Épistémologie

Problématiques d’automatisation et de cyclicité en sociologie

Autour du statut épistémologique de l’astrologie

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Récapitulation et proposition de plan

Nous proposons un plan en quatre parties :

Première Partie

La démultiplication spatio-temporelle

S'il y a un ordre à découvrir, c'est parce que cet ordre a été instauré et sans cette instauration archaïque, il n'y aurait pas de sociologie, il n'y aurait pas d'épine dorsale des sociétés, il n'y aurait pas d'invariants se maintenant à travers les âges. Et surtout, il n’y aurait pas de récurrence régulière si le passage d’une phase à la suivante dépendait de chaque contexte socio-historico-économique.

L'homme et la machine. L'homme-machine. L'organisation de la procréation. La formation de groupes socioprofessionnels spécifiques (les travaux de Gauquelin sur les groupes professionnels( voir notre étude en postface à son livre  Les Personnalités planétaires, Ed. Trédaniel, 1992). L'esclavage. Le recours aux animaux pour soulager et décharger l'activité proprement humaine. La fonction langagière comme facteur de domination et d'homogénéisation sur une population.

On insistera sur le fait que le découpage temporel implique un découpage social car il a pour objet d'aménager l'alternance entre plusieurs groupes. Il s'agit de montrer que tant l'astrologie que la sociologie reposent sur l'existence d'un ordre politique qui aurait perduré et que l'une et l'autre chercheraient à décrypter. En aucune façon, il ne saurait s'agir d'un ordre « naturel », c'est bel et bien d'un artefact qu'il s'agit. Le rôle de la sociologie est de faire ressortir une sorte d'inconscient social dont l'activité nous apparaît comme le garant de l'ordre social. Autrement dit, le monde « tourne » grâce à des structures non conscientisés et s'imagine qu'il poursuit sa route uniquement par les lois qu'il instaure ici et maintenant, ce qui relativise sensiblement les enjeux politiques.

Ce modèle revalorise paradoxalement l'individu en ce que la structure sociale émanerait des mémoires génétiques individuelles alors que l'approche valorisant la tradition culturelle privilégie le rôle du social

L'astrologie, en choisissant, au XXe siècle (voir les travaux d’André Barbault) le modèle de l'Histoire plutôt que de la sociologie, se condamnait à élaborer des schémas de plus en plus complexes, essayant vainement de prouver que ce qui est arrivé était prévisible.

Deuxième Partie

Les historiens face à l'astrologie

Pourquoi, chez les sociologues – et même chez les historiens de la sociologie – une telle indifférence, une telle "ignorance" de la littérature astrologique avec laquelle pourtant un certain langage est partagé (cf. R. A. Nisbet, La tradition sociologique, Paris, PUF, 1982) ? Est-ce que le sociologue se doit, déontologiquement, d’épouser certains préjugés anti-astrologiques ? Que reproche-t-il à l'astrologie: faut-il, comme le regrettait Kepler, (voir notamment son Tertius Interveniens) jeter le bébé avec l'eau du bain ? Cf. le travail de Gérard Simon, Kepler, astrologue, astronome, paru en 1979, chez Gallimard.

En l'occurrence, il y a une astrologie compatible avec la sociologie et qui, pour le moins, annonce la sociologie et à laquelle probablement la sociologie a emprunté C'est ce que nous essaierons de montrer au travers de l'étude de la littérature sociologique et de celle de la littérature astrologique (cf. notamment un autre auteur du XVIe siècle, Loys Le Roy, dit Regius). Prenons le cas du raisonnement analogique, il n'est pas question de justifier une « science » qui s'appuierait sur un tel mode de raisonnement mais de relever que si certaines sociétés ont utilisé le cosmos comme modèle, comme référence, force est d'en tenir compte dans la mesure où cette organisation a perduré dans les structures sociales jusqu'à nos jours.

