gens et suscitent
  m�me des d�bats interminables. L'homosexualit� est probl�matique � un
  double titre : d'un point psychanalytique, d'une part, et de l'autre, des �tudes
  contemporaines sur le cerveau. Au d�but du XXe si�cle, Freud a �t�
  le premier � proposer une explication de type scientifique de ce ph�nom�ne
  humain. Son analyse est la suivante : pour comprendre ce fait il faut partir
  de l'objet sexuel lui-m�me, qui autorise � parler de d�viation[7].
  En reprenant le mythe originaire des �tres humains indivis, d�velopp� par
  Aristophane dans le Banquet de Platon, Freud propose la typologie ci-dessus�:
  il y a, d'abord, ceux qu'il appelle ��les invertis absolus��,
  en l'occurrence, les homosexuels. Leur objet sexuel de pr�dilection est un
  individu du m�me sexe qu'eux ; ce qui, en revanche, provoque de leur part une
  indiff�rence totale pour les individus de sexe oppos�, parfois m�me une
  profonde hostilit�, voire une aversion sexuelle. M�me s'il tente l'aventure,
  il n'y �prouvera aucun plaisir. Ensuite, il mentionne ��les invertis
  amphig�nes (hermaphrodisme psychosexue��l[8]).
  II s'agit, de nos jours, des bisexuels. Ceux-ci copulent indiff�remment avec
  l'un ou l'autre sexe, en �prouvant du plaisir sans aucun sentiment
  d'aversion. Ils ne cherchent pas � s'attacher � un objet sexuel exclusif
  comme source unique de plaisir. Enfin, Freud parle d� ��invertis
  occasionnels�� [1977�: 19]. Ce type de relation r�sulte de
  contraintes ext�rieures aux individus ; parfois, de circonstances
  exceptionnelles. Ainsi, comme dans toutes les prisons du monde, il a lieu
  quand l'objet normal, en particulier, le sexe oppos�, fait d�faut pendant
  longtemps. D�s lors, on peut dire qu'il est li� soit � des circonstances
  ext�rieures, soit � l'influence d'un milieu humain donn�. Cependant, il ne
  d�termine pas, par apr�s, le comportement sexuel d�finitif de ce type
  d'individus. 
   N�anmoins, Freud reconna�t que, du fait de la norme sexuelle, c'est-�-dire
  l'h�t�rosexualit� reproductrice et conservatrice de l'esp�ce humaine,
  l'inversion est per�ue, consid�r�e et jug�e comme une perversion, voire
  une conduite d�g�n�rescente. La raison de ce jugement est donn�e par Freud
  lui-m�me : ��L'inversion fut, d'abord, consid�r�e comme le signe
  d'une d�g�n�rescence nerveuse cong�nitale. Cela s'explique par le
  fait que les premi�res personnes chez lesquelles les m�decins ont observ�
  l'inversion �taient des n�vropathes, ou du moins en avaient toutes les
  apparences. Cette th�se contient deux affirmations qui doivent �tre jug�es
  s�par�ment l'inversion est cong�nitale, l'inversion est un signe de d�g�n�rescence��[1977�:
  211]. 
   Concernant la derni�re th�se, Freud s'attache � r�futer l'abus de
  langage fort r�pandu en son temps. On consid�rait comme facteur susceptible
  de d�g�n�rescence ��toute manifestation pathologique dont l'�tiologie
  n'est pas �videmment traumatique ou infectieuse�� (p. 21). On ne
  peut parler, reconna�t Freud, de d�g�n�rescence s'il n'y a pas d'alt�rations
  graves dans la fonction et les activit�s de l'individu et si d'autres d�viations
  n'ont pas cours dans sa conduite ordinaire. En ce sens, les invertis ne
  peuvent �tre consid�r�s comme des gens atteints de d�g�n�rescence,
  hormis l'imp�rialisme de l'opinion, des dogmatisme religieux de bon aloi ;
  d'autant plus qu'on remarque m�me chez certains d'entre eux ��un d�veloppement
  moral et intellectuel (qui) peut m�me avoir atteint un tr�s haut degr���(P.22).
  En outre, ils ne sont pas atteints d'autres formes de d�viations qu'on
  pourrait qualifier de graves. D�s lors, il faut rejeter ce terme de ��d�g�n�rescence��
  quant aux pratiques sexuelles - inverties, au moins pour deux raisons�:
  d'abord, en vertu de l'anciennet� de telles pratiques dans les civilisations
  de l'antiquit�, grecque et romaines, entre autres ; ensuite, parce que
  l'inversion sexuelle se pratique chez des peuples non- europ�ens qu'on ne
  qualifie pas pour autant de d�g�n�rescents. 
