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Faut-il cautionner l�incurie ?

Est-ce que telle communaut� juive/musulmane doit cautionner l�incurie de telle autre communaut� juive/musulmane�? C�est dans ces termes que, selon nous, il convient de poser le probl�me du conflit isra�lo-palestinien actuel..

La d�gradation des relations intercommunautaires dans un pays donn� doit-elle hypoth�quer les relations inter-communautaires dans un autre pays�?

Deux cas de figures se pr�sentent: celui d�une solidarit� militante mal venue entre deux communaut�s religieuses de m�me ob�dience et celui du devoir d�h�bergement de ressortissants d�une communaut� religieuse donn�e, dans un pays A, par une autre communaut� religieuse de m�me ob�dience, dans un pays B. Nous proposons d�utiliser d�sormais le terme d�Ob�dience pour d�signer une religion donn�e, le terme de communaut� religieuse ne faisant que d�signer une certaine structure organisationnelle. Il y aurait donc des communaut�s religieuses (CR) d�ob�dience islamique, juive, catholique etc. Il conviendrait de d�signer aussi de fa�on pr�cise les pays o� �voluent ces communaut�s religieuses, nous proposerons le terme entit�: entit� France, entit� Allemagne etc., d�signant l�espace g�ographique et historique o� se d�ploie la relation intercommunautaire �tudi�e. Il est clair que l�absence de terminologie ne peut/pourrait que contribuer � la confusion du d�bat.

I � Plus de cent ans de cohabitation jud�o-musulmane

Dans le premier cas, on pense �videmment � la situation cr��e au Proche Orient par plus de cent ans de cohabitation jud�o-musulmane, depuis les colonies juives mises en place � la fin du XIXe si�cle, bien avant la D�claration Balfour de 1917 o� le gouvernement anglais promettait l�instauration d�un/du Foyer Juif dans le cadre de l�entit� Palestine, jusqu�� l�intifada d�El Aqsa du d�but des ann�es 2000, la cr�ation, par partition de droit et de fait, de l�Etat d'Isra�l (1947-1948)on ne saurait l�oublier � sanctionnant d�j� un �chec des relations intercommunautaires sous le mandat � la houlette � des Anglais et n��tant nullement un point de d�part.

Mais on pourrait prendre le cas de chaque communaut� religieuse juive, par exemple, tant en Russie qu�en Allemagne et retracer les relations intercommunautaires qui furent les siennes tout au long de son Histoire, au sein d�un espace g�ographique donn�, de ce que nous avons appel� une entit�.. Et bien entendu, il conviendrait alors d��tudier quelle attitude les autres communaut�s religieuses, au sein d�un pays donn�, entretinrent avec la communaut� religieuse d�ob�dience juive.

Faudrait-il donc que les CR de l�entit� France soient solidaires des probl�mes accumul�es, depuis des d�cennies, par les CR de l�entit� Palestine�? Il est vrai qu'Isra�l ou plus exactement la CR d�ob�dience juive au sein de la dite entit�, de par la Loi du Retour, affirme sa solidarit� et son devoir d�accueil des CR issues de la totalit� des entit�s dans le monde o� existe une CR d�ob�dience juive. On n�imagine pas Isra�l d�clarer qu�elle ne prendra pas de juifs issus de la CR de telle entit� parce que celle-ci a accumul� les fautes quant aux relations avec les CR d�autres ob�diences. Et de fait, c�est probablement la vocation de l�Etat d'Isra�l de solder ainsi les �checs des Crs juives de par le monde, mission qui ne vient probablement pas faciliter sur place la relation intercommunautaire, avec les CR d�ob�dience musulmane notamment, du fait m�me de la complexit� des relations intra-communautaires, du fait de l�h�t�rog�n�it� de ses composantes.

Cependant, du fait m�me que la CR d�ob�dience juive, en Isra�l, b�n�ficie de structures �tatiques, elle a des moyens de r�gulation que ne poss�dent pas les autres CR d�ob�dience juive au sein d�autres entit�s. Mais, en m�me temps, est-il normal que le gouvernement d�une entit� se confonde avec les int�r�ts d�une CR particuli�re�?. Il serait souhaitable que l�on distingu�t gouvernement d�entit� et direction de CR, �tant entendu, en effet, que le gouvernement d�une entit� doit prendre en compte les diff�rentes CR, � moins qu�il n�y ait qu�une et quand bien m�me n�y en aurait-il qu�une, ce qui est dans l�absolu quasiment impossible.

