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Prisons de papier

mercredi 5 juillet 2017, par Khagan Victor

Tu as tant donn�, de tout ton coeur et de toute ton �me, d�s les premiers jours de ton enfance, sans compter,[...]
Les b�b�s, les enfants pr�pub�res, mangent dans la main de leurs tuteurs et nourrissent leur psychisme de l’amour des g�niteurs. Et cela, quelle que soit la qualit� de la nourriture et la qualit� de cet amour...�


Tu as tant donn�, de tout ton cœur et de toute ton �me, d�s les premiers jours de ton enfance, sans compter, sans jamais compter ni calculer ou escompter sur cet amour jaillissant de la moindre de tes fibres�: tu as aim� ces adultes qui r�gissaient ta destin�e avec plus ou moins d’empathie pour l’enfant vuln�rable et en d�pendance totale, telle que la nature l’a con�ue.


Ces adultes, une ��soci�t� de personnes � responsabilit� limit�e��, ne t’ont pas aim�e assez pour tout t’offrir�: je parle d’amour, je parle des chances d’�panouissement… Ils ont fait de toi une enfant parentalis�e alors que tu baignais dans l’innocence la plus pure, alors que tu ne savais encore rien du Monde ni de la Vie, si forte et si terrible.
Sans r�fl�chir et sans pouvoir le faire encore, tu as accept� si t�t de devenir ��responsable��, parce qu’ils t’avaient d�j� rel�gu�e au second rang�: celui du subordonn�.


Les b�b�s, les enfants pr�pub�res, mangent dans la main de leurs tuteurs et nourrissent leur psychisme de l’amour des g�niteurs. Et cela, quelle que soit la qualit� de la nourriture et la qualit� de cet amour…�
Ils le font sans calcul ni rancœur ni amertume. Cela ne les emp�che pas de souffrir ou d’en �tre malades, de contracter parfois des probl�mes psychiques, animiques si tu pr�f�res ce mot, et d’en mourir m�me�!


En grandissant ��en �ge et en sagesse�� dans un entourage vampirique, tu as continu� � donner sans r�serve, d�j� enferm�e dans ce r�le qui t’�tait attribu� ��contre nature���: as-tu seulement pens� qu’il p�t en �tre autrement�? Quelles comparaisons auraient-elles pu te faire constater d’autres options�: on t’avertissait sur les comportements d’autres enfants qui se tenaient mal, qui n’�taient pas gentils, ��pas sages��…


Une enfant parentalis�e est une enfant sacrifi�e, utilis�e. On invoque la discipline, la formation, l’�ducation et le culte de la personnalit� g�nitrice. Il s’agit de pr�senter � la soci�t� ��une enfant bien �lev�e�� voire d�ment dress�e. Et toi, tu te nourrissais de la fiert� d’�tre devenue cette enfant-l�. Tu n’aurais pas eu d’autre reconnaissance�: celle de l’amour sans faille d’une maman et d’un papa aimants, celle des caresses de leur tendresse, celle de leurs baisers qui apaisent, qui apportent l’assurance de soi, de la confiance en l’autre, celle d’appartenir, en faisant partie int�grante d’une famille.


Tu devenais, sans le savoir, un bon petit soldat sur lequel les adultes pouvaient compter. Tu ne sentais pas encore tes difficult�s de communication avec les autres petits enfants. Tu vivais dans un cercle familial ferm�, voire renferm�. L’ouverture au Monde, dans les familles dysfonctionnelles, est r�duite au minimum. Elles �vitent soigneusement les regards et les partages (officiellement, ��le qu’en dira-t-on��). Toi, tu construisais ta personnalit� sur ta responsabilit�, comme le levier ou le canal de communication susceptible de fixer cette soif naturelle d’amour qui te faisait grandir entre les humains, ��les tiens��.


Plus tard, tu allais r�p�ter ce scenario, si bien appris dans une enfance si bien dress�e. Ton principal int�r�t ne serait jamais de devenir autonome ou de r�aliser des aptitudes qui t’apporteraient cette autonomie car ce n’�tait pas le but de tes �ducateurs, quels qu’ils soient. Ils ne cherchaient pas ton bonheur de femme libre�: ils ne d�siraient pas te lancer dans le Monde pour que tu y prennes ta place dans la Soci�t�. Ils voulaient que tu restes ��leur enfant devenue grande�� mais li�e � la patte, sous tutelle pour toujours avant de devenir, en fin de compte, ��leur b�ton de vieillesse��.