Il est à noter qu’à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les références aux cycles abondent, sans rapport avec l’astrologie sinon en tant que repoussoir. Nous avons notamment, en date du 20 juin 1907, retrouvé un document truffé de graphiques, du à Georges Villain, et publié par le Ministère des Travaux publics, des postes et des télégraphes, à l’instigation de son ministre, Louis Barthoux : Notice sur les périodicités des crises économiques et ses rapports avec l’exploitation des chemins de fer français ( BNF Fol Fw 120). C’est dire qu’à cette époque, qui correspond à un moment fort pour la sociologie, l’on avait récupéré en quelque sorte certaines préoccupations liées à ce que nous proposons d’appeler un temps en mouvement. Une des figures principales de cette école française de cyclologie est Clément Juglar dont le nom, par la suite, sera donné à un type de cycle. On trouve chez cet économiste des formulations assez remarquables: il définit ainsi les « périodes » comme « la continuation d’un mouvement commencé dans un sens ou dans un autre, selon la mesure que l’on met dans la conduite des affaires et l’épuisement plus ou moins rapide du capital ou du crédit des divers pays du monde jusqu’à ce qu’une pause soit devenue nécessaire » (« Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux États Unis », p. 14, in Compte-rendu du congrès scientifique des Catholiques, 1-6 avril 1891, Paris, A. Picard, 1891, BNF 8°V Pièce 8865). Voilà qui pose d’ailleurs la question des relations entre économie et sociologie à la fin du XIXe siècle. La France semble avoir été une pionnière dans ce domaine, avant la Première Guerre Mondiale.

Ce sera l'occasion, au travers du débat sur l'astrologie de préciser le clivage entre sociologie et Histoire dans la mesure où l'astrologie se serait fourvoyée en préférant le modèle historique au modèle sociologique.

Il est tout de même difficile de comprendre pourquoi l'astrologie, toutes tendances confondues, fut si peu appréciée par les sociologues: ne posait-elle pas le problème des rapports de l'homme avec son environnement non humain ou déshumanisé ainsi que celui de la cyclicité ? Il semble que ce refus ait été lié à une représentation caricaturale et biaisée de l'astrologie, sans tentative d'aller y regarder de plus près. Inversement, l'émergence tardive de la sociologie s'effectue alors que le discours astrologique est figé. En outre, l'argument selon lequel l'astrologie ne serait que le résultat d'une projection arbitraire est généralement perçu comme anti-astrologique car on croit un peu vite que cela induit le fait que l’astrologie n’existe que parce qu’on y croit. Or, nous pensons, tout au contraire, qu’elle agit à un niveau inconscient et que son influence n’est pas identifiée comme telle.

En outre, on peut se demander, après Saussure, en quoi l'irrationalité ou l'arbitraire du savoir astrologique font problème pour la pensées sociologique : l'arbitraire n'est-il pas en mesure de se perpétuer et de constituer des récurrences archaïques ? Une fois cet arbitraire entré dans les faits, ne devient-il pas objet d'étude ? Il conviendrait de distinguer la méthodologie qui traite de l'étude de ces phénomènes et l'origine des phénomènes eux-mêmes.

Or, ce qui fait problème c'est que l'astrologie se distingue des autres branches de l'ésotérisme en ce qu'elle n'est pas simplement objet d'étude historique ou sociologique mais qu'elle est, en elle-même, liée épistémologiquement à l'histoire et à la sociologie.

Il est intéressant d'observer qu'a basculé dans le champ ésotérique tout un ensemble de questions de cet ordre, de la cyclologie à la question des communautés ethnico-religieuses en passant par le symbolisme du masculin/féminin. On s'interrogera sur la marginalisation de ces thèmes – cf. l'ouvrage de B. Méheust)

Il convient de souligner les aspects pervers d'un certain anti-astrologisme sur le plan épistémologique. (voir notre article, les historiens des sciences face à l'activité astrologique de Kepler). Dans notre thèse Le monde juif et l'astrologie, nous avons montré de quelle façon le rejet de l'astrologie avait pu rendre inconsistantes ou bancales certaines constructions théologiques qui en dépendaient au départ. La Kabbale pourrait être une sorte de théologie astrologique sans les astres.

