Chirac en refusant le d�bat avec Le Pen r�v�le un ressort de la vie politique fran�aise, qui passe par l�exclusion et la marginalisation d�un courant qui, paradoxalement, a pour th�me de campagne, pr�cis�ment, le rejet, le refus de l�autre. On se trouve ainsi plac� dans une logique de diabolisation, celle de l��tranger et celle de celui qui d�nonce la place de l��tranger, diabolisation de la diabolisation�! D�s lors, quand, � l��tranger, on s�exclame face aux r�sultats du premier tour des �lections pr�sidentielles, on ne fait que nous renvoyer une image que nous avons nous-m�mes fabriqu�e�! Expliquons-nous�: si la droite avait su g�rer ses rapports avec l�extr�me droite comme les socialistes le firent avec les communistes, on n�en serait pas l�! C�est le maintien du clivage au sein de la droite qui a conduit � une diabolisation qui se manifeste aujourd�hui par le refus d�un des deux candidats restant en lice � affronter l�autre, ce qui peut sembler aller � l�encontre de l�esprit d�mocratique. Tout se passe comme si sous le terme de d�mocratie on entendait en fait la confrontation entre une droite et une gauche dites mod�r�es, comme si sous ce label, il y avait un pr�suppos�, comme si l�on avait affaire � une d�mocratie sous conditions. D�j�, � l��tranger, on avait parfois du mal � comprendre la �cohabitation� � la fran�aise, mais cela appara�t d�sormais clairement, celle-ci ne concerne bien entendu que certains acteurs et pas d�autres. On veut bien que les �autres� se pr�sentent aux �lections mais cela n�est pas une condition suffisante pour que l�on daigne d�battre avec eux. D�ailleurs, si l�on consid�re les �lections l�gislatives, on constate que le �syst�me� fran�ais ne permet pas � une partie de la population d��tre repr�sent�e au Parlement, r�duisant le parti ainsi exclus � montrer, faute de mieux, sa capacit� de nuisance�; ne pouvant pas construire, il est condamn� � d�truire. La d�faite de la droite, lors de la dissolution de 1997, fut en partie due � l�incapacit� � traiter avec le Front National, lequel se r�solut � faire gagner la gauche, dans des triangulaires. Ce terme de TRIANGLE caract�rise � merveille la situation�: avec du deux, on fait du trois�! La triangulation serait ainsi une sp�cialit� fran�aise. La droite a deux fois plus de voix que la gauche, au soir du premier tour des pr�sidentielles mais� il faut la diviser par deux, diabolisation oblige. Cette strat�gie de triangulation n�a pas simplement affaibli la droite dite r�publicaine, elle a �galement brouill� l�image de la France � l��tranger et donc sa capacit� � se faire respecter. Mais pourquoi la droite est-elle tomb�e dans un tel pi�ge et pourquoi la gauche est-elle parvenue � g�rer son fonctionnement interne, aboutissant en l�occurrence � un PC � 3,5% alors que la t�che n��tait pas, en apparence, plus difficile de ce c�t�, ne serait-ce que parce que le communisme, sans parler du stalinisme et de ses agissements, �tait li�, encore dans les ann�es 1970, � une puissance adverse, l�URSS. Qu�est ce qui a conduit la droite � se saborder ainsi, � accepter le jeu pervers et masochiste de la triangulation�? Si l�on veut psychanalyser un tel comportement, on flaire un certain complexe de culpabilit� de la part de la droite qui la conduit � se scinder en une �bonne� et une �mauvaise� droite, la bonne droite n�existant, d�ailleurs, que du fait qu�on peut en d�signer une mauvaise.. Ce serait donc parce que la droite est mal � son aise qu�elle a g�n�r� cette excroissance qu�elle rejette aussi fortement sinon plus que la gauche. Ce qui aboutit aujourd�hui � ce que la gauche votera � droite le 5 mai�; pour le second tour, ce qui est un peu ubuesque, quand m�me�! Car, la gauche, �galement, a �t� prise � son propre pi�ge et l�on sait de quelle fa�on Mitterrand a su favoriser l��mergence de l�extr�me droite en optant, � un moment donn�, pour le scrutin � la proportionnelle, permettant � Le Pen d�avoir des d�put�s au Palais Bourbon et ce quand bien m�me ensuite y aurait-on renonc�. Ainsi, la gauche en consolidant cette division de la droite risquait fort d�aboutir � avoir deux candidats de droite en pr�sence au second tour des pr�sidentielles�! C�est ce qui s�est effectivement pass�. En fait, la droite, par cette division interne, en arrivait � occuper tout le paysage politique, for�ant les �lecteurs � voter � droite et n�ayant plus que le choix de quelle droite. En divisant la droite, on lui permettait de couvrir un champ tr�s large, � la fois celui de la mod�ration et de la protestation. Si l�on ajoute au fait que la droite r�publicaine a su r�cup�rer les th�mes de la gauche, exit la gauche�! Le probl�me, pour la gauche, c�est qu�� avoir r�ussi � apprivoiser les communistes, ceux-ci ont fini par devenir insignifiants, ce qui � terme on le verra probablement pour les l�gislatives ne pouvait/pourrait qu�affaiblir les socialistes et leurs autres satellites. La triangulation aboutirait ainsi � ce que l�un des camps se retrouve hyper-repr�sent� du fait m�me de sa tension interne insoluble et ce que l�autre se retrouve d�bilit� par l�absence, dissolvante, d�une telle tension. La droite explose, la gauche implose. C�est un peu la quadrature du cercle�! On