Depuis des temps
immémoriaux, une merveilleuse ethnie vit dans les vallées dites des
“ Kalash ”, au sein de la province de la frontière du Nord-Ouest du
Pakistan.
Les trois vallées sont
Beerer, Bumburait et Rumbur.
Dans ces trois gorges à près
de 1500 mètres d’altitude vivent approximativement 3000 à 4000 Kalash. Ce
peuple est constitué par les Kafirs “ rouges ”, appelés ainsi car ils
portent une calotte d’une couleur rouge remarquable sur la tête.
Le terme
“ Kalash ” signifie “ noir ” mais ne permet pas de désigner
de façon suffisamment explicite l’origine de cette peuplade. Qui sont les
Kalash ?
Plusieurs hypothèses
s’affrontent mais doivent être étudiées car elles permettent de cerner
l’originalité de ce peuple. Les deux mille à trois mille Kalash seraient les
descendants des anciennes populations aryennes de l’Afghanistan fixées dans les
plaines et hauteurs de Kabul et de Jalalabad, et qui, refusant d’embrasser
l’Islam, choisirent au 10ème siècle de notre ère de s’enfermer dans
la forteresse de l’Indu-Kush. Assurément, les Kalash, comme les ex-Kafirs et
tous les peuples de cette partie de l’Indu-Kush, appartiennent à la race
blanche. Pourtant, il faut imaginer les affrontements, les mélanges,
assimilations des bandes aryennes avec les populations autochtones dans leur
longue traversée de l’Asie avant d’atteindre les terres afghanes.
Mais même si l’aspect
physique des Kalash et autres habitants de l’Indu‑Kush reflète d’évidence
une préservation singulière des traits européens, la seule preuve irréfutable
de leur appartenance à la famille indo-européenne repose une fois et encore
pour toutes sur l’étude des langues.
Les Kalash peuvent être
reconnus comme des descendants de ces populations laissées en route, en
Afghanistan Oriental, par les envahisseurs indo-aryens.
Les Kafirsten durant cette
période du premier millénaire ne peuvent avoir échappé à la culture greco-irano
bouddhique qui rayonna aux portes de l’Indu-Kush, et s’infiltra par les axes de
circulation, les cols très fréquentés comme raccourcis entre le Nord-Ouest du
sous continent, le Turkestan et la Chine.
Jusqu’à l’arrivée des
Arabes, il ne faut pas voir l’Indu-Kush comme une forteresse infranchissable.
Alexandre l’a traversé,
utilisant les couloirs naturels de passage où s’étaient engouffrés les Aryens
et les Perses.
Le Bouddhisme d’ailleurs s’y
répand. Peut-être dès la conversion d’Ashoka, le grand Empereur Maurya qui
parsème son vaste empire de vastes monumentales inscriptions sur des rocs
grevés de sermons de Paix et fait graver des stupas bouddhiques jusque dans le
Kafirstan. L’Islam dès le huitième siècle après Jésus Christ va tenter de
briser cet isolement Kalash.
Les Kalash vont néanmoins
avec des armes rudimentaires résister à tous les envahisseurs, les Musulmans,
les Sikhs de l’Inde puis les Anglais.
Curieusement, ce sont les
Anglais qui permettront aux Kalash de garder leur identité par une de ces
explications dont l’Histoire a le secret.
Le gouvernement musulman de
Kaboul dirigé par le Sultan Abdur Rahman entama une campagne de conversion
forcée à l’égard des Kalash en 1896. La violence de l’intervention musulmane
répondait à la réticence des Kalash qui refusaient de se soumettre.
Dès ce moment, les
conversions allaient devenir de plus en plus fréquentes : jusqu’à aboutir
à la coexistence des Kalash islamisés et des Kalash païens dans les trois
vallées de Beerer, Bumburait et Rumbur.
Vers 1930-1935, nombre de
Kalash se convertirent néanmoins à la religion musulmane et dès lors leur
peuple lentement se fit “ phagocyter ” au quotidien par les Musulmans
écrasants en nombre.
Aujourd’hui le territoire
des Kalash est situé dans la région de Chitral, dans la province du Nord-Ouest
de la frontière du Pakistan. Ce territoire des Kalash couvre les trois vallées
de Beerer, Bumburait et Rumbur, trois vallées encaissées entre des sommets
atteignant des altitudes avoisinant de 2500 à 3000 mètres.
Les Kalash vivent dans des
maisons dont les murs sont constitués de pierres jointes grâce à un mortier
épais fait de terre et de boue. Les différents plafonds sont soutenus par des
poutres en bois démesurément longues dont l’extrémité dépasse largement les
murs de pierre.
Le sol des pièces est le
plus généralement constitué de terre battue cimentée. Chaque maison mêle avec
grâce l’usage du bois et celui de la pierre ardoise notamment.
Les Kalash vivent dans des
villages très petits situés sur les versants des vallées et accessibles par des
routes très difficilement “ carrossables ”.
Avec un groupe de plusieurs
français, je me suis rendu dans cette région au mois d’août dernier.
La vision que nous a
communiqué le paysage a été une vision enchanteresse à laquelle nous ne nous
attendions pas.
Les noyers, les abricotiers,
entourent des habitations qui nous font penser, de loin, par leur aspect, à des
“ villages lacustres ”.
En fait, les habitations
rendent l’image d’un bois pauvre et poussiéreux. Il n’y a guère plus de 400
Kalash vivant dans la vallée de Beerer à proximité des Musulmans.
En effet, nombre de maisons
Kalash jouxtent celles de Musulmans qui sont venus bien souvent il y a
plusieurs décennies s’installer par la force. Ceci crée un “ melting
pot ” de deux cultures différentes qui coexistent.