   Quant au caract�re ��cong�nital�� de l'inversion
  sexuelle, on en d�bat encore de nos jours, notamment, depuis la publication
  de Simon Levay sur l'origine g�n�tique-ou suppos�e comme telle- de
  l'homosexualit�. De quoi s'agit-il ? Sans approfondir les recherches de ce
  savant, ce qui n'est pas l'objet principal de notre analyse ici, on peut dire
  que l'intention de Levay est honorable, sinc�re et bonne : il veut
  contribuer, par un �clairage g�n�tique sur les structures du cerveau qui
  mod�le, en partie du moins, le comportement humain, y compris sexuel, �
  combattre les opinions du vulgaire sur les homosexuels. Ce savant fonde ses
  analyses de ce ph�nom�nes sur deux �tudes diff�rentes : d'abord, il
  s'appuie sur les travaux de Geoffrey Raisman et son �quipe de l'Universit�
  d'Oxford, effectu�es dans les ann�es 1960 sur les animaux. Il s'agit de
  rechercher, dans le cerveau, la cause du dimorphisme sexuel. Ces recherches
  et, bien d'autres semblables, l'ont amen� � constater qu'il y avait une
  nuance de taille de l'organisation synaptique dans les zones de
  l'hypothalamus, en particulier, dans un conglom�rat de cellules dit du noyau
  de l'aire pr�optique. Cette d�couverte a conduit ces savants � affirmer que
  le volume du noyau de l'aire pr�optique est plus important chez les m�les
  que chez les femelles. En cons�quence, la recherche neuroanatomique am�ne �
  �tablir, d'une part, des diff�rences entre le cerveau des hommes et celui
  des femmes et, de l'autre, entre le cerveau des h�t�rosexuels et celui des
  homosexuels. 
   � 
   Ensuite, encourag� par ces premiers r�sultats, Simon Levay s'emploie
  � examiner, dans les ann�es 1990, quelques cerveaux humains pour voir s'il
  existe une diff�rence de taille de cette zone (neurones de l'aire pr�optique
  m�diane) selon l'attirance sexuelle des individus. A cette fin, il se livre
  � l'examen de l'hypothalamus de dix-neuf homosexuels, victimes du Sida et
  seize h�t�rosexuels parmi lesquels six sont �galement d�c�d�s de la m�me
  maladie. Nous passons sous silence la minutie de ses mesures et de ses
  examens. La lecture qu'il donne du r�sultat de ses recherches est la suivante�:
  ��L'interpr�tation la plus simple de ces r�sultats est d'admettre
  que la r�gion Xq28 du chromosome X contient un g�ne dont d�pendent les pr�f�rences
  sexuelles des hommes. Cette th�se est celle qui montre le mieux que
  l'homosexualit� humaine est soumise � des facteurs h�r�ditaires, et c'est
  aujourd'hui la plus convaincante, parce que les chercheurs ont directement
  examin� l'information g�n�tique, l�A.D.N. Toutefois, les r�sultats
  devront �tre confirm�s. Plusieurs d�couvertes de g�nes associ�s � des
  traits de la personnalit� ont �t� r�fut�s, et le g�ne qui semble li� �
  l'homosexualit� n'a pas encore �t� isol���[�� Pour la
  Science��, 35]. 
   Cette derni�re nuance qui, � nos yeux, doit toujours faire la diff�rence
  entre les exp�riences scientifiques concr�tes et l'interpr�tation de leurs
  r�sultats dans laquelle le scientifique ne peut faire l'�conomie d'une
  certaine philosophie, fruit de sa vision du monde, a permis � William Byne
  d'apporter quelques nuances de taille. Dans un article sur les ��Les
  limites des preuves biologiques de l'homosexualit��� [��Pour
  la Science��, 36], il pense qu'on n'est pas encore loin du pr�jug�
  vulgaire selon lequel les homosexuels masculins sont eff�min�s et les
  saphistes, masculinis�es. D�s lors, on confine l'homosexualit� dans un sch�ma
  immuable en raison de son caract�re inn� ou g�n�tique et on proscrit du m�me
  coup toute libert� du choix des partenaires sexuels. II conteste m�me la
  validit� de l'hypoth�se de Simon Levay en montrant qu'il est, sans doute,
  fallacieux de d�terminer les choix des partenaires sexuels sous le seul angle
  de la dimorphie[9].
  Mieux, ils sont polymorphes. On peut admettre, selon William Byne, dans l'�tat
  actuel des recherches et du fait de leurs caract�res lacunaires qui ne
  permettent pas d'avoir des donn�es pr�cises et exactes, voire, en un sens,
  du fait de l'insuffisance des connaissances qu'on peut en tirer, que ce ne
  serait pas scientifiquement raisonnable de se fonder sur elles pour d�terminer
  exactement l'orientation sexuelle des individus. Ces �tudes n'apportent pas
  encore une information incontestable sur les m�canismes g�n�tiques de
  transmission de l'homosexualit�, ainsi qu'il l'explique lui-m�me dans cette
  Revue : ��Toutes les donn�es sur l'existence de caract�res
  biologiques inn�s responsables de l'homosexualit� sont discutables : les �tudes
  g�n�tiques p�tissent de la confusion in�vitable entre l'acquis et l'inn�,
  qui entrave les �tudes de la transmission h�r�ditaires des caract�res
  psychologiques. Les travaux sur le cerveau reposent sur des hypoth�ses
  douteuses, d'apr�s lesquelles le cerveau des hommes n'est pas identique �
  celui des femmes[10].
  Les m�canismes biologiques qui ont �t� propos� pour expliquer
  l'homosexualit� masculine ne s'appliquent g�n�ralement pas �
  l'homosexualit� f�minine ...(P.36.) 
