Ce cher Lib�ration, dans son �dition du lundi 12 janvier 1998, titre : "Strasbourg, retour sur une situation de m�dia-violence". Le discours est extr�mement simple comme le sont tous les �crits tendancieux. Selon les auteurs de ce dossier, les m�dias auraient souffl� sur les incendies. Un savant vient m�me � la rescousse pour affirmer: "Les m�dias ne sont pas seulement rapporteurs d'�v�nements, mais aussi copartenaires. Je ne dis pas qu'ils inventent mais ils amplifient."
On est constern� devant une telle affirmation qui s'abrite derri�re la sanction infaillible des statistiques-�tudes-enqu�tes-au-dessus-de-tout-soup�on. La science au service d'une rumeur !
Quand il s'est agi de dire � coup s�r que certaines races �taient inf�rieures � � la fin du si�cle dernier � il y eut des anthropologues tr�s savants pour appuyer une telle
infamie. Quand, au 15e si�cle, en France, on pr�tendit que les juifs empoisonnaient les puits, qu'ils sacrifiaient de jeunes enfants, il y eut tout ce que l'�poque comptait d'avis infaillibles pour affirmer que cela �tait une v�rit� incontournable.
Jean Delumeau, dans son �tude, La peur en Occident (Grasset, coll. Pluriel), nous a d�montr� comment une rumeur ne pouvait avoir de prise que si elle s'abritait sous les traits d'une v�rit� universelle, gr�ce � la puissance d'emballement de quelques pr�dicateurs.
Nos savants jouent innocemment ce r�le, celui de pr�tres d�vou�s � une doctrine jug�e infaillible. C'est pourquoi tant de savants sont appel�s � se prononcer avec cette force que conf�re leur autorit�. Combien, le soir venu, s'interrogent sur les implications de leurs certitudes ?
Depuis qu'ils existent sous leur forme moderne, les m�dias sont pris pour cibles comme "copartenaires" des faits qu'ils relatent. Et ils se trouvent nombre de personnes pour donner cr�dit � une telle contre-v�rit� !
Bien s�r, on peut toujours dire que les journalistes cherchent l'information spectacle, qu'il faut une �thique de l'information qui inclut les nouveaux m�dias, t�l�vision, Internet, etc.
Bien s�r, quelques journalistes tendent � hurler avec les loups, ne rapportant que ce qui permet de mieux g�rer leur �conomie familiale...
On pourra, autant que l'on voudra, trouver des causes � cette inflation de d�raisons. Cependant la rumeur m�ne droit � une tentative de ma�trise, par une quelconque autorit�, de la profession de journaliste. Et au sein m�me de cette masse nomm�e "m�dia" on parvient � distinguer les journalistes parisiens, par rapport aux journalistes locaux; les m�dias t�l�vis�s, par rapport � la presse quotidienne et magazine, cens�e �tre plus pond�r�e; plus avis�e, plus sage.
Peu � peu, apr�s de multiples d�cantations, on constate que la t�l�vision est dans le collimateur de nos moralistes. C'est elle qui entra�ne tous les m�dias. En s'appuyant sur des �tudes incontestables, au d�tour d'un surcro�t de bonne conscience, quelques comptes se r�glent dans les coulisses de la presse... Le public est pris � t�moin et on lui fera tenir la banderille lorsque viendra le temps de l'abattage.
De m�me, dans quelques ann�es, on prendra conscience que l'on avait confondu �thique et moralisme, on prendra de nouveau le peuple � t�moin, le convainquant que lui seul s'�tait tromp�.
La marche aveugle des peurs contemporaines ira projeter ses folies sur d'autres victimes.
� l'aube du troisi�me mill�naire, les croisades ont pris d'autres apparences mais les illumin�s de l'an trois mille ressemblent � s'y m�prendre � ceux du
Moyen �ge.
Avons-nous tir� les le�ons de l'Histoire ?
Sommes plus sages et raisonnables que nos anc�tres ? Tout permet d'en douter et cela pose des probl�mes gigantesque sur les syst�mes de r�gulation de nos soci�t�s.
Mais � bien relire les r�cits de l'Histoire, une id�e nous vient soudain. Dans les coulisses, derri�re la rumeur qui persiste, il y a des personnages qui n'apparaissent qu'occasionnellement, qui se parent des vertus de l'innocence et du dogme, de la Science. Il ne manque jamais un devin-expert moderne pour nous servir la V�rit� de La D�esse. Solennelle, elle rend un verdict sur tout, servie par une kyrielle de pr�tres-experts d�vou�s qui rendent au peuple Sa Bonne Parole.
C'est donc elle qui nous affirma que le sida �tait une maladie impie v�hicul�e par les homosexuels, les drogu�s et les noirs. Elle qui claironna � grand bruit que la maladie de la vache folle n'�tait pas transmissible � l'Homme. Elle aussi, qui, dans les ann�es 50, nous promit un merveilleux eldorado dans des villes gigantesques transform�es en vastes g�tes d'accueil pour des population enfin heureuses gr�ce � l'�nergie nucl�aire, aux vertus de la voiture, etc.
Derri�re les oracles de la D�esse Science, il y a toujours un pr�dicateur-savant pour nous traduire La Loi !
Mais en quel si�cle sommes-nous ? Dites moi quand commencera le proc�s de la Science ?
Il 'L Baz � Paris le mardi 13 janvier 1998
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