peut regretter que Chirac n�ait pas profit� du r�sultat des �lections pr�sidentielles pour d�-diaboliser Le Pen et le Front National, en respectant l�onction du suffrage universel. On s�aper�oit ainsi du caract�re tr�s relatif de la d�mocratie fran�aise qui s�appuie sur des partis exclus qui ne sauraient �tre que des figurants. Soci�t� d�exclusion que la soci�t� fran�aise puisque l�exclusion envahit jusqu�aux conditions du d�bat politique�! La Ve R�publique a mis en place des r�gles du jeu que l�on peut certes r�former, que l�on aurait peut-�tre d� corriger mais voici que ces r�gles on n�est pr�t � les respecter que si c�est le �bon� adversaire qui est choisi. Comment ne pas voir que la France d�montre ainsi son incapacit� � g�rer l�exclusion�: celle qui vient de l�immigration, de la paup�risation, comme celle g�n�r�e par ses contradictions internes, par son pass� et notamment par l��poque de Vichy�? On dirait que la France se complait dans ce syndrome de l�exclusion, de celui � qui l�on d�nie jusqu�au droit de d�battre qui lui est, a priori, accord� par la coutume r�publicaine depuis 1974. Il y a l� un arbitraire �vident qui bafoue la d�mocratie. Nous avons d�nonc�, notamment dans notre article sur les pi�ges de la repr�sentation, sur ce site et celui de www.col.fr, le faux semblant de titres ronflants masquant des r�alit�s �triqu�es Au vrai, cette exclusion du discours sur l�exclusion a quelque chose de d�sarmant. Est-ce que cela signifie que toute r�flexion sur le sujet serait interdite�? N�a-t-on pas le droit de voir dans l�augmentation de la violence dans la Cit�, l�expression d�une non communication ou plut�t l�acc�s � une communication universelle qu�est pr�cis�ment, une telle violence�? � Les hommes politiques en place, depuis quelques d�cennies, ont l�gu� aux g�n�rations � venir un bien singulier h�ritage, celui d�une double exclusion politique et soci�tale. Celui qui ose se confronter avec l�exclusion soci�tale se voit enfermer dans le ghetto de l�exclusion politique, de la non jouissance de ses droits d��lecteur et d��lu. On a l� des conditions explosives, du fait des limites d�un syst�me pris � son propre pi�ge. Ce n�est pas en interdisant de parole et le refus du d�bat du second tour est bien cela ceux qui mettent le doigt sur certains probl�mes que les probl�mes seront r�solus. La classe politique n�est plus en phase avec le ressenti des Fran�ais. La R�volution Fran�aise avait � g�rer une soci�t� s�culairement en place, en d�pit de ses strates, o� chacun se reconnaissait, du fait d�une longue culturalit� commune. Ce n�est plus le cas�: int�gration des immigr�s en France, int�gration de la France en Europe, autant de d�fis. �Il convient de repenser les clivages�: la cohabitation a donn� l�illusion que l�on pouvait gouverner la France au centre, en mariant des discours qui, l�gitimement, cette fois, s�excluaient, celui de la gauche et de la droite (cf. notre �ditorial sur les Marchands de sable). De fait, la droite n�a pas � pactiser avec la gauche, au nom m�me de l�alternance. � s�efforcer d�harmoniser les contraires (gauche et droite), on a fini par vouloir s�parer ce qui appartenait, somme toute, � une m�me logique socio-politique (les droites). La France, en effet, a besoin, p�riodiquement, de l�alternance, d�une alternance authentique, entre gauche et droite, elle doit donc unifier sa droite et sa gauche, suffisamment du moins pour que chaque camp puisse gouverner tour � tour. En 1981, quand Mitterrand et Maurois ont compos� un premier gouvernement comportant quatre ministres communistes, les am�ricains ont tiqu�, les communistes incarnant en quelque sorte le parti de l��tranger, de Moscou. En 2002, Chirac s�interdit toute relation avec Le Pen en qui il voit un fasciste, un raciste comme si les probl�mes qu�il posait n�existaient pas. Il est probable que dans le pass� r�cent la France aurait peut-�tre du faire preuve de plus de mod�ration dans la fa�on dont on y a parl� non seulement de l�Autriche mais de l�Italie de Berlusconi, qui avaient ouvert une certaine voie. On est d�sormais plac� devant une alternative : soit une France ingouvernable ou vou�e � des alliances contre nature entre gauche et droite la fameuse cohabitation qui est le contraire d�une v�ritable alternance � moins que par alternance, on entende simplement l�acc�s du plus grand nombre aux honneurs et aux postes, ce que permet de fait la cohabitation- , soit une refondation de la droite, incluant ses diff�rentes tendances avec � la clef la n�cessit� de prendre certains probl�mes soci�taux � bras le corps, ce dont la gauche, par id�ologie, par principe, ne peut se charger tout comme elle n'a pas su en son temps r�gler l'affaire alg�rienne. Les r�sultats du 21 avril ont fait ressortir l��vidence d�une telle alternance mais la diabolisation de l��extr�me droite� - � noter qu�� la gauche des communistes, il y a d�sormais une extr�me gauche, la notion d�extr�me �tant vou�e � �voluer - rend non seulement toute entente politique inconcevable mais aussi toute solution sur le terrain improbable. Jacques Halbronn le 25 avril 2002 |
Lierre & Coudrier �diteur
� Paris 1997 |
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