   En fait, la pertinence de cet article r�side dans la volont� du
  scientifique de montrer que l'homme �chappe, en partie, en tant que sujet
  libre, aux purs m�canismes ou d�terminismes rigides du fonctionnement
  biochimiques de son corps. M�me s'il est m� par l'influence de ses hormones,
  il a suffisamment de ressources spirituelles pour les r�guler et prendre
  ainsi une distance raisonnable par rapport � leur pouvoir en lui. Les
  recherches biologiques doivent contribuer � montrer que le temp�rament, tout
  autant que l'environnement familial, ne sont pas forc�ment d�cisifs dans le
  choix des partenaires sexuels, entre autres ph�nom�nes ou conduites humains.
  Selon William Byne, ��les r�ponses aux questions sur le d�bat de
  l'origine de l'homosexualit� se ne trouvent peut-�tre pas dans la biologie
  du cerveau, mais dans les cultures que ces cerveaux ont cr��es��
  (p. 41). C'est justement dans ce sens qu'il nous possible de replacer les
  travaux de Margaret Mead sur certaines populations de l'Oc�anie. 
   Chapitre IIIOn peut
  consid�rer la plastique de l'enfant comme une nature neutre[11] susceptible de prendre toutes les figures possibles
  sous l'influence des �ducations re�ues (familiale, milieu
  socioprofessionnel, �cole, lieu de travail, culture etc.,). Au niveau sexuel,
  on ne peut pas dire qu'il y ait pr�d�termination syst�matique et absolu du
  choix des partenaires ou objets sexuels. M�me sur ce point, la sexualit�,
  c'est-�-dire la libido, semble plut�t perverse d�s lors qu'elle est
  susceptible de s'adonner � toutes les sources possibles de plaisir, en dehors
  de toute consid�ration morale jud�o-chr�tienne. C'est en ce sens que les
  analyses de Mead sur la plastique ind�termin�e de l'enfant nous paraissent
  universelles par leur pertinence. Mead reconna�t que ��...c'est la n�cessit�
  devant laquelle se trouve tout individu, d'avoir les milles et une raisons
  affectives approuv�es non seulement par une soci�t� donn�e � une �poque
  d�termin�e, mais par l'ensemble de son propre sexe par opposition �
  l'autre, qui, de multiple fa�ons conditionne l'�volution de l'enfant et est
  � l'origine de tant d'inadaptations sociales. Beaucoup attribuent celles-ci
  � une ��homosexualit� latente��. Mais cette opinion est pr�cis�ment
  d�termin�e par l'existence d'une dualit� de temp�rament reconnue par notre
  soci�t� ; c'est le diagnostic a priori d'un effet, non le diagnostic d'une
  cause. C'est un jugement qui s'applique non seulement � l'inverti mais aux
  individus infiniment plus nombreux qui s'�cartent du comportement d�fini par
  la soci�t� pour leur sexe�� [1978�: 272]. 
   A partir de ces donn�es g�n�rales, elle montre que, chez les Chambuli,
  par exemple, les rapports, au niveau comportemental, entre les deux sexes sont
  fort complexes. Ainsi, par leur nom m�me, les hommes sont, en apparence,
  consid�r�s comme les chefs de famille et, � ce titre, ma�tres des �pouses
  autant que des propri�t�s, comme les demeures. En fait, et de fa�on
  sous-jacente, seules les femmes d�terminent le pouvoir r�el et prennent des
  initiatives. Au niveau sexuel, la soci�t� organise des f�tes au cours
  desquelles deux cat�gories de masques se manifestent : les hommes m�rs
  portent des masques m�les, et les plus jeunes se glissent sous des masques
  femelles . Ces jeunes gens se plaisent � jouer des invertis en se m�lant au
  groupe des femmes. Sous cette pseudo-apparence li�e � l'ambiance festive,
  ils se livrent complaisamment � une parodie d'homosexualit�. A cette
  parodie, les femmes prennent part activement. Selon Mead, en effet, ��avant
  l'arriv�e des masques , les femmes s'amusent � mimer entre elles des
  rapports sexuels�� [1977�: 231]. Dans cette soci�t�, la
  parodie publique et festive permet de brouiller les pistes de la dichotomie
  sexuelle, de faire �clater les fronti�res �tanches entre chaque cat�gorie
  de sexe. Les deux sexes miment l'amour du m�me sans l'accompagner de
  pratiques effectives, pour indiquer, � tout le moins, sa possibilit�.
  L'amour du m�me, sous sa figure th��trale, ne semble pas �tre frapp�e
  d'abjection morale, d'un anath�me religieux de type jud�o-chr�tien. 
   En analysant la place des individus qu'elle qualifie d"atypiques",
  en l'occurrence, les invertis psycho-sexuels, elle montre m�me que si le
  comportement ordinaire de ceux-ci les dispose � vivre comme des �trangers au
  milieu de leurs civilisations, comme celles des Arapesh et des Mundugumor, il
  n'en demeure pas moins qu'ils sont consid�r�s comme parfaitement normaux. En
  raison de leur vie psycho-sexuelle, les invertis masculins �prouvent des
  sentiments f�minins qui, dans d'autres soci�t�s o� ils seraient � contre
  sens de leur organisation sexu�e, seraient, pour eux, causes de tourments et
  de beaucoup de souffrances. Or, dans ces deux soci�t�s, il n'en est rien
  comme le montre l'exemple qu'elle donne d'un ��individu atypique��:
  ��Ombl�an aimait certes les enfants, et ne m�nageait pas sa
  peine pour nourrir une vaste famille : on ne pr�tendait pas pour cela
  qu'il n'agissait pas en homme, et personne ne l'accusait d'�tre eff�min�.