Le probl�me se complique donc: quand une CR est en crise, cela peut venir de trois facteurs: une attitude malheureuse de la dite CR envers une ou plusieurs autres CR, mais aussi � l��gard de l�entit� englobante, une attitude hostile de la part d�autres CR au sein de le m�me entit�, et enfin une attitude f�cheuse de l�entit� envers la CR consid�r�e mais aussi envers d�autres Crs voire envers l�ensemble des Crs situ�es dans son espace.

On con�oit donc que tant que l�on n�a pas formalis�, mod�lis�, les situations ainsi d�crites, on ne se donne pas les moyens d�une analyse rigoureuse.

En ce qui concerne la situation au sein de l�entit� Isra�l, en voie de (nouvelle) partition (apr�s la premi�re partition de 1948 annul�e par les effets de la Guerre des Six Jours, encore une fois, l�histoire b�gaie, cf. notre �ditorial sur le choc des mythologies), l�absence de distinction bien tranch�e entre CR juive et entit� Isra�l explique probablement ce qui s�est pass�, la CR musulmane n�ayant pu que se sentir brim�e par une entit� trop ax�e sur la CR d�ob�dience juive. Mais il ne faudrait pas caricaturer et tout mettre sur le compte de l�incurie du/des gouvernement(s) successifs de l�entit� Isra�l, qui a tout de m�me � et ce en d�pit du poids disproportionn� des partis religieux � la Knesset (le Parlement isra�lien), lors de la formation de majorit�s � respect� un certain �quilibre et n�oublions surtout pas les responsabilit�s, assez �crasantes, des Britanniques quand il leur revenait de gouverner l�entit� Palestine, � partir des ann�es 1920, dans le cadre d�un mandat de la Soci�t� des Nations (SDN).

On ne saurait cependant n�gliger l�attitude sp�cifique de la CR d�ob�dience juive face � la CR d�ob�dience musulmane, au sein de cette entit�. Et cela concerne plus les relations interpersonnelles. On sait que dans certaines villes, comme Haifa, les relations entre ces deux CR �taient/sont encore (�?) relativement bonnes, ce qui �tait loin d��tre cas � J�rusalem, pour des raisons dues en partie au fait que les deux Crs furent jusqu�en 1967 s�par�es par la fronti�re isra�lo-jordanienne. Mais depuis 35 ans que cette fronti�re n�existe plus qu�y a-t-il eu de fait�? Au lendemain de la Guerre des Six Jours, les isra�liens juifs se promenaient sereinement dans la vieille ville arabe, depuis des ann�es, ils n�y vont plus, il y a eu manifestement d�gradation des relations. On voit que ces questions l� peuvent se jouer ville par ville et non pas seulement, bloc � bloc, de CR � CR au sein d�une entit�.

Mais du c�t� musulman comment les arabes isra�liens ont-ils g�r� leur relation, au sein d�une CR agrandie, avec l�afflux issu de la Guerre des Six Jours et de l�occupation de territoires qui �taient devenus jordaniens depuis 1948�?

II � Le devoir d�h�bergement

L�autre cas de figure est, en effet, celui du devoir d�h�bergement par une CR donn�e au sein d�une entit� donn�e de ressortissants d�une CR de m�me ob�dience issus d�une autre entit�.

Prenons le cas de la France. La CR d�ob�dience juive s�est confront�e massivement � un tel probl�me, elle a vu affluer, depuis le dernier tiers du XIXe si�cle, et notamment � partir des ann�es 1880, des juifs issus des entit�s les plus diverses et ce sans discontinuer jusque dans les ann�es 1960 (Allemagne, Autriche, (Pologne, Maghreb, Turquie, Egypte etc.).

A la diff�rence de ce qui se passa en Isra�l depuis l�Ind�pendance de 1948, la CR d�ob�dience juive en France ne se confond nullement avec le gouvernement de la dite entit�. On sait que la la�cit� y est de mise qui fonde pr�cis�ment la distinction entre entit� et Crs. D�une certaine fa�on, la CR juive a �t� t�lescop�e par l�entit� France qui a assur� directement la gestion de cet afflux de juifs venus de tous les coins du monde, ce qui n�a pu qu�affaiblir la direction de la dite CR. D�o� l�incoh�rence actuelle de son fonctionnement d�une part, de ses relations avec la CR juive d'Isra�l de l�autre et enfin par rapport aux autres Crs de l�entit� France.

