D'une astrologie à l'autre — Penser l'histoire de l'Astrologie
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Jacques Halbronn

 

 

Dans un article, paru dans Trois Sept Onze (Automne 2001), nous avions abordé la question d'un syncrétisme qui se serait produit entre « astrologie populaire » et « astrologie savante ». Cependant, l'histoire des relations, depuis les origines de l'astrologie jusqu'à nos jours, entre ces deux registres est des plus complexes et nous voudrions tenter ici de la modéliser, dans l'état actuel de nos recherches.

Des périodes de confusion

Rappelons d'abord que l'astrologie a traversé des périodes de syncrétisme qui ont eu des effets assez marqués sur son développement. On peut définir de telles périodes comme étant caractérisées par une volonté de faire fusionner des champs distincts en une sorte de grande synthèse. On observe un tel phénomène tant dans le champ du savoir que celui de la culture, de la religion, de la politique...

C'est à l'occasion de tels rapprochements entre des savoirs partageant une certaine terminologie, tout en l'employant au départ dans des acceptions bien distinctes, que la lisibilité de la tradition astrologique est rendue plus délicate.

Il faut bien comprendre, en effet, que dès lors que, pour une raison ou pour une autre, un même langage est utilisé, dans deux domaines ayant leur logique propre, parfois d'ailleurs en raison d'un processus imitatif de l'un par rapport à l'autre, tôt ou tard, il faut s'attendre à ce que des rapprochements soient tentés, qui vont produire de la redondance. C'est le problème des emprunts qui se pose en astrologie comme il se pose entre les langues, comme dans le cas bien connu du franglais, mélange de français et d'anglais.

Autrement dit, l'astrologie, comme tout un chacun, a une histoire et une histoire passant par des cycles et il serait bon que les astrologues en prennent conscience et en tirent éventuellement des leçons!

Une typologie des corps célestes

De même qu'il y a une cyclicité du savoir astrologique , il y a aussi – l'un ne vas pas sans l'autre, une typologie du savoir astronomique. Il convient de distinguer quatre familles astrales: les luminaires, les planètes rapides ( Mercure et Vénus), les planètes dites supérieures, Mars, Jupiter et Saturne, pour l'astronomie classique, les planètes trans-saturniennes, Uranus, Neptune et Pluton, les étoiles fixes. On laissera de côté la question des astéroïdes, de Cérès à Varuna. Chacune de ces familles a une histoire qui lui est propre et des relations avec les autres familles, dont il convient d'étudier les effets quant à la cohérence d'un savoir astrologique considéré de nos jours – un peu vite – comme ne faisant qu'un.

.Ce qui distingue ces familles, c'est un mode de manifestation spécifique: les luminaires (soleil et lune) et les étoiles fixes ont marqué les esprits dans les temps les plus anciens alors que les planètes, stricto sensu, ne sont entrés dans notre champ de perception qu'ultérieurement et pas d'un seul coup: d'abord, Mercure et Vénus se levant avec le soleil, puis les planètes dont le temps de révolution dépassait l'année terrestre et enfin les planètes dont l'éloignement exigeait une technologie qui n'a commencé à se mettre en place, petit à petit, qu'à partir de la lunette astronomique de Galilée, au début du XVIIe siècle.

Il fallait donc s'attendre à ce que différentes formes d'astrologie se constituent autour de diverses données astronomiques avant de fusionner dans le cadre de l'astrologie moderne. L'histoire de l'astrologie serait ainsi l'étude des relations entre ces différentes familles célestes.

La notion de fiction en astrologie

On entendra par là le fait de remplacer un astre par son nom ou par une expression supposée en tenir lieu. Prenons le cas de l'ascendant, don on dit qu'il est un point purement mathématique affublé d'un nom zodiacal. Mais historiquement, les choses sont plus complexes et ce n'est pas innocemment que l'on préfère « abstrait » à « fictif » ou substitutif.

Dire qu'une notion ne correspond pas à un corps céleste concret est une chose, dire que l'on est passé de la prise en compte d'un corps céleste pour ensuite se satisfaire d'une abstraction en est une autre ! C'est cette vérité que l'on cherche pudiquement à dissimuler dans le cas par exemple de l'Ascendant dont l'ancienne désignation – horoscope – renvoie bel et bien à la notion de perception visuelle (micro-scope, téle-scope, radio-scopie etc.).

