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La France qui d�roge

Nous sommes-nous habitu�s � l�euro en usage depuis cinq mois�? Oui et non�! Avec les commer�ants, nous payons en euros mais entre nous, nous parlons en francs. Cette coutume s�est impos�e d�elle-m�me comme si elle allait de soi�! Il y a l�, pour nous, sympt�me�!

C�est en 1960, aux d�buts de la Ve R�publique, que l�on introduisit le � nouveau franc �, le � franc lourd � et il est vrai que l�on ne s�en est jamais tout � fait remis, pour ce qui concerne les fortes sommes qui sont d�ailleurs r�serv�es aux autres. On avait donc d�j� pratiqu� un certain clivage�: nouveaux francs pour les � petites � sommes, jusqu�� 10 millions et centimes au del�: on dira un milliard de centimes plus facilement que 10 millions de francs. Comme si la monnaie �tait le r�v�lateur de certaines fronti�res en dehors des fronti�res �tatiques que pr�cis�ment l�euro est cens� effacer.

Mais qu�on le veuille ou non, compter en euros, c�est un peu partir en voyage, faire du tourisme � domicile, d�autant que l�euro vaut � peu pr�s un dollar. De nos jours, qui n�est pas habitu� � manipuler des devises �trang�res�? Ce qui explique que les gens se soient tr�s vite habitu�s � l�euro, tout comme ils ont docilement augment� le nombre de chiffres de leurs num�ros de t�l�phone, au fil des ann�es.

En r�alit�, derri�re les apparences, il y a malaise ou en tout cas expression d�une forme de schizophr�nie dont l�euro ne serait que le sommet de l�iceberg. L�euro, en effet, serait, selon nous�; le signe d�une France � deux vitesses, mais aussi de cette France la�que qui n�en pense pas moins.

Le fait, en effet, de pratiquer l�euro � l�ext�rieur, au niveau des commerces et des administrations et le franc � � l�int�rieur �, dans la conversation courante, ne fait que creuser un certain foss�, celui propre � une soci�t� qui pratique le do憌ƪlean ge /p>

Mais jusqu�� pr�sent, ce d�calage �tait plus v�cu par les uns que par les autres alors qu�� pr�sent il s�inscrit dans notre psych� collective. Paradoxe, vraiment, que cet euro suppos� faire tomber les barri�res et qui, bien au contraire, en consolide d�autres�!

Parmi ceux qui depuis belle lurette, bien avant l�euroland, vivent dans la dualit�, d�signons ceux qui fonctionnent sur plusieurs registres linguistiques. Tel qui parle fran�ais, dans le � monde �, et arabe avec ses copains. Ce bilinguisme ou plus scientifiquement cette diglossie, recouvrent bel et bien notre rapport mon�taire � l�euro.

La pratique du franc serait donc, en ce temps de l�euro, l�expression d�une r�sistance, d�une gr�ve larv�e. En apparence, on se soumet mais ce n�est l� qu�une fa�ade�: on donne le change, dans tous les sens du terme�! Et il en est ainsi dans bien d�autres domaines, chez ceux, notamment, qui se sentent laiss�s pour compte et qui d�ailleurs entra�nent ainsi les autres vers une autre forme de conscience, cliv�e, o� s�opposent radicalement le priv� et le public.

Opposition que l�on retrouve institutionnalis�e entre ces orgues de barbarie de la modernit� que sont le cin�ma et la t�l�vision, le cin� au dehors, en public, avec ses abonnements forfaitaires � illimit�s �, pr�lev�s mensuellement,� la t�l�, au dedans, avec sa redevance, dans l�intimit�, le secret. Cette t�l� qui constitue une v�ritable drogue, un mode de vie incontournable, un espace vital de repli �: le t�l�spectateur moyen passerait plus de cinq heures par jour devant sa petite lucarne qui n�est pas encore l��il de Big Brother.

Opposition �vidente entre le r�el et le virtuel qui s�incarne dans le bin�me�: t�l�phone portable/Internet. Le portable pour les proches, ceux avec lesquels on vit en temps r�el, heure apr�s heure, presque en symbiose et l�Internet qui r�git nos rapports de travail. Avec certaines personnes, nous ne communiquons plus que par e-mail, nous les mettons � distance. Nous �tablissons ainsi des relations � deux vitesses, symbolis�es par deux appareils distincts qui vont d�ailleurs probablement ne plus faire bient�t qu�un, ce qui est d�j� le cas dans certains endroits. Entre les deux, le t�l�phone fixe appara�t comme un appareil primitif, pr�cis�ment parce qu�il ne fait pas ressortir cette dualit� qui sourd de plus en plus sous une unit� factice.