En fait, un certain nombre de postulats que l'on prête à l'astrologie ne sont nullement incontournables. On peut fort bien ne pas poser une quelconque influence des astres et supposer à la place une programmation de l'humanité à rechercher dans les astres des signaux. C'est certes déplacer ainsi le problème de la capacité des astres à agir sur l'homme à celui de la capacité de l'homme à se repérer inconsciemment à partir du parcours de certains astres. Cependant, un tel déplacement est fécond sur le plan épistémologique : en soi, les hommes n'ont jamais cessé d'observer les astres, ce n'est donc pas cette curiosité en soi qui fait problème : la question qui est à aborder se réduit désormais à celle-ci : est-ce qu'un tel intérêt pour la position des astres peut se manifester de façon inconsciente.

Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage : le rejet de l’astrologie pour des raisons souvent mal explicitées se manifeste par le recours à des procès d’intention – on lui prête des origines ou des pratiques qui ne sont nullement inhérents à son existence. Nous prônons, pour notre part, l’évacuation de tout anachronisme : il ne s’agit pas de prêter aux hommes de l’Antiquité des savoirs qui, a priori, ne pouvaient être les leurs, des méthodes d’investigation qui n’étaient pas d’époque. Notre modèle propose une genèse du phénomène aussi économique que possible et qui n’implique nullement une influence astrale et, ou la découverte de la dite influence par on ne sait quels moyens.

Troisième Partie

Temps en mouvement et instrumentalisation des clivages

Nous disions que la sociologie devait disposer d'un modèle chronologique qui ne dépendrait pas de la chronologie livrée par l'Histoire mais qui l'engloberait. Le temps de l'historien s'inscrirait dans le temps du sociologue et non l'inverse. Penser un temps sociologique. Il s’agirait notamment de n’accepter pour modèle cyclique qu’une représentation qui soit en mesure de s’inscrire dans l’Histoire des sociétés, qui en émane et qui ne soit pas un processus influentiel agissant directement.

Notre thèse est la suivante : la société comporte un certain nombre de clivages socioculturels, sexuels, voire ethniques et le cycle a pour objet de gérer les relations entre ces divers clivages. Il y aurait deux temps : l’un visant à renforcer la visibilité des dits clivages, à mettre en place des entités distinctes les unes des autres et l’autre visant à tester leur viabilité, leur fonctionnalité au sein d’un ensemble regroupant l’ensemble d’une société. A chaque étape, un processus de constitution et d’élimination serait en œuvre.

Il nous semble urgent de mettre en évidence l'existence de phases liées à la prise en compte par l’humanité de phénomènes cosmiques ou saisonniers. Ce faisant, les réponses qu'une certaine clientèle va chercher chez l'astrologie seraient fournis en dehors de tout obscurantisme. En ce qui concerne les fluctuations de l'emploi, signalons l'astrologie « saturnienne » et son aptitude à rendre compte de certains cycles socio-politiques ou socio-économiques. L'idée selon laquelle un des cycles serait lié à l'observation du passage de Saturne dans le ciel, dans son rapport avec certaines étoiles fixes de première grandeur aboutit à des phases de 7 ans environ, ce qui n'est pas sans évoquer, analogiquement, le cycle lunaire et la semaine. Saturne, au demeurant, est l'astre le plus lent connu dans l'Antiquité et sa périodicité était commode pour découper des périodes de temps liés à certaines activités. Nous avons toujours ce processus dans les constitutions : durée du mandat du président (quinquennat, septennat). Il apparaît que ce genre de cycle sous tend un très grand nombre des questions posées à l'astrologue et auxquelles celui-ci va répondre au moyen d'un arsenal individualisé alambiqué.

Il s'agit de modéliser la périodicité et notamment de montrer politiquement et socialement qu’il convient d'envisager une alternance de phases. Ces phases ne sauraient comporter a priori des éléments négatifs ou nocifs puisque elles sont le fait, à l’origine, de la projection d’une certaine organisation de la société Ces phases se distinguent donc très nettement de cycles “externes” provoqués par des influences non programmées par l’humanité.