  En aimant les enfants, l'ordre et la tranquillit�, il se conduisait peut-�tre
  comme certains blancs, comme les hommes d'une tribu inconnue, mais
  certainement pas plus comme une femme mundugumor que comme un homme de cette m�me
  tribu. II convient de noter qu'il n'y avait pas d'homosexualit� ni chez les
  Mundugumor ni chez les Arapesh��[1977�: 262]. 
   L'�vocation de ce fait nous permet d'aborder l'objet de cette analyse,
  � savoir : y a -t-il de l'homosexualit�, au niveau des conduites du moins,
  chez les Ly�la ? En vertu de l'ensemble des analyses pr�c�dentes, nous ne
  pouvons pas raisonnablement douter d'une telle �ventualit� ; � moins
  d'admettre que les peuples sub-sahariens soient des humains exceptionnels, ce
  qui reste � prouver. Les cas que nous �voquerons jouissent, de la part des
  Ly�la, d'une reconnaissance effective ou implicite de la singularit� de leur
  �tat d� ��individus atypiques�� selon l'expression de
  Margaret Mead. Certes, l'imp�ratif cat�gorique, chez les Ly�la, qui oblige
  tout le monde � se marier, � procr�er et � �viter ainsi la possibilit�
  du d�sordre moral qui pourrait r�sulter du statut de femmes non mari�es, d�s
  lors qu'ils se fondent sur le principe de la faiblesse des hommes pour
  l'attrait de l'autre sexe, par exemple des femmes c�libataires, rend
  presqu'impossible l'effectivit� de copulations homosexuelles. Il ne viendrait
  pas � l'id�e d'un Ly�l de solliciter un autre dans ce sens : au mieux, il
  serait ridiculis� et trait� de d�ment ; au pire, il serait battu, humili�
  physiquement et moralement par tout le monde. 
   Cependant, si nous ne pouvons parler objectivement de relations
  homosexuelles chez ce peuple, il existe n�anmoins des ��individus
  atypiques�� comme le montre l'exemple des trois personnes ci-apr�s.
  Le premier est celui de Bewalki�la Bamouni ; le second est celui de l'un de
  ses fils, Bessana Barnab� Bamouni ; le troisi�me, une jeune femme, Edua,
  habitant � Goum�dyr (R�o), comme les deux premiers. 
   D'abord, Bewalk�la Bamouni �tait un polygame, p�re de nombreux
  enfants. Mais, comme chef de sa cour[12],
  il n'habitait pas dans la maison de la premi�re �pouse comme le veut la
  coutume ly�l, car l'architectonique d'une enceinte familiale ou cour ob�it
  toujours � des normes strictes. Bien au contraire, cet homme se construisit
  une maison, � l'image de celles des femmes, mitoyenne � celle de sa premi�re
  �pouse, pour respecter les r�gles de l'habitat. En fait, il avait agi ainsi
  pour les raisons suivantes : il avait tenu � d�corer lui-m�me sa maison
  selon son go�t, et non selon celui de ses femmes. II disposait, � l'entr�e
  de la pi�ce principale, d'un pot en terre comme une r�serve d'eau potable.
  II le remplissait lui-m�me en allant chercher l'eau au puits devant sa cour
  selon le m�me mode de transport que les femmes. Certes, il ne cherchait pas
  la compagnie des femmes, mais il se distinguait quelque peu des hommes par des
  bijoux qu'il portait aux poignets. II n'avait pas non plus besoin de ses
  femmes pour se faire � manger : il allait chercher lui-m�me du bois au champ
  et il prenait plaisir � faire sa propre cuisine. II en servait, avec d�licatesse,
  � ses visiteurs, gens du quartier, et ses h�tes venus de l'�tranger. II v�cut
  ainsi, en assumant parfaitement sa fonction de chef de cour et ses autres
  responsabilit�s d'homme, jusqu'� sa mort. Nul ne s'offusquait de son
  comportement eff�min�, de son choix d'assumer des t�ches sp�cifiquement f�minines
  selon le partage des travaux vitaux dans cette soci�t�[13].
  Sa mani�re d'�tre n'a pas d� appara�tre comme une anomalie que les Ly�la
  s'�vertuent, pourtant, � nier de diverses mani�res. 
   Quant � son fils Barnab� Bessana Bamouni, il est le seul � avoir h�rit�
  du comportement de son p�re. Comme lui, il n'est pas eff�min� et il a d�
  se marier selon l'exigence des coutumes ly�la. Mais, � l'inverse de son p�re,
  il ne semble pas avoir honor� pendant longtemps son devoir de mari. II �prouve
  m�me de l'aversion pour ce type de relations sexuelles. Vivant � l'�tranger[14]
  et jouissant d'une plus grand libert� par rapport � l'omnipr�sence du
  regard de la famille, il d�t vite y renoncer. En effet, apr�s plusieurs ann�es
  de mariage, on ne con�oit pas que le couple n'ait pas d'enfant. D'apr�s des
  indiscr�tions de son �pouse, il serait devenu impuissant. Car m�me en
  partageant, par devoir, le m�me lit que son �pouse, pour sauver les
  apparences sans doute, il s'abstient d�sormais de l'honorer sexuellement.
  Cette indiff�rence oblige, en g�n�ral, toute femme, chez les Ly�la, �
  fuir son �poux pour un autre homme ; ce geste indique qu'il n'y a pas de
  divorce du fait du mari, puisque le mariage y appara�t comme ind�fectible. 