Cette dualit� qui est aussi celle des enfants de parents divorc�s, qui cachent � l�un ce qu�ils ont fait avec l�autre, merveilleusement pr�par�s � mener ainsi une double vie. Ce que fait ma main gauche, ma main droite l�ignore. On n�est vraiment pas ou pas vraiment dans la transparence�!

Nous �voquions, dans notre pr�c�dent �ditorial, la cohabitation qui, au fond, incarne � merveille ce monde divis�: Matignon ignore ce que fait l�Elys�e qui ont tous les deux la � garde � de la France, enfant de divorc�s�!

D�o� le d�bat actuel quelque peu surr�aliste�: quel scandale ce serait � clament les socialistes � que tous les pouvoirs soient � un seul parti, que l�on circule librement de haut en bas de l�Etat�! On a vraiment pris go�t � ces cachotteries qui ne font que faire �cho � celle de chacun. Oui, inconsciemment, les citoyens r�vent d�une France divorc�e. La r�conciliation des pouvoirs serait traumatisante, ins�curisante, n�est-ce pas, car qu�est ce que la s�curit�, sinon des verrous, des cloisons�?

Une France divorc�e, c�est une France qui a un sens aigu de l�autre, d�un autre part inaccessible, de l�autre c�t� de la barri�re mais qui continue � vivre dans la nostalgie d�un androgynat, d�une homog�n�it� perdue, celle d�une soci�t� catholique et monarchique, o� le myst�re �tait au Ciel alors qu�� pr�sent, il est descendu parmi nous.

Et pourtant que de pertes de rep�res�: il n�y a plus gu�re la femme � la maison, au foyer symbolisant pr�cis�ment le monde familial, familier, le jardin secret. Et c�est peut-�tre cette dualit� premi�re qui fait d�faut et qui se recherche autrement et vainement. Cherchez la femme�!

Nous avons d�j� d�crit ce retour du refoul� qui conduit � toutes sortes de d�bordements, � une �perdue fuite en avant.

Selon nous, la clef de la plupart des probl�mes de notre soci�t� sont li�s � la femme, � son statut ou � son absence de statut. On ne joue pas impun�ment avec des �quilibres multi-mill�naires.

Absence de la m�re � c�t� du p�re, non seulement en cas de divorce mais parce que tant d�hommes sont �mascul�s, victimes d�une castration psychique. Il faut qu�ils �vitent tout �lan tant pour rapprocher que pour �loigner, ils ne sont plus ma�tres des distances entre les deux sexes, car ils ont t�t fait d��tre tax�s de harc�lement ou de violence.

Des g�n�rations de jeunes femmes se succ�dent qui ne savent plus, qui ne sauront plus, ce qu�est un homme sinon dans une version �dulcor�e, insipide et sans saveur et surtout sans surprise.

Nous abordions ici, r�cemment, la question de la dualit� au sein des communaut�s, affirmant qu�il y faut une filiation objective et une identification subjective. Le monde de l�identification ne peut qu��tre cliv� car il y a n�cessairement un d�calage entre ce que je veux �tre et ce que je sens que je suis, � moins de se mentir � soi-m�me, ce qui est une forme de schizophr�nie. En revanche, le monde de la filiation est celui de la r�alit� qui n�est pas simplement ce qu�on veut qu�elle soit, qui est l� en quelque sorte malgr� soi. Principe de plaisir dualisant et principe de r�alit� unifiant. On sait que les enfants adopt�s souffrent de ne pas conna�tre leurs g�niteurs, parce qu�il est malsain que le monde ne soit que le r�sultat de notre imaginaire, de notre libre-arbitre, de notre bon vouloir, de notre d�cision, car � un moment, il y a implosion, asphyxie. On a besoin aussi que les choses existent sans nous, malgr� nous et pas seulement par nous et pour nous. ..