Chaque unité sociale – constituant un système qui dépasse voire se substitue parfois à l'individu ou le réduit à la portion congrue de clone (village, entreprise, parti, État etc.) constitue un cadre dans lequel s'exerce une telle périodicité. Il conviendra de définir comment se constitue une telle entité., ce qui est au demeurant une des tâches de la sociologie : qu'est-ce qu'un milieu social, quelles en sont les limites ? Il y a une phase où précisément il s’agit de renforcer les liens d’appartenance à un groupe donné par le jeu de facteurs de mémoire – culture, histoire- rites – ce qui peut déboucher sur des revendications d’indépendance n’obéissant pas à une logique économique et une autre où le groupe doit démontrer sa viabilité et sa capacité d’adaptation aux problèmes immédiats, au sein d’un ensemble plus vaste, souvent au prix d’exclusions et de chômage, du fait de l’automatisation et du décloisonnement.

C’est ainsi qu’en ce qui concerne le krach de 1929, nous le situerions dans le cadre d’une crise du système politique international. Ce que semble confirmer Henri Guitton : « Dans un accès de nationalisme économique, chaque pays se repliait sur lui-même, s’isolait du reste du monde et à l’intérieur les pouvoirs publics (...) S’efforçaient au prix de lourds sacrifices pécuniaires de ranimer des entreprises trop fragiles pour mériter de survivre », (Fluctuations et croissance économiques, Paris, Droz). Comme note cet auteur, l’analyse économique actuelle relève davantage de récurrences que de périodes. Ce qui nous intéresse, pour la sociologie, c’est la périodicité régulière et non le simple constat de récurrences ne relevant pas d’une structure régulière.

C’est ainsi que, selon nous, alternent imperturbablement des phases que l’on pourrait appeler d’exaltation – en analogie avec la fin de la nuit ou de l’hiver – où règne une grande diversité de tendances tolérées et jouant un certain rôle, compliquant ainsi l'échiquier des rapports de force et d'autres phases que l’on pourrait qualifier de domination, où une tendance s'impose aux dépends des autres qui se retrouvent hors jeu, en sommeil, au chômage, en prison, en exil ou en marge. D'une part, multiplicité des fractionnements – rattachés à des diachronies multiples – de l'autre réduction des divisions par un choix introduisant une hiérarchie, au sein d’un nombre limité de synchronies, incarnant des modernisés successives. On peut rapprocher un tel système de la symbolique des luminaires : phase solaire où la lumière irradie sur le monde et phase lunaire, où la lumière est focalisée, alors que tout autour règne l'obscurité. Il semble en effet que la Cité antique se soit constituée à partir de telles représentations cosmogoniques, dont une première forme d'astrologie serait issue. Révolution copernicienne qui consisterait à placer le temps social au centre, comme un point fixe et les événements à la marge alors que généralement on ne veut voir dans le temps qu’une fonction des événements,

On pourrait parler d'un sablier, avec ses deux temps, le sable file puis on renverse l'appareil mais on insistera sur le fait que ce « mouvement » du temps est autonome par rapport aux événements en cours tout comme une horloge ne varie pas avec l’ambiance régnante au niveau relationnel. En ce sens, le temps humain est ici un invariant, tout en ayant sa propre cyclicité, calquée délibérément sur celle du cosmos. Prenons le cas d’un match de football : sa durée (2 fois 45’) est fixée à l’avance et ne dépend aucunement, sauf dans certains cas où des prolongations sont accordées, des événements qui se déroulent pendant ce laps de temps

Bien entendu, la mise en évidence de certaines corrélations indiquant non pas une interaction mais une influence intellectuelle à un certain moment de l'Histoire humaine, ne va pas sans difficulté méthodologique : le hasard peut parfaitement rendre compte d'un certain nombre de résultats, quand on adopte des périodicités de sept ans, ne comportant que deux cas de figure. C'est la série de phases applicables à une seule et même entité qui est concluante ainsi que le même type de situation pour de mêmes phases mais à des siècles de distance ou dans des sociétés sans contact entre elles. Il n’empêche que la notion de phase, au sens où nous l’entendons, est à distinguer de celle de cycle: pour nous le cycle est une observation empirique, qui n’implique pas de connaître les causes du phénomène étudié tandis que la phase implique la mise en œuvre d’un modèle sous-jacent, dont le rythme englobe certes une série d’observations et de manifestations mais qui n’en dépend pas directement. La phase offre une régularité dans sa fréquence que ne garantit pas le cycle.

