Il y a quelque chose de gênant dans le déchaînement actuel des passions ! Le procès Maurice Papon a le mérite de révéler combien les politiques sont jaloux de leurs privilèges et soucieux de préserver leur propre écriture de l'histoire, celle qui, finalement, protège le plus leur caste. Les chantres du gaullisme montent au créneau... Et pendant ce temps, quand notre petite province nationale se déchire sur son éventuelle responsabilité durant l'occupation, que se passe-t-il dans le monde? À peu près rien ! N'est-ce pas ? Rien, horizon vide, désespérément vide ! On apprend bien sûr que tout ne fut pas si limpide durant la guerre, avec d'un côté quelques mauvais et de l'autre 40 millions de bons et loyaux français. Selon toute vraisemblance, les méchants avaient même réussi à s'infiltrer parmi les bons. Que cette vision romantique de l'histoire de France ait trouvé sa justification parce qu'il fallait rebâtir une France, pas si victorieuse que cela, soit ! Mais, franchement, croit-on que l'on pourra ainsi forger des idéaux pour la génération des 15-20 ? Dans 3 ans ils votent ! Sur quoi grand dieu ? Sur des mythologies, pour entretenir des reliques de éros ou pour poser un regard conscient sur des faits avérés ? On nous dit qu'il faut préparer des lieux de mémoire. Ok ! Mais lesquels ? Des lieux à ailes variables, dont le contenu subirait les fluctuations des impératifs nationaux ou des lieux dans lesquels la conscience collective trouverait enfin le moyen de se confronter à elle-même, avec lucidité ? Question à poser aux politiques, mais pas seulement, aux historiens, aux scientifiques, aux intellectuels, vous savez, ceux qui font la Culture : "Sommes-nous adultes ? Messieurs et mesdames, décideur/es de toute sorte, quelle opinion avez-vous de vos concitoyen/nes ? Nous avons très nettement l'impression que vous nous prenez pour un sous-genre de l'humanité, des habitants d'un royaume où vous seriez les princes. Vous fonctionnez en quelque sorte selon un vision très archaïque de la hiérarchie de votre société. Il y a ceux qui pensent, vous, et ceux qui ont besoin d'un guide, d'une voix. N'est-ce pas ? Le peuple n'est-il pas sot ?" L'Histoire nous démontre que la supercherie a fonctionné longtemps mais il arrive un moment où il conviendrait de cesser avec ces archaïsmes. Tant qu'un point de vue va dans le sens de l'Histoire, la cohérence est vécue à tous les étages d'un groupe social mais dès qu'une falsification des événements, entretenue sous quelque prétexte que ce soit, plonge le peuple dans l'indignité, voilà que surgissent des courants de révolte et de recours à la dignité. Oui mesdames et messieurs, le peuple a besoin que vous le considériez dans sa dignité et non selon vos puissants désirs de pouvoir. De quoi s'agit-il au fait? Dignité d'un peuple ? C'est quoi au juste ? Hé bien si nous prenons un exemple simple, nous pouvons donner une sorte de représentation de ce que cela veut dire. Voyons ? Si nous parlons du procès Papon, nous prenons en compte la manifestation des Algériens, organisée dans le premier temps de ce procès devant le Palais de Justice. Référence à la répression sanglante d'une autre manifestation d'Algériens à Paris en octobre 1961. Maurice Papon, préfet de police ! 1961, des années cruelles pour la France, menacée dans sa cohésion, une sale guerre en Algérie, le FLN qui collecte des fonds parmi la communauté algérienne de Paris et partout en France. L'O.A.S. devient un danger puissant. Une menace grave pèse sur la Nation, pas sur le peuple, non ! sur la Nation. Très gaullien tout cela! Et Papon en digne serviteur de l'État, fin connaisseur des méthodes gaulliennes, notamment celles des barbouzes, du terrorisme d'État, y va de sa fidélité au chef de l'État. Et il réprime! L'important c'est la cohésion nationale. C'est ce qu'il dit à son procès. Écoutez le et apprenez! Mais de qui tient-il ses mandats, ses permissions ? Non je ne cherche pas à défendre Papon. Mais j'ai gardé un certain sens de la justice... et je ne suis pas le seul ! Qui signe le décret de nomination du Préfet de Police de Paris ? La dignité d'un peuple, dans ce cas, c'est le moyen da sa clairvoyance, la levée de certains tabous, le voile de certains silences de la République jeté à terre... Merde ! Combien de temps encore faudra-t-il boire cette sauce empoisonnée ? Un président au-dessus de tout et un bon peuple qui suit, qui adule un si puissant chef charismatique... Pour qui prend-t-on nos enfants ? Quand ils en apprennent chaque jour un peu plus des méthodes gaulliennes d'élimination des opposants. Le rapt, l'attentat, les éliminations physiques en terre étrangère, les détournements d'avion et combien d'autres choses encore. De Gaulle a inventé les méthodes terroristes que reprendront après lui Arafat, Khomeini, et tant d'autres encore, toujours pour leur cause, juste et bonne. Ce ne sont pas nos historiens qui préparent les manuels scolaires qui contribuent à cet éclairage, ce sont les étrangers qui nous l'apprennent. Kadhafi est un enfant de chœur à côté de de Gaule. Il a tout appris de lui, l'hypocrisie, la manipulation politique, le terrorisme d'État qui abrite son crime sous les fards d'une grande cause, l'appel aux nécessités nationales comme recours suprême et transcendant... Finalement l'État français aime encore ces fidèles serviteurs, qui s'aveuglent pour assurer la pérennité du territoire, de la Nation. Dès la Libération, cela est devenu une doctrine d'action, dans le silence, hors du couvert médiatique, loin du regard des journalistes. Cessons en bon provinciaux du monde de pleurer sur la pseudo choésion de notre Nation. Il y a tant à faire avec la mémoire de nos pays. J'ai lu quelque part dans Le Monde du 22/10/1997: "Une civilisation trop peu oublieuse ne crée plus et risque de perdre, par hypertrophie de mémoire et envahissement de l'histoire, ses forces vives." C'est un peu compliqué mais on peut traduire et comprendre que le regard sur le passé doit se détourner un jour des sombres coins de l'Histoire pour se plonger vers l'horizon de l'avenir. Mais on sait aussi que la justice doit passer, pour préparer la venue du pardon. Papon n'est pas un bouc émissaire mais il ressemble vaguement à la quarante millionième partie du peuple français de cette époque. Il ne tenait pas ses pouvoirs d'une puissance divine! Oublier ? Non ! Pardonner ? Pas à n'importe quel prix ! Si la justice doit passer sereine ! Disons alors que rien ne prépare cette sérénité. Pendant ce temps, l'Euro arrive, notre siècle se termine et il aura entre autres privilèges celui d'avoir connu le plus grand nombre de morts de l'Histoire ! Il 'L Baz, Octobre 1997 |
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