Ainsi, la dualit� est-elle une bonne chose mais elle devient schizophr�nie quand elle n�est pas assum�e, pens�e. Or, nous vivons dans un monde qui refuse de penser la dualit�, qui la vit par d�faut, � son corps d�fendant, qui la nie tout en sachant qu�elle est en lui, qui culpabilise parce qu�il croit que c�est mal au nom d�une la�cit� mal comprise qui n�a que la parit� et l��galit� � la bouche. On ne devient pas l�autre par un coup de baguette magique m�me si le mariage donne � une femme le nom de son mari, m�me si l�on peut se faire naturaliser. C�est le r�gne des masques et des travestis.

Le respect, qu�est-ce que c�est�? C�est le respect de la diff�rence. Je ne respecte pas quelqu�un quand je l�imite ou quand je veux le remplacer, me substituer � lui. Il para�t qu�il y a une campagne, actuellement, sur le respect. Mais on a des id�es parfaitement perverses sur le respect quand on proclame que respecter l�autre, c�est lui accorder les m�mes droits. Un enfant a-t-il les m�mes droits qu�un adulte�? Il suffit d�aller dans les transports en commun, pour constater que les enfants ne savent pas rester � leur place, qu�ils s'assoient d�office sans laisser les si�ges aux personnes �g�es, que d�embl�e, ils veulent avoir la m�me chose que les � grandes personnes �, comme on disait autrefois. Et c�est d�ailleurs pour cela qu�ils se mettent � fumer, entre autres. Quand une soci�t� confond l�enfant avec le vieillard, c�est que cela ne tourne plus tr�s rond�!

Apprendre le respect, c�est comme accepter que la montagne est plus haute que la vall�e. C�est aussi simple. C�est le probl�me du haut et du bas, du grand et du petit. Respecter, c�est cesser de tout m�langer, c�est ne pas croire que tout est sym�trique, que tout est r�ciproque. Ce n�est pas parce qu�un adulte tutoie un adolescent que celui-ci ne doit pas le vouvoyer. Ce n�est pas parce qu�un adulte donne une gifle � un enfant que l�enfant doit la lui rendre. Et si nous parlions de ces femmes, sans hommes, confront�es � leurs adolescents d�enfants qui les battent, qui les menacent�!

Il y a le temps de l�enfance, avec ses privil�ges et les soci�t�s traditionnelles avaient fix� des rites de passage, on passait d�un monde vers un autre parce que la soci�t� en d�cidait ainsi et non de par son seul caprice.

Qu�est-ce que l�arrogance�? Le mot n�est plus correctement per�u. Lisons le dictionnaire�: � s�arroger�: s�attribuer ind�ment/arrogant�: hautain �. On voit mal le lien entre le verbe et l�adjectif. Car celui qui s�arroge, c�est pr�cis�ment celui qui veut passer pour ce qu�il n�est pas ou ne m�rite pas, consid�rant, pr�cis�ment, les autres comme hautains, parce qu�ils se croient diff�rents. Dictionnaire Larousse �: hautain�: � qui affiche une sup�riorit� d�daigneuse �. On peut ainsi se demander si l�on ne traite pas d�arrogants ceux auxquels on reproche de ne pas rester � leur place�: pour qui se prend-il, celui-l�?. Mais ne dit-on pas cela parce que soi-m�me, l�on se consid�re comme sup�rieur, inaccessible�? Voil� un champ s�mantique bien confus et cela est assez significatif.

Force est de constater que celui qui pr�tend �tre ce qu�il n�est pas ou pas encore peut � juste titre �tre tax� d�arrogance, parce qu�en fait il veut d�roger � verbe qui rel�ve de la m�me racine. Dictionnaire�: d�roger�: � enfreindre une loi, une convention, un usage �. Tout cela nous conduit � nous interroger. Quel rapport entre interroger et s�arroger ou d�roger, tous d�riv�s du latin rogare�? C�est le rapport entre la requ�te et la demande, l�exigence plus ou moins fond�e.. S�interroger, c�est se demander � soi-m�me ce qu�on est, qui on est, qui est l�autre..

Oui, nous sommes dans une soci�t� de la d�rogation, o� chacun voudrait �chapper � sa condition, parce que chacun est divis� au nom m�me d�une affirmation d��galit�.

Jacques Halbronn le 27 mai 2002

Lierre & Coudrier �diteur

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