 Ce qui est étonnant, c'est que certaines observations que nous avons faites auraient probablement pu l'être il y a plusieurs siècles pour peu que l’on ait cherché à recourir à des figures géométriques pour décrire le temps et pas seulement l’espace. Cette géométrisation du temps de par la recherche d’une périodicité régulière transcendant les récurrences ponctuelles, c’est ce qui permet de relier l’Histoire aux cycles cosmiques et saisonniers. Il semble que la tradition astrologique y a fait obstacle, à l'instar de ce qui s'est passé en médecine, avec le refus d'examiner directement le corps humain. Ce retard tient notamment à l’émergence récente de la sociologie et de ses méthodes.

Nous avons décrit une alternance selon laquelle à une phase de mise en place, créative, avec une participation humaine forte faisait toujours suite une phase de systématisation qui était comme une doublure et qui correspondait à une sorte de pilotage automatique, centralisatrice et pouvant ne relever que d'une autorité unique, prenant toutes les initiatives, ce qui réduit les membres de la dite société, en la dite période, à celui d'automates. L'intérêt de cette alternance qui reflète très vraisemblablement un ancien ordre social spatio-temporel, devait être de permettre une phase d'hibernation pour une grande partie des acteurs, une phase de repos, de sommeil où seules certaines fonctions restent actives.

Si les structures anciennes sous-tendent les structures actuelles, inversement, nous dirons que la mise en évidence de structures spatio-temporelles aujourd'hui nous renseignent sur l'état antérieur des sociétés, en un temps où celles-ci n'étaient pas figées mais relevaient de la Loi. Il y aurait ainsi une dialectique entre la Loi, décrétée (type Dix Commandements, respect du septième jour par exemple) et la Loi devenue en quelque sorte inconsciente et s'imposant par delà la culture dominante d'une époque. Ce n'est pas parce qu'une société rejette l'astrologie que le rapport aux astres n'existe pas ou plus. Non point qu'il faille parler d'une influence réelle des astres mais d’une référence intellectuelle, de la mise en place de signaux régulateurs, ayant présidé à une forme d'auto programmation, non délibérée, de ce que l’on appelle improprement horloge interne. Les êtres vivants se sont conditionné à se situer par rapport à des processus réguliers externes mais ils n’ont constitué qu’indirectement une horloge interne. Une chose est de constituer une horloge interne, une autre de prendre l’habitude d’observer où en est l’horloge externe. Entendons que pour nous la capacité d’accéder à une information sur le mouvement des astres est inconsciente et instinctive. Rapport nature/culture.

Il s'agit d'élaborer un modèle socio-cosmique aussi simple que possible, fort éloigné de l'astrologie alambiquée des derniers siècles. Un modèle qui serait avant tout l'expression d'une organisation sociale, prenant appui sur les astres pour ponctuer le temps collectif et ce dans la mesure même où certaines sociétés se sont servi des astres pour ponctuer leur temps. Que l'on pense à ce qui est décrit dans la Bible relatif à l'Égypte (sept vaches/années grasses, sept vaches/années maigres). Il n’est pas question par conséquent de prendre en compte l’incidence de cycles, aussi manifestes soient-ils, qui n’offriraient pas un fondement social cohérent et constitueraient des interventions parasitaires mais bien de s’intéresser à des phénomènes périodiques qui font partie intégrante de la vie des sociétés, selon une certaine philosophie politique.

La société n'est pas issue de la nature, elle a pris modèle sur elle; d'où l'importance à accorder à l'analogie en tant que mode de transposition. On passe ainsi de l'arbitraire à l'artefact, ce qui constitue une coupure épistémologique. Le problème posé par l’astrologie serait, in fine, plus diachronique que synchronique: il ne s’agirait pas tant de s’attarder sur le fait que les hommes et les astres se situent dans des systèmes différents et ne communiquant pas mais de revenir sur la question de savoir de quelle façon la quête d’un certain savoir astronomique – et non pas astrologique – a pu perdurer à travers les siècles; on pourrait ainsi parler d’une pulsion culturelle conduisant le membre d’une espèce à s’intéresser tropiquement à telle information et à s’en servir.
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