Comme souvent, dans ces ��formes de vie traditionnelles��, leur appropriation de toi-m�me avait effac� les limites, des fronti�res que ton petit cœur, pr�t � tout donner dans sa d�pendance affective, n’aurait probablement pas jug�es n�cessaires. Ces limites identitaires sont des portes ouvertes � la libert�... et la libert� d’�tre soi-m�me est annonc�e comme un danger, dans ces familles-l�.


Sans limites, point de respect. Aujourd’hui, tu le sais.


Enfin, tu le sens confus�ment. Car tu as chang�. Il y a en toi ce r�gne des peurs, cette obsession pour le c�t� obscur des gens. Tu as souffert mais tu ignores l’�tendue de tes souffrances, la mesure du tort qui t’a �t� fait. Dans une sorte de brouillard dont tu ignores tout, tu as perdu l’ing�nuit� des confiances ��sans limites�� envers ��les autres��.
Ton cœur, form� � tout donner, continue � vivre d’altruisme, un altruisme excessif puisqu’il ne t’a jamais permis de d�finir tes choix personnels par une �coute ���go�ste�� qui t’aurait permise une coh�rence solide avec toi-m�me. Tu vis un malaise ind�finissable qui te rend souvent triste et nostalgique. Tu t’en prends parfois aux autres, tr�s critique, car la m�fiance s’est empar�e de toi et… tu restes seule. Heureusement, penses-tu, il y a ces enfants qui permettent � ton cœur �perdu de vibrer. Tu es, avec elles et eux, fusionnelle. On te le reproche et tu te sens bafou�e.


Tu as, en r�alit�, subi des agressions qui t’ont bafou�e. C’�tait ��dans les limites effac�es���: alors, tu n’as pas r�sist� et tu ne t’es pas plainte. De quoi, d’ailleurs, puisque tu n’avais pas la connaissance des concepts qui t’auraient permis de t’exprimer. Tu ignorais, tout autant, que ton corps n’appartenait qu’� toi et que ce beau corps a des contours qui, justement, sont des limites et des fronti�res. Te souviens-tu encore seulement d’avoir eu mal�? Le d�ni occulte s�lectivement les souvenirs.


Pourtant, une r�bellion a surgi en toi, bien des ann�es plus tard�: � l’�ge de vingt ans, tu as fait ��des caprices d’adolescente��, selon les �chos familiaux. ��Elle cherche � s’affirmer��, a-t-on dit. Ils ont un peu l�ch� la bride mais ils ont commenc� � te faire des reproches. Tu ne t’es pas souvenue non plus d’avoir �t� maltrait�e syst�matiquement apr�s la mort de ce petit fr�re disparu�: l�, on t’avait carr�ment reproch� d’�tre m�me… en vie�!


Mais les g�niteurs sont des dieux et le d�ni protecteur avait interdit � ta conscience de cerner cet incroyable proc�s fait � l’enfant innocente qui, en toi aujourd’hui, cherche encore � se lib�rer d’un v�ritable carcan qui te supplicie depuis si longtemps.�
Cet infernal d�ni qui a d�truit ta force vitale de l’�me, je cherche � t’en lib�rer. Mais les injonctions parentales sont si fortes… Elles ressemblent � ces mandats divins invent�s pour assujettir les peuples, elles en ont la m�me force et peuvent se prolonger jusque tard dans l’�ge avanc� d’une personne si t�t manipul�e.


Souvent, les g�niteurs (donc parfois aussi les m�res) deviennent d’authentiques vampires. Trop souvent, plongeant dans la barbarie cannibale, d�vorant leurs enfants, comme le dieu Cronos de la mythologie, ils s’imposent, tels ces dieux factices � leur image, craints dans les bibles de toutes les religions, qui ruinent l’existence de leur peuple, qui condamnent des enfants � une recherche de la mort ou du supplice purificateur. La violence distill�e se retourne alors contre soi�: masochiste dans l’injonction de la punition, de l’auto-flagellation, rappel d’un don de la vie qui pourrait toujours �tre repris�!...


Puis, un jour, toi qui as tant donn�, tu avais cherch� � pouvoir compter sur les autres. Car un vertige �tait venu te d�stabiliser. Alors, tu avais esp�r� pouvoir t’appuyer sur une �paule forte. Tu pensais na�vement que, ayant autant pay� de ta personne, tu aurais droit � un retour. H�las, les appuis pr�vus se sont d�rob�s. Les parents et les proches t’ont � nouveau attaqu�e pour non conformisme…


Ta surprise fut profonde et ta d�ception abyssale. Il te semblait juste que la soci�t� se montre � la hauteur, en te soutenant de la m�me altruiste g�n�rosit�. Tu t’apercevras peu � peu qu’elle avait fabriqu� ce mythe pour mieux exploiter les bonnes volont�s et pour recruter de petits soldats comme toi.�
Devant, derri�re, � gauche, � droite… personne�! Sauf les regards vides de passants indiff�rents�: oui, l’indiff�rence tue. Et la d�pression s’est empar�e de toi comme d’un alien qui te bouffait les visc�res. Le constat a �t� trop brutal. Intuitivement, as-tu saisi la mesure de l’escroquerie�?