On n'employait pas autrefois cette expression en vain, il s'agissait de repérer, lors de la naissance, quelle étoile fixe se levait à l'horizon et cela ne se restreignait pas au zodiaque mais à tout ce qui se situait dans un certain axe céleste, bien au delà de l'écliptique ce qui est probablement à l'origine des degrés monomères.

Reconnaissons que l'abandon de ce critère visuel pour un découpage en douze secteurs abstraits constitue une extrême simplification et chacun peut de nos jours calculer "son " ascendant, étant donné qu'on est passé en gros de 360 cas de figure à 12 ! Le zodiaque, au sens où on l'entend généralement, détermine certes une telle réduction du modèle mais on passait ainsi d'un système sans commencement ni fin, d'une étoile à l'autre, à un système exigeant un point de départ (0° Bélier) lui-même sujet à discussion entre tropicalistes et sidéralistes, du fait de la précession des équinoxes ! Pourtant, la division en douze n'est pas en soi abstraite, puisqu'elle se fonde sur les conjonctions soleil-lune à moins que l'on ne conserve une telle subdivision sans que cela coïncide encore avec de telles configurations et dans ce cas, on serait à nouveau passé du concret à l'abstrait. Autrement dit, un grand nombre de notions astrologiques abstraites ne dériveraient que par analogie de réalités astronomiques.

Mais on ne s'en rend as toujours compte à cause du mirage du langage: on pense notamment à la question des domiciles planétaires, qui attribuent aux signes zodiacaux certains astres sans que ces astres s'y trouvent en permanence, du fait même de leur mouvement! Or, tant qu'il s'agissait d'étoiles fixes, une telle attribution avait au moins le mérite de ne pas bouger. On nous objectera que les étoiles fixes ne comportent pas de signification codifiée comme pour les planètes, mais ce serait ignorer que les dieux mythologiques furent assignés aussi aux étoiles fixes avant de l'être aux planètes ! Les planètes n'ont pas toujours eu le monopole des correspondances mythologiques si parlantes à nos esprits écoliers.

A partir de ces quelques notations, reprenons, à présent, la question des familles célestes.

I — L'astrologie soli-lunaire et les étoiles fixes.

Il a existé une astrologie – on emploie ici le terme au sens d'une astrologie parmi d'autres – s'articulant  autour des rencontres Soleil-Lune et prenant en compte les étoles situées en arrière-plan. Il faut la relier au calendrier, qu'elle soit lunaire ou soli-lunaire: dans un cas, elle ne tient pas compte des saisons et dans l'autre, elle se cale sur elles. On l'a dit, les étoiles fixes associées aux dieux fournissaient des éléments d'interprétation. Par la suite, une simplification interviendra et chaque mois lunaire sera associé à un dieu (domicile) ou à plusieurs (décans, termes), sur la base de divisions plus ou moins fines mais qui codifieront le système évitant ainsi d'avoir à observer le ciel en dehors des nouvelles lune, puisque l'on passait ensuite à une représentation plus abstraite des étapes se succédant d'une nouvelle lune à l'autre.

Cette astrologie là allait à un certain moment fusionner avec une autre que nous allons décrire ci-dessous.

II Planètes supérieures et zodiaque

Le dispositif des exaltations concerne à l'origine exclusivement les luminaires et les trois planètes supérieures. On note en effet que si la nouvelle lune occupe les signes du bélier et du taureau, Mars est en carré avec le bélier, en capricorne, Jupiter également, à partir du cancer et Saturne à son opposition, en balance. Les exaltations de Mercure et de Vénus, planètes dites inférieures, respectivement en vierge et en poissons, ont été rajoutées par la suite et d'ailleurs Mercure ne peut pas astronomiquement être opposé à Vénus !

On peut considérer que ces trois astres au cycle supérieur à l'année ne correspondaient pas aux signes zodiacaux mais plutôt aux saisons, soit trois signes, à la différence des domiciles et ce n'est que par assimilation que l'on a fini par considérer les exaltations comme un système faisant en quelque sorte double emploi avec celui des domiciles.

Cela dit, les deux systèmes sont bel et bien jumeaux, l'un organisé autour de l'axe des solstices (cancer-lion) et l'autre de l'axe des équinoxes (bélier-taureau), donc en quadrature avec le premier.

Le nom même des signes zodiacaux pourrait d'ailleurs être directement inspiré des domiciles et on y retrouverait les allégories des dieux correspondants à chaque secteur. Mais par la suite, la symbolique des signes zodiacaux s'est détachée de celle des planètes qui lui avait donné naissance.