   Le cas d'Edua ne pose aucun probl�me particulier � sa belle-famille
  puisqu'elle a enfant�. On sait seulement qu'elle a une plastique plut�t
  masculine. Elle agit en tout comme un homme et elle domine les situations, le
  jour. Cette domination sur les femmes de sa g�n�ration est grandement
  facilit�e par sa voix qui s'impose aux autres. Elle s'acquitte naturellement
  de sa t�che de femme au quotidien ; ce qui ne la singularise pas malgr� un
  comportement masculinis�. 
   Cependant, en dehors des cas qui nous marqu� et qui ne mettent pas en
  cause l'existence d'autres, il est raisonnable d'affirmer qu'en vertu des s�cr�tions
  hormonales auxquelles chaque sujet humain est soumis et auxquelles il r�pond
  selon la nature de son inhibition propre, donc, de l'impulsion de la nature,
  on peut parfaitement supposer les pratiques homosexuelles chez les adolescents[15].
  De sept ans jusqu'� l'�ge de la pubert�, voire jusqu'au mariage, les
  enfants et les grands adolescents partagent le m�me dortoir. Rien n'interdit
  de penser, � d�faut de le prouver exp�rimentalement chez les Ly�la, des
  passages � l'acte avec les plus jeunes d'entre eux. Apr�s tout, selon Jared
  Diamond, les relations sexuelles sont essentiellement pourvoyeuses de plaisir.
  D'apr�s ses analyses, il faut chercher la r�ceptivit� sexuelle permanente,
  entre autres de la femme, dans la recherche ��du plaisir comme but
  premier de l'activit��� [1999�: 80] sexuelle chez l'esp�ce
  humaine. Parmi les autres vivants, les femelles sont tr�s souvent peu r�ceptives
  et l'accouplement n'a pas pour finalit� premi�re la recherche du plaisir
  mais la conservation et la perp�tuation ou la survie de l'esp�ce elle-m�me.
  Mieux, ��l'exception humaine que repr�sente la dissimilation de
  l'ovulation, la r�ceptivit� permanente et l'importance du plaisir dans notre
  sexualit�, s'explique forc�ment par l'�volution�� (p. 81). D�s
  lors, le but de la copulation n'est pas n�cessairement la procr�ation comme
  l'enseigne le Jud�o-christianisme, mais bien la recherche du plaisir. Quels
  que soient les moyens mis en oeuvre pour atteindre ce but (h�t�ro ou
  homosexuels), ce qui importe, c'est la finalit� : l'accomplissement du
  plaisir. Le but de la relation sexuelle, c'est, en dernier ressort, cet
  accomplissement du plaisir qui enferme l'�tre humain dans toutes les strat�gies
  possibles pour y parvenir. 
   Ces donn�es nous enseignent que la r�pugnance que l'on peut �prouver
  pour les copulations homosexuelles n'est fond�e que sur les repr�sentations
  sociales, nos pr�jug�s en quelque sorte. Les hommes tiennent fortement �
  leur reproduction qui n'est possible que dans l'h�t�rosexualit� selon les
  voies dites naturelles. Celle-ci comporte donc toujours une utilit� pour
  l'esp�ce d�s lors qu'elle peut �tre g�n�ratrice de vies nouvelles, �
  l'encontre de l'homosexualit� qui est per�ue comme essentiellement fond�e
  sur la recherche du plaisir. Comme l'�crit Margaret Mead, l'homosexualit� ou
  l'h�t�rosexualit� se ram�ne, en dernier ressort, au monde socioculturel,
  � l'univers civilisationnel qui influence les mentalit�s dans le sens du
  respect des formes d'expression sexuelle ou, au contraire, dans le sens de
  leur aversion. S'il y a du d�terminisme des caract�res individuels et de la
  pr�f�rence pour les objets sexuels, il faut les lier � l'essence particuli�re
  des soci�t�s humaines et � leur capacit� du respect de la singularit� des
  individus. C'est une telle pens�e que Mead exprime quand elle �crit :
  ��Si les traits de caract�re que diff�rentes soci�t�s consid�rent
  comme propre � un sexe, ou � un autre ne le sont pas en r�alit�, mais sont
  seulement des virtualit�s communes � tous les humains, et qui ont �t�
  attribu�es en partage soit aux hommes, soit aux femmes, l'existence de
  l'individu atypique- qui ne doit plus �tre alors accus� d'homosexualit�
  latente- est in�vitablement dans toute soci�t� qui �tablit des rapports
  artificiels entre, par exemple, le sexe et le courage, et un �gotisme affirm�,
  ou encore le sexe et l'esprit de socialit�. II faut ajouter que la nature r�elle
  du temp�rament des individus de chaque sexe ne correspond pas obligatoirement
  au r�le que la civilisation leur assigne, cela ne manque pas d'avoir des r�percussions
  sur l'existence de ceux qui naissent dou�s du temp�rament que la communaut�
  attend d'eux�� [1978�: 272-273]. 