A cinq heures du matin,
l’appel du minaret – très intense – rythme la vie des Musulmans.
Les deux ethnies connaissent
une vie où les mêmes problèmes les concernent. Ainsi, les travaux des champs
touchent aussi bien les Musulmans que les Kalash.
Les champs de maïs abondent
et on y voit nombre de femmes Kalash s’affairer auprès des tiges de haricots
plantées à même les tiges des plants de maïs Les vallées de Kalash contiennent
de rares hôtels-restaurants dont l’extrême dénuement n’a d’égal que l’extrême
modicité de leur prix de location.
Les habitants accueillent
depuis quelques années les étrangers sur paiement d’une autorisation spéciale
(cinquante roupies) auprès du poste d’entrée de la vallée.
Les Kalash ne vivent pas du
tourisme, ni d’un quelconque commerce. Ils exercent des activités agricoles,
telles que la culture du maïs (récolte durant la première quinzaine de
septembre), des haricots, du haschich dont ils sont consommateurs (comme
beaucoup de Musulmans d'ailleurs). Ils pratiquent également la culture du
raisin pour leur propre subsistance.
Ce raisin donne notamment un
vin lourd et fort, que les Kalash vendent également aux éventuels touristes qui
se présentent dans leurs vallées. On observe surtout les femmes effectuant les
travaux des champs et travaillant notamment sur les champs de maïs.
Les Kalash ignorent la
culture en terrasses et ont créé des canaux d’irrigation le long des flancs de
la montagne. Comment vivent hommes et femmes Kalash ensemble ?.
La coutume applicable à la
femme en tant que mère est très spéciale. Les femmes doivent se retirer à
l’abri du regard des hommes pendant la période de leurs règles et durant les
accouchements, dans une habitation sommaire où elles restent à l’écart de
ceux-ci. Durant cette période des règles ou de l’accouchement, la femme est
considérée comme impure.
Les Kalash doivent lui
apporter à manger sur les lieux mêmes de sa convalescence.
Les femmes Kalash ont en
moyenne six enfants.
La mortalité infantile est
très développée. Un enfant sur cinq meurt avant l’âge de dix ans ! Au sein
de cet univers familial où hommes et femmes occupent des tâches bien définies,
la tradition païenne possède une place fondamentale.
La société des Kalash est
basée sur des rites ancestraux qui reposent, en effet, sur l’adoration des
Dieux de la Nature. L’une de ces croyances est reprise notamment au-dessus du 3ème
village Rumbur où un temple est dédié au Dieu Malendeo (quatre statuettes en
bois représentent les chevaux sur lesquels sont censés se déplacer les Dieux
“ Kalash ”). L’eau fait également partie essentielle de l’univers
Kalash.
Auprès de chaque village
coule un torrent impétueux à partir duquel les Kalash peuvent procéder à
l’irrigation de leurs champs.
Les Kalash obéissent à des
rites également quant à la danse. Les danses constituent un passage essentiel
de la vie des Kalash.
Enfants, adultes – chacun y
participe. Les femmes Kalash vivent bien enveloppées sous d’amples vêtements de
tissu noir et revêtues de boucles d’oreilles particulièrement riches. Elles
sont revêtues de la Kupa – large coiffe de laine tissée décorée de rangées de
cauris – quatorze généralement – de boutons, de perles et de grelots.
Aujourd’hui, quelle est
l’attitude des Kalash vis-à-vis des étrangers ?
Cette attitude est
conciliante : ils accueillent l’étranger aimablement.
Malheureusement, si à la
suite des conversions, nombre de Kalash avaient dû s’expatrier vers l’enclave
politique de Chitral, aujourd’hui les arrivées des Musulmans se poursuivent,
Musulmans qui par la spéculation accaparent nombre de terres Kalash.
Dans la première moitié de
ce siècle, les terres inaccessibles de l’Indu-Kush furent absorbées par des
entités politiques plus larges de grandes nations englobant les principautés ou
petits royaumes dont dépendaient ces vallées reculées et laissées à
elles-mêmes. Le Pakistan et l’Afghanistan ont organisé en provinces ces régions
frontalières et les administrent effectivement. Le monde moderne irradie jusque
dans ces montagnes. Les solutions du progrès ne manqueront pas bientôt de supplanter
les réponses naturellement harmonieuses faites par ces tribus maquisardes aux
problèmes de leur environnement. Le schéma est sans surprise.
Comme pour tant d’autres
peuples au vécu archaïque préservé d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique Latine
brusquement mis au contact de la société industrielle et étouffés par un modèle
d'existence désormais universellement obligatoire plaqué sur toutes les
différences, les Kalash connaissent un destin qu’ils ne maîtrisent plus.
Ainsi finissent de vivre les
Kalash, leur identité traquée par un désenclavement économique et culturel qui
mène irrémédiablement sur les chemins de l’Islam.
Dans une société
pakistanaise morcelée où les Musulmans sont majoritaires, les Kalash
apparaissent comme les derniers Païens. Mode de vie coutumier et respect des
traditions font bien sûr l’originalité de ce peuple en sus des problèmes dus à
sa spécificité. Celui-ci connaît également un isolement géographique qui ne le
rend que plus mystérieux et plus attachant pour nous citoyens occidentaux.
Ce caractère sauvage des
derniers habitants de l’Indu-Kush rejoint la description poétique de Sir
Winston Churchill qui décrivait la région de Chitral comme “ la terre
naturelle à l’état sauvage ”.
Quant à travers un paysage
se reflète l’âme de tout un peuple !