Nous avons dit que tous ces dispositifs de correspondance ente les signes ou parties de signes et les planètes étaient dérivés d'un système stellaire, sans rapport avec la position réelle des planètes mais ayant également porté le nom de dieux et de déesses. Le zodiaque, tel que nous le connaissons, représente en fait la sphère des fixes, dans le couloir traversé par le soleil, la lune, Mercure et Vénus.

En revanche, en ce qui concerne les planètes réelles Mars, Jupiter et Saturne, ce sont leurs aspects à certaines étoiles fixes qui intéressaient les astrologues et notamment l'axe Aldébaran/Antarés, deux étoiles qui se font vis à vis, et que l'on situe, conventionnellement, dans les constellations du Taureau et du Scorpion, mais il s'agit là d'un repérage zodiacal tardif.

III — Planètes trans-saturnienes et étoiles fixes

L'importance de la dialectique planètes/étoiles fixes est très peu présente en astrologie moderne, et notamment depuis que l'on est passé du géocentrisme à l'héliocentrisme; par la suite, les fixes ont été en quelque sorte remplacés par les planètes trans-saturniennes, à partir du XIXe siècle. Ces trans-saturniennes ont fini par être placées, elles aussi, au sein des domiciles et des exaltations. Mais ce faisant, on a cassé – en délogeant certaines planètes occupant deux signes – la symétrie des domiciles, qui était liée à une analogie avec le cycle soli-lunaire, le premier et le dernier quartier étant semblables.

 

Avec les trans-saturniennes, il y a revalorisation des aspects, ce qui correspond à un retour à des pratiques très anciennes. Mais force est de constater que les dates fournies par ces aspects entre planètes ne sont pas les mêmes que celles qui concernent les aspects entre planètes et étoiles fixes. On a donc là deux astrologies distinctes en ce qui concerne le découpage chronologique.

Au lieu d'envisager le cycle d'une planète par rapport à une fixe, on tend donc à étudier des combinaisons planétaires, ce qui empêche, en quelque sorte, d'étudier chaque planète séparément. On pourrait dire que l'étoile fixe est le facteur féminin et la planète, le facteur masculin. L'absence des fixes empêcherait de former un couple dominé par une planète et produirait un couple à deux planètes, ce qui tend à brouiller l'analyse. Si les trans-saturniennes ne portaient pas de noms – celui que les astronomes ont bien voulu leur attribuer et qui étaient d'ailleurs autrefois affectés à certaines étoiles fixes – elles seraient davantage complémentaires avec les planètes supérieures.

IV — Constat de syncrétisme

L'astrologie, telle qu'elle est actuellement pratiquée, serait donc la résultante de plusieurs savoirs, tous relatifs au ciel mais décalés dans le temps et dans l'espace: planètes anciennement et nouvellement connues, référentiels stellaire et saisonnier, luminaire et planètes. Est-ce que l'unité du champ astronomique justifie de mêler les différentes structures de l'astrologie ?

Si l'astrologie est liée à l'astronomie, il n'en reste pas moins que bien souvent elle recourt à une terminologie planétaire ne correspondant à aucune présence réelle d'un astre, à un moment donné. En ce sens, l'astrologie se met en délicatesse avec l'astronomie, en ce qu'elle met en œuvre une pseudo-astronomie que condamnait Ptolémée mais qui n'est nullement absente du Tétrabible.

C'est ainsi que le nom de Ptolémée en est arrivé à justifier une astronomie fictive et encore en 1897, un Fomalhaut, dans son Manuel d'astrologie sphérique et judiciaire, se servira du nom de l'astronome d'Alexandrie pour justifier les décans et les termes !

Que l'astrologie ait toute légitimité à attribuer aux astres les significations de son choix est une chose, qu'elle choisisse les astres dont elle souhaite se servir, certes; qu'elle appelle les astres à sa guise, pourquoi pas mais qu'elle annonce la présence d'un astre là où il ne se trouve pas n'est pas justifiable.

V — Aspects et signes

Faut-il abandonner le zodiaque à 12 signes dès lors qu'il n'est pas astronomiquement parlant fondé sur un quelconque phénomène astronomique, sauf à considérer comme tel le passage d'un signe à un autre ?