   Dans la perspective d'une telle analyse, nous pouvons dire qu'il doit y
  avoir des comportements homosexuels chez les Ly�la, m�me s'il est
  formellement impossible de montrer des actes copulatoires homosexuels av�r�s
  ; d'autant plus que dans ses recherches sur les Ly�la, Blaise Bayili
  mentionne une information pertinente sur ce point, qui nous avait �chapp�
  malgr� plus de deux de d�cennies de recherches sur le terrain[16]. En effet, comme le chef de terre a une place
  centrale, chez les Ly�la, son d�c�s est per�u comme une quasi calamit�,
  une catastrophe. La mort du garant de la stabilit�, de la s�curit� sociale,
  de l'ordre communautaire ouvre la voie symboliquement � l'instauration de
  toutes les formes de d�sordre possibles. C'est pourquoi, � l'occasion de la
  c�l�bration de ses fun�railles, dans beaucoup de villages, on permet une
  mise en sc�ne de ce trouble de l'ordo rerum. Ainsi, dans les villages
  Nuna (Nebwa), et Nebwela, la th��tralit� de l'inversion des choses se joue
  sur le plan de la capture d'animaux domestiques et du pillage des vivres
  autoris�. 
   En revanche, et c'est ce qui nous int�resse ici, avec les fun�railles-r�jouissances
  du ki� k�bal ou chef de l'autel de terre, la femme qui est per�ue
  sous une figure ambivalente, en profite pour la manifester de fa�on publique.
  Entres autres, elle va op�rer, par une mise en sc�ne autoris�e, l'inversion
  des choses, des conventions, des m�urs et de l'ordre �tablis en
  s'appropriant la personnalit� de la figure masculine, de la virilit�. Elle
  indique ainsi, symboliquement, qu'elle incarne �galement la moiti� masculine
  de l'�tre humain qui constitue, avec la f�minine, sa compl�tude. C'est en
  ce sens qu'on peut comprendre les observations suivantes de Blaise Bayili :
  ��Dans les r�gions siyalm�, y�m�, kwarm� et nepw�lm�, les
  femmes, par exemple, jouent le r�le des hommes en s'emparant des
  signes et symboles de la masculinit�, de la virilit�. Continuant de montrer
  leur figure positive (elles gardent leur charge de production et de
  reproduction des nourritures et de la soci�t�), elles montrent ainsi leur
  figure n�gative ; elles brisent les usages prescrits et renversent un ordre
  qui les fait mineures et subordonn�es (rituellement dangereuses, elles sont
  associ�es � l'impuret�, au mal, � la sorcellerie...). Leur r�bellion
  symbolique par l'inversion des r�les traduit et impose finalement la
  reconnaissance qu'elles assument au sein de la soci�t�. Leur d�sordre
  s'inscrit dans l'ordre �tabli par les hommes�� [1998�:
  397]. Cet auteur ne fait pas la m�me analyse que nous-m�mes de ce ph�nom�ne.
  Outre ce premier sens qu'il lui conf�re, il nous semble qu'il est susceptible
  d'une autre lecture : tout en lui conc�dant ce sens, ici le mime de la
  virilit�, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit fondamentalement de montrer
  la figure duale du sujet humain du point de vue de ses virtualit�s et
  effectivit� sexuelles. 
   � 
   � 
   En d�finitive, � d�faut de montrer l'existence r�elle de m�urs
  homosexuelles chez les Ly�la, nous pouvons au moins la pr�supposer pendant
  la p�riode de l'adolescence, m�me si l'onanisme semble plus r�pandue � cet
  �ge : c'est une pratique courante chez les jeunes gens avant le mariage. II
  se pourrait que dans les villes, des Ly�la, comme d'autres individus
  subsahariens, qui ne craignent plus d'afficher leurs m�urs homosexuelles, d�sormais
  lib�r�s de la tutelle des traditions, fassent montre de fa�on manifeste de
  leur homosexualit�. Sans doute, une telle exhibition publique, � l'ombre du
  silence des traditions et loin des m�urs culturelles, doit lib�rer
  psycho-sexuellement de tels individus dont on imagine la souffrance � vivre,
  comme tels, leur sexualit� qui les d�termine fondamentalement, dans ce
  contexte social d'h�t�rosexualit� obligatoire. 
   � 
   � 
   Bibliographie� 
   � Badinter Elisabeth (1992) : XY � De l'identit� masculine, Odile
  Jacob, Paris. 
   � Bayili Blaise (1998): Religion, doit et pouvoir au Burkina Faso �
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  de ��Scientific American", Juillet 1994-Mensuel n� 201, 106 P. 
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  origine g�n�tique ? �� in Revue ��Pour la Science", Edition
  fran�aise de ��Scientific American", Juillet 1994, Mensuel n�
  201, 106 P. 
   ��Maschino T. Maurice (1998) : lis ne pensent qu'� �� ,
  Calmann-L�vy, Paris. 
   ��Mead Margaret (1978) : M�urs et sexualit� en Oc�anie, France
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   ��Platon (1964) : Banquet, Garnier Flammarion, Paris. 
   ��Rousseau Jean-Jacques (1982) : Les Confessions, Garnier
  Flammarion, Paris. 
   ��Sade(Le Marquis) : La Philosophie dans le boudoir, France
  Loisir, Paris. 
   ��Segond Louis (1959) : La Sainte Bible, Maison de la Bible, Gen�ve. 