Les �tres humains qui ne croient pas ou plus en l’Amour, qui d�cident ne pas lui m�nager la place qu’il requiert (ou le remplacent par l’adoration d’un dieu), sont accul�s � ��consommer de l’humain��. Cet �tat psychique peut �tre temporaire mais, lorsqu’il est apparu t�t ou qu’il se prolonge excessivement, il entra�ne l’installation de ce processus de manipulation perverse. Voire, plus gravement criminel, celui de l’exploitation ��de l’homme par l’homme�� ou du trafic d’�tres humains, situations sur lesquelles tu ouvres maintenant les yeux.


Lorsqu’on dit que l’amour sauve, il ne s’agit pas simplement d’une r�flexion anodine. Vivre sans amour n’est pas seulement mauvais pour la sant�, il l’est davantage encore pour le psychisme, et le m�tabolisme se d�r�gle.


Ta vie animique et psychique est �touff�e par ces peurs enfantines dont je voudrais te soulager. Tu crains d’en ouvrir la porte � tout nouvel intrus vers qui ton instinct te pousse n�anmoins. Tes blessures enfouies agissent comme un prisme � travers lequel tu vois en tout porteur d’amour un porteur de pouvoirs diaboliques.


D�j�, l’enfant manipul�e qui t’habite, t’a men�e (sur une recommandation familiale�!) vers l’un de ces vampires �motionnels qui ��se vengeait sur tes enfants��. Les col�res qui te hantent depuis, ne retrouvent pas leurs cibles originales. Et, de plus, tu soumets tes proches � la m�me tension psychologique dont tu as �t� si t�t harcel�e. Tu tends � r�pandre, alentour, ce script qui t’a men�e au carcan.


Tu es inqui�te. Tu cherches � dissimuler ces angoisses profondes qui t’accompagnent et sur lesquelles tu ironises. Puis, tu r�ves d’un tunnel lumineux qui d�boucherait sur une vaste plaine fertile et color�e de millions de fleurs. Mais ce tunnel cr�e de l’appr�hension. Il n’est toutefois qu’un symbole envoy� par l’inconscient�: celui du passage, celui du retour vers ton enfance. L� o� tous ces cauchemars restent prisonniers du temps et de ces fameuses injonctions parentales.


Si tes g�niteurs pouvaient concevoir la port�e de leur conditionnement criminel, s’ils avaient le courage d’ouvrir les yeux sur leurs fautes, ils s’agenouilleraient devant toi. Peut-�tre ont-ils parfois le lointain fantasme d’oser avouer�? Mais ils te craignent d�j�. C’est � toi qu’il appartient d’oser la parole, � toi de puiser quelque part le courage de te dresser contre ce mur, en apparence insurmontable.


Car cette muraille qui p�se sur ton existence et qui massacre tes options de bonheur, elle n’est en fait qu’une l�g�re paroi de papier. Je te le d�montre quand tu voudras. Tu n’as rien � craindre hormis l’appr�hension, r�sultant de tant d’ann�es de culpabilisation forc�e et de menaces despotiques.
Permets-moi de te guider sur les chemins de la Libert�, sur ��Les Chemins de l’Aurore���: la cage dans laquelle tu as grandi et souffert, poss�de en effet une issue, une porte dont la cl� est � l’int�rieur�!! Tu ne pouvais l’atteindre, comme Alice ��au pays des merveilles�� � qui on avait �galement fait croire que ses seules chances de salut consistaient dans le conformisme moral…


L’espace d’un instant, anime ton imaginaire�: comme tu as pu converser avec ce petit fr�re disparu, retrouve aussi ces parents si respect�s et ose ENFIN leur crier ces reproches l�gitimes qu’ils avaient, tyranniquement, condamn�s � mort de la vie…


Apporte ��la r�surrection�� � ces �motions vitales que des �ducateurs malhonn�tes pensaient pouvoir �touffer de leur toute puissance. De fait, ils les ont �touff�es… en toi. Mais elles n’ont jamais disparu. Ouvre-leur, � elles aussi, la porte de leur cage…


Ton ami, Victor Khagan. 27.06.2017