Il convient, en outre, de rappel� le comportement de l�entit� France quant � sa politique alg�rienne, depuis la conqu�te de 1830. Le cas du d�cret Cr�mieux de 1870 est certainement embl�matique des ambigu�t�s du gouvernement fran�ais face aux CRs d�ob�dience juive et d�ob�dience islamique, en accordant aux seuls membres de la CR juive la citoyennet� fran�aise, ce qui a probablement abouti � ce qui se passa lors de l�Ind�pendance de l�Alg�rie en 1962 et ce qui explique en partie la nature des relations entre la CR juive et la CR musulmane en m�tropole, de nos jours..

Si l�on reprend le probl�me � la base: la CR juive en France a-t-elle bien g�r� relation avec les autres Crs juives issues d�autres entit�s�? On sait que la CR juive de l��poque n�accueillit avant la guerre ces immigr�s juifs qu�avec une certaine r�ticence, devait-elle en effet cautionner l��chec, quelles qu�en fussent les raisons, de ces CRS juives �trang�res�? Devait-elle se laisser envahir par celles-ci au point de quasiment dispara�tre sous l�afflux, elle qui avait un pass� multi-s�culaire avec la France�? Bien plus, devait-elle se voir imposer des strat�gies intercommunautaires propres aux ressortissants de ces CRS juives issues d�autres entit�s et qui, a priori, ne faisaient sens qu�au sein de ces entit�s respectives�? Nous ne le pensons pas.

Nous pensons qu�il importe que la CR fran�aise d�ob�dience juive doit se recentrer sur son noyau dur, celui des juifs dits de souche fran�aise, nous pensons que le gouvernement de l�entit� France doit encourager un tel processus et intervenir dans une CR en pleine confusion et ayant perdu ses rep�res et dont l�identit� est singuli�rement floue. Nous pensons que le gouvernement doit donner � cette CR les moyens structurels et institutionnels de cette nouvelle politique. Et nous pensons que c�est � ce prix l� qu�une politique intercommunautaire coh�rente pourra �tre men�e en France et qu�elle passe par la ma�trise de la politique intracommunautaire � commencer par la question des immigr�s et des descendants d�immigr�s.

Il est en effet n�cessaire que chaque CR trouve son profil ad�quat, celui de la CR musulmane n�est pas, en d�pit de certaines apparences, celui de la CR juive et pas davantage (cf. notre �ditorial, le communautarisme dans tous ses �tats) celui des Crs catholique ou protestante. Il ne faut pas que la question des immigr�s vienne fausser l�image de la CR juive; il ne faut pas que la CR juive soit domin�e, comme c�est le cas aujourd�hui, par des immigr�s, comme c�est le cas avec Roger Cukierman, pr�sident du CRIF -le Comit� repr�sentatif des Institutions juives de France, issu de l�immigration polonaise. Nous ne pensons pas que les juifs d�origine alg�rienne soient � consid�rer comme non immigr�s, en d�pit de la sp�cificit� de leur statut juridique. En fait, lorsque la France contr�lait l�Alg�rie, elle gouvernait deux entit�s, la fran�aise et l�alg�rienne, dans le cadre d�une sorte d�empire, un peu � la fa�on de l�Austro-Hongrie. Un Th�odore Herzl, le fondateur du sionisme moderne, passant de Budapest � Vienne, au sein du m�me empire, �tait un d�racin�. Ces deux entit�s avaient des histoires bien diff�rentes et continu�rent � les avoir pendant la Seconde Guerre Mondiale puisque l�Alg�rie �chappa � l�occupation nazie.

En conclusion, il ne semble pas possible que la CR d�ob�dience juive de l�entit� France soit p�nalis�e par ce qui se passe en Isra�l ou ailleurs. Le sort de chaque CR est de sa responsabilit� et des relations complexes qui se sont tiss� au sein de l�entit� dont elle d�pend et avec cette entit� m�me, en tant qu�Etat. Il importe que la CR d�ob�dience musulmane en France le comprenne � condition bien entendu que la CR fran�aise ne soit pas dirig�e par des juifs d�origine alg�rienne face � une communaut� musulmane qui le serait par des musulmans d�origine alg�rienne, ce qui restituerait une dynamique parfaitement anachronique.

Qu�on ne vienne pas, enfin, nous dire que le communautarisme tel que nous le pr�nons ne respecte pas l�id�e de la�cit�. La notion d�entit� que nous avons introduite pour faire pendant aux Crs, constitue pr�cis�ment ce champ de la�cit� au sein duquel les Crs doivent se c�toyer et communiquer.

Jacques Halbronn, le 11 avril 2002

Lierre & Coudrier �diteur

� Paris 1997
La Pagu�re
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