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  Déambulations toulousaines

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Manon Haussy

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est arrivé en septembre dernier, en compagnie d’une amie, dans un grand magasin de Toulouse. Au rez-de-chaussée, des affiches publicitaires attirent notre regard de consommatrices bien dressées. Elles annoncent pompeusement qu’une agence de mannequins réputée organise un casting à l’étage.

Et là, première révélation du jour, ce qui n’a jamais été qu’un rêve de petite fille, paraît d’un coup accessible. Onduler des hanches sur un tapis rouge, sous les flashes des photographes et les lumières des caméras, il ne nous en faut pas plus pour nous y voir. Et cette opportunité, il nous semble qu’à ce moment-là, il suffit de grimper quatre à quatre les marches de l’escalator pour la saisir au vol.

Oubliés, les projets de l’après-midi, nous atteignons l’étage en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, et nous nous laissons docilement guider jusqu’au stand ; une piste de défilé, plusieurs cabines d’essayage et un podium de maquillage.

Après un temps d’hésitation, une humble et soudaine remise en cause, nous observons les candidates qui nous précèdent et, rassurées («après tout, elles ne sont pas mieux que nous»), nous fonçons vers notre destin.

Une hôtesse, assortie à la décoration du plateau, nous aguiche en nous promettant, au mieux la célébrité, au pire des cadeaux. Sans avoir trop besoin d’insister, elle nous colle habilement dans la main un stylo et sous les yeux une fiche de renseignements. La totale : nom, adresse complète, profession, âge, téléphone, e-mail, mensurations, couleurs des yeux et des cheveux, goûts divers… et autorisation signée de communiquer ces données à peu près n’importe qui. Bref, de quoi constituer une base de données plus que complète.

Je me renseigne sur le degré d’arnaque :

« —  Et si on est retenue, il se passe quoi ?

— Vous participerez à un défilé samedi, et vous poserez pour un site Internet » répond-elle avec un grand sourire.

Gloups… des photos sur le web ? On pense tous à l’embuscade de jeunes recrues naïves qui se demandent toujours trop tard comment elles se sont retrouvées sans vêtements. Mais l’hôtesse nous rassure, il ne s’agira que de clichés soft, en tee-shirt (mouillé ?) à l’effigie de l’agence. Peu crédules, nous oublions cependant nos appréhensions avec tout le reste et rentrons dans les cabines pour être mesurées, ficelées comme des morceaux de jambon, et jugées.

« Hauteur… 1m75 : c’est bon. Poitrine… 89, ça va à peu près. Taille… 71 : ouais, ça peut aller.  Hanches… 93 ! Ah non, là je crois que ça va pas passer ! »

Voilà comment je suis passée à trois centimètres de la gloire.

« Pour être mannequin, il faut pouvoir rentrer dans des vêtements taille 36 » tranche-t-elle.

En mesurant 1m 80 ? Deuxième révélation de la journée : Les top models sont des extra-terrestres : on leur demande de toucher le plafond, d’avoir des seins gonflés comme des ballons de foot, et d’être perchées sur des jambes squelettiques.

Alors, comme pour vouloir se rattraper, l’hôtesse me dit : « Rassurez-vous, vous pouvez tout à fait convenir à d’autres agences. Et puis vous avez de très jolis yeux, on pourrait peut-être arriver à quelque chose avec des gros plans ». Trop tard, j’en ai assez entendu ! Finir sa carrière à trente ans, anorexique et droguée ? Non merci, je préfère retourner à la fac, drapée dans ma mauvaise foi…

Le lot de consolation, une pochette contenant deux ou trois merveilles sponsorisées, finit d’enfoncer le clou. Comme si un mini rouge à lèvres et un spray pour les cheveux allaient nous métamorphoser en muse de Jean-Paul Gaultier ! Quoique, peut-être qu’avec un pull rayé…

Bilan de la journée shopping : en plus d’avoir laissé derrière nous une signalisation assez complète pour être harcelées de lettres, de coups de téléphones et de mails sauvages, on nous aura rappelé sans trop de diplomatie qu’il ne nous reste plus qu’à regarder Fashion TV.

Je préférais encore élaborer des stratégies en cours de marketing, c’était plus drôle !

 

Manon Haussy

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