Or, on ne saurait considérer comme « astronomique », un signe zodiacal abstrait, dont le commencement et la fin sont purement conventionnels, quand bien même serait-ce une pratique des astronomes qui, eux aussi, ont parfois besoin de repères arbitraires.

Il semble préférable de raisonner sur la base des aspects plutôt que sur celle des signes et on voit mal les raisons qui conduisent certains à s'accrocher à des subdivisions arbitraires d'un écliptique dont le point de départ est lui-même en question.

Ne serait-il pas plus simple de choisir certains points fixes et d'étudier les aspects de chaque astre par rapport à eux, comme le faisaient les Anciens ? Le fait d'ailleurs que les aspects soient des multiples de 30° tendrait à montrer qu'ils peuvent fort bien constituer un découpage commode des cycles planétaires. Utiliser conjointement aspects et signes apparaît donc comme redondant , d'autant comme on l'a dit que les signes sont liés aux correspondances planétaires, ce qui vient encore complexifier l'analyse de la configuration: au lieu d'avoir une planète en aspect avec une étoile fixe repère, on a une planète associée à une autre planète voire, symboliquement à une troisième ou une quatrième, représentée(s) par les signes où ces astres se trouvent, par le jeu des maîtrises.

VI — Maisons et signes

Il convient d'ajouter à ce panorama la question des maisons souvent mises en analogie symbolique avec les signes. Or, initialement, la signification des maisons n'avait rien à voir avec celle des signes. On a dit que l'ascendant était d'origine stellaire. C'est à partir de ce point que sont mises en place les maisons.

On tient compte de la situation des astres par rapport au lieu de naissance. En fait, les maisons sont la structure de base du thème natal alors que les signes, initialement liés aux phases de la Lune, servent surtout à baliser le cycle des planètes. Il est donc syncrétique de les combiner dans ce cadre généthliaque.

Les maisons ont, au demeurant, une symbolique qui leur est propre mais étrangement elles ne portent plus de nom ni de figure spécifiques, à la différence des signes. Or, dans le passé, elles en étaient pourvues. On ne leur accorde plus qu'un chiffre romain.

A cause du rapprochement maisons/signes, on est arrivé à des aberrations: les maisons de la mort (VIII), des voyages au loin (IX), des enfermements (XII) sont situés au dessus de l'horizon, ce qui correspond aux astres visibles au moment de la naissance. A contrario, les maisons correspondant à la proximité, aux êtres que l'on voit fréquemment, sont placées sous l'horizon, ce qui correspond à des valeurs nocturnes. Cette dialectique du diurne et du nocturne est au cœur de la pensée astrologique, encore convint-il de la situer à bon escient.

VII — La difficulté des positions systémiques

Ceux qui veulent nous persuader que l'astrologie se développe selon une logique imparable, que tout y fait parfaitement sens, que chaque chose est à sa place,  n'encouragent guère à procéder à un tel examen.

Pour notre part, nous pensons que l'astrologie soli-lunaire de type zodiacal n'a d'intérêt qu'agricole, elle concerne deux astres exerçant une action physique et non proprement astrologique.

En ce qui concerne l’astrologie généthliaque, c'est celle qu'a étudiée Gauquelin, elle est liée au mouvement diurne et n'implique pas de se référer au zodiaque.

Quant à l'astrologie des trans-saturniennes, elle ne nous semble pas utile, dès lors que l'on se sert des étoile fixes et que l'on s'efforce d'étudier chaque planète pour elle-même.

Reste en complément d'une astrologie généthliaque exhumée par Gauquelin une astrologie prévisionnelle agencée autour de certaines étoiles fixes – Aldébaran/ Antarés – et des aspect d'un petit groupe de planètes supérieures – Mars, Jupiter et Saturne – elle suffit au niveau prévisionnel, notamment sur le plan mondial et collectif dont on apprécie aujourd'hui l'importance au regard d'une histoire qui se voudrait individuelle. Mais plus que les conjonctions entre ces planètes – y compris dans le cas de la célèbre conjonction Jupiter/Saturne – il nous semble plus heureux d'étudier les aspects que chacune entretient avec telle ou telle étoile fixe.

À partir de ces astrologies apparemment réduites à un simple canevas, rien n'empêche qui que ce soit d'introduire des subdivisions de son choix, pour affiner le modèle. Mais mieux vaut, en effet, revenir à une base simple, à des axes bien repérables, pour ensuite nuancer que d'accepter en vrac tout un ensemble de techniques dont on ignore le plus souvent les fondements.

 

J. H.

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