   [1] � Notre position ne s'expliquait pas seulement par l'influence de la religion catholique qui nous a m�me traumatis� concernant la zone du bas ventre, comme on dit selon le langage r�serv�, voire des pr�jug�s de celle-ci sur ce type de m�urs sexuelles, mais aussi par les sollicitations dont nous avions �t� objets tant en France qu'en Italie du Nord au cours de nos primes ann�es d'�tudes universitaires. Nous ne supportions pas le fait qu'un homme puisse s'adresser � un autre homme sur ce point. Et notre r�action a toujours �t� violente face � de telles outrecuidances. [2] � On pense - la chose est �tablie depuis au moins les m�urs du Marquis de Sade qui fait l'apologie de l'homosexualit� dans sa Philosophie dans le boudoir, lequel trouvait m�me que le membre viril est bien mieux adapt� � l'orifice anal qu'au sexe f�minin - que les rapports homosexuels masculins viendraient des m�urs sexuelles qualifi�es de contre nature qui pr�valaient dans cette ville de Jud�e. [3] � Dans l'ensemble de ses dialogues (R�publique, Ph�dre, Ph�don, Gorgias, Politique, etc.), Platon se r�f�re aux mythes pour rendre compte des faits humains que la raison �choue � expliquer. Le mythe intervient toujours en dernier ressort comme celui de la fin du Ph�don , par exemple, pour justifier l'immortalit� de l'�me humaine que la raison socratique n'a pas r�ussi � d�montrer. Il cl�t comme par conclusion l'ouvrage. La puissance du mythe suppl�e � la faiblesse de la raison ratiocinant. Le mythe est fondateur, il n'est pas analytique comme la raison; en quoi r�side d'ailleurs l'incapacit� de celle-ci � convaincre de fa�on absolue. [4] � Dans ses Confessions , tome 1, jean Jacques Rousseau raconte son indignation pour avoir �t� l'objet d'une s�duction puis d'une tentative de viol, par un jeune Maure dans une institution catholique qui recueillait de jeunes errants en Italie du Nord. Il d�crit minutieusement les attitudes d'approche de son jeune amant, les propositions de partager le m�me lit que Rousseau, dans sa douce innocence, rejette comme de l'impudence. Il en fut si scandalis� qu'il raconta sa m�saventure � un pr�tre lequel semblait consid�rer cette cour comme normale. Rousseau �crit alors : ���Il me dit gravement que c'�tait une oeuvre d�fendue, ainsi que la paillardise, mais dont au reste l'intention n'�tait pas plus offensante pour la personne qui en �tait l'objet, et qu'il n'y a pas de quoi s'irriter si fort pour avoir �t� trouv� aimable. Il me dit sans d�tour que lui-m�me, dans sa jeunesse, avait eu le m�me honneur, et qu'ayant �t� surpris hors d'�tat de faire r�sistance, il n'avait rien trouv� l� de si cruel�� [1968�: 104-105]. [5] � Dans sa Chronique des Indiens Guayaki , Pierre Clastres fait mention d'un membre de cette communaut� qui avait choisi de vivre comme une femme. Il s'adonnait aux activit�s f�minines et s'habillait comme une femme. Les jeunes indiens pub�res exer�aient leur virilit� sur lui. Il consentait volontiers � copuler avec eux tant la nuit que le jour � l'abri des regards suppos�s discrets. [6] � L�homme ne peut s'emp�cher de codifier, avec un esprit casuistique, les m�urs afin de d�terminer, par rapport aux conventions morales, juridiques �tablies, ce qui est bien ou ce qui ne l'est pas, ce qui est autoris� ou ce est interdit. Ainsi, chez les Grecs anciens, il semblait pervers, indigne m�me qu'un adulte ait des rapports sexuels avec un autre adulte en raison du r�le passif que l'un des deux doit tenir dans ce type de copulation. Chez les Sambia, il n' est pas normal, ni tol�r� qu'un adulte s'abaisse � procurer du plaisir � un jeune gar�on, par ce biais. [7] � Freud ne le pr�cise pas express�ment. Mais, on peut dire qu'en raison de son attachement � l'h�t�rosexualit�, celle-ci semble appara�tre comme la norme qui, de fait, peut d�finir la d�viance sexuelle, comme l'homosexualit� et d'autres types de recherches de plaisir sexuel. [8] � Dans son r�cent ouvrage sur les m�urs sexuelles des Fran�ais, Ils ne pensent qu'� �a, Maurice T. Maschino affirme que beaucoup de couples dits normaux, reconnus, du moins socialement comme tels, comptent souvent un conjoint bisexuel. A titre d'exemple, nous nous en tiendrons � un cas qu'il cite. ���Instituteur, Martin est mari�. A deux enfants. Et un ��ami�� dans une bourgade voisine. Sa femme l'ignore. Pour justifier ses d�placements, il se pr�tend le conseiller p�dagogique d'un coll�ge, qu'il va ��inspecter�� deux fois par semaine. Mais il vit dans la crainte permanente d'�tre d�couvert... ��Si un jour je suis condamn� � choisir, je crois que je divorcerai : j'ai de l'affection pour ma femme , mais je d�sire mon ami. Un d�sir imp�rieux, parfois lancinant���� [1998�: 259] . [9] � Le Bordas donne la d�finition suivante du dimorphisme sexuel: ���Ensemble de Caract�res sexuels secondaires, permettant, dans une esp�ce donn�e, de distinguer les sexes...��. [10] � En raison de l'esprit magique des contemporains par au rapport aux d�couvertes scientifiques et aux v�rit�s qu'elles sont cens�es �tablir de fa�on d�finitive, on oublie que m�me dans le champ des sciences dites exactes, plut�t de la mati�re, il y a des risques d'interpr�tations erron�es, arbitraires parfois par des id�ologies extr�mistes, pour porter la haine sur des groupes humains donn�s. D�j�, au dix-neuvi�me si�cle, la phr�nologie de Gall pr�tendait localiser dans les diff�rentes circonvolutions du cerveau des fonctions mentales extr�mement complexes telles ���le talent po�tique��, ��l'esprit m�taphysique�� et m�me des qualit�s morales comme ��la bonté », ��la fermeté », etc. C'est, du moins, l'analyse qu'en a faite G. Lantari-Laura dans son Histoire de la phr�nologie. Cette phr�nologie, plus fantaisiste et imaginaire que scientifique, a donn� lieu � toutes les interpr�tations racistes possibles au dix-neuvi�me si�cle. On en a tir� pr�texte pour montrer que le cerveau de l'homme blanc �tait plus volumineux que ceux des autres peuples de la terre ; ce qui justifiait sa sup�riorit� militaire et sa supr�matie. Les Nazi, au XXe si�cle, ont agi de la m�me fa�on � l'�gard des peuples non-aryens. [11] � L'analyse d'Elisabeth Badinter, qui doit probablement se fonder sur un pr�suppos� bien d�termin�, tente de montrer, au contraire, qu'il y a une primaut� de la f�minit� chez le gar�on. La ��protof�minité » de l'enfant r�sulte de deux faits : la vie intra-ut�rine du b�b� qui l'impr�gne de la f�minit� de sa m�re pendant les 7, 8 ou 9 mois ; cette impr�gnation continue apr�s la naissance en raison du contact entre m�re et enfant. En revanche, elle reconna�t que la ��protof�minité » de l'enfant (gar�on ) donne lieu � des interpr�tations contradictoires : ��Pour les uns, elle favorise le d�veloppement de la fille et handicape celui du gar�on. Pour les autres, elle est �galement avantageuse aux deux sexes�� [1992�: 171. [12] � La cour ou la concession, dans les pays du Sahel, en g�n�ral, est une enceinte familiale, voire une unit� �conomique tendant vers l'autarcie, l'autonomie mat�rielle. Elle comprend un responsable de famille, des couples cellulaires de toutes les g�n�rations avec l'ensemble des femmes et des enfants. Hormis les c�libataires, les femmes, autant que chaque couple, jouissent d'une sph�re d'autonomie du point de vue de la possession des biens p�rissables ou consommables. [13] � Suivant la conscience de cette soci�t�, en particulier, et selon le mode de perception et de compr�hension de soi, on ne porte pas forc�ment un regard critique ou moral sur ce type de ph�nom�nes humains. On les vit, on n'en juge pas. Seule leur mise � distance par rapport � d'autres r�alit�s humaines et selon d'autres modalit�s de jugements de nature plus h�t�rog�nes, permet de les percevoir diff�remment c'est-�-dire sous l'angle de la perspective ou de la d�monstration de cette analyse. En ce sens, comportements homosexuels ou h�t�rosexuels sont des cat�gories de jugement ext�rieures au champ culturel de ce peuple. [14] � Cet homme travaillait � Abidjan, en C�te D'Ivoire, au moment de nos investigations sur le terrain jusque dans les ann�es 1990. [15] � Nous avons �t� t�moins, en tant qu'�l�ve au coll�ge, plus pr�cis�ment, au petit S�minaire de Bingerville (C�te D'Ivoire) de l'existence de telles pratiques. D'une part, un pr�tre originaire de la C�te D'Ivoire qui a confess� avoir �t� lui-m�me victime de la violence p�d�rastique de la part de ses professeurs d'origine fran�aise, avait un mignon parmi nous, un certain Bationo. En collaboration avec certains pr�tres, quelques s�minaristes dont nous-m�mes, ont tout fait pour le prendre en flagrant d�lit de copulation p�dophilique. D'autre part, un jeune s�minariste, chef de dortoir, entretenait des relations copulatoires suivies avec l'un des membres de son dortoir. Ils furent �galement pris en flagrant d�lit une nuit, et l'amant d'Ernest, la victime, fut imm�diatement renvoy� du S�minaire. Ces deux cas, entre autres, montrent bien qu'il y a aussi, chez les peuples sub-sahariens, des pratiques homosexuelles. En France, plus pr�cis�ment � Lyon, nous avons connu un S�n�galais de Saint Louis qui vendait ses charmes plastiques en se prostituant. Devant notre �tonnement et notre horreur, il nous apprit que de telles pratiques, (l'homosexualit� masculine, en particulier) sont courantes au S�n�gal, surtout � Dakar et � Saint Louis, vieilles villes coloniales. [16] � A l'inverse de cet auteur qui est n� et a grandi dans le Lyolo, notre excuse, s'il y a lieu d'en trouver une, tient au fait qu'en raison de nos �tudes universitaires, puis de notre m�tier d'enseignant, nous n'avons pu nous rendre sur le terrain de recherche que pendant les vacances d'Et�. Or, l'occasion qui donne lieu � une telle mise en sc�ne homosexuelle, ce sont les fun�railles-c�l�brations d'un chef de terre. On le sait : ce genre d'occurrences festives n'est autoris� que pendant la p�riode de la saison s�che. | |||||||||||
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