En l�espace de quelques heures, nous d�cidons de partir en Assam pour le
��travail de terrain��de Sourav qui fait une th�se en anthropologie
physique. Apr�s avoir fait le tour des agences de voyage, nous trouvons enfin
� la derni�re minute des billets non pas en advanced booking, totalement
complet, mais en current booking�� un jour avant le d�part du train
demand�, les agences envoient quelques membres de leur personnel faire la queue
� partir d�une heure du matin � la gare pour �tre certain de d�crocher les
billets vendus juste avant le d�part. Le jour suivant, nous grimpons dans notre
compartiment. Pour la premi�re fois, j�allais d�couvrir l�Assam et le mode de
vie d�une famille bengalie, en l�occurrence ma belle-famille.
De Delhi � Silchar, petite ville du sud de l�Assam
Deux mille kilom�tres s�parent Delhi de Silchar, petite ville de 600.000
habitants du sud de l�Assam. La travers�e d�ouest en est prend 48 heures �
travers l�Uttar Pradesh, le Bihar, le Bengale occidental, le Meghlalaya et
l�Assam avec divers moyens de locomotion comme l�auto-richshaw, le train, le
rickshaw, le bus ou la voiture. Nous arrivons � New Delhi Railway Station un
quart d�heure avant le d�part programm� du train�; pour acc�der � nos
si�ges, il nous faut jouer des coudes, donner des coups d��paule puis caser les
bagages. Incroyable, le Rajdhani Express d�marre � l�heure exacte comme un TGV
fran�ais�! Le train est certes plus cher mais il est aussi beaucoup plus
rapide, prenant entre 26 heures et 30 heures pour arriver � Guwahati, capitale
de l�Assam au lieu de 40 heures � 60 heures pour les trains ordinaires, il est
aussi plus s�r, les si�ges r�serv�s sont bien les n�tres tandis que dans les
trains populaires surpeupl�s, s�il n�y a pas d�amis pour garder votre quart de
post�rieur lorsque vous allez prendre l�air debout devant la porte ouverte du
wagon d�o� les paysages si vari�s de l�Inde d�filent, votre bout de place sera
imm�diatement pris d�assaut et il vous faudra continuer le voyage plut�t long
en restant assis sur le sol au milieu des d�chets du couloir. Qui monte dans un
train ordinaire doit s�attendre � c�toyer de tr�s pr�s cette faune tout en
faisant face � ce genre de petits incidents et � de mauvais comportements �
l��gard de la gent f�minine.
Le Rajdhani Express est un des trains les plus confortables de l�Inde
o� sont servis repas et boissons dans une ambiance assez familiale, nous sommes
entour�s de deux hommes d�affaires marwari, d�une femme
inspecteur de police de la branche criminelle au Sikhim accompagn�e de son
jeune fils de deux ans tr�s �veill� et de son fr�re insomniaque. Le temps passe
vite entre discussions, repas, en-cas, th�, et d�couverte du paysage au fil de
notre avanc�e vers l�est. Parfois le train s�arr�te en raison de signaux
ferroviaires au milieu d��tendues fertiles ou arides, � c�t� de plans d�eau
d�o� s�envolent des triangles d��chassiers. Le train passe sur le Gange
brillant de soleil au bord duquel des hommes ramassent du sable blanc. Avant de
nous endormir le soir nous encha�nons les bagages les uns aux autres,
pr�caution ultime dans un train pourtant relativement s�r. Pour la premi�re
fois je dors bien dans un train indien, pas de courant d�air, il y fait bon
avec des draps , des couvertures et des taies d�oreillers propres. Le service
est impeccable, des balayeurs � l�uniforme bleu nettoient r�guli�rement le sol
des compartiments jonch�s de papier gras et de plateaux en d�sordre apr�s les
repas. Les serveurs � l�uniforme rouge sont les ��permanents�� de
l��quipe et s�occupent des t�ches moins ingrates comme le service des repas et
le bien-�tre des passagers.
Heureusement, nous ne rentrons pas trop tard dans l��tat d�Assam sinon nous
aurions d� dormir une nuit de plus dans le train en raison des terroristes qui
attaquent les voies ferroviaires. En effet le train peut rentrer en Assam
jusqu�� une certaine heure le soir, au del� il doit attendre le petit jour pour
poursuivre son chemin, notre train est � l�heure. Le Rajdhani Express
fait l�objet d�une vigilance particuli�re, d�s qu�il rentre sur le territoire
assamais, deux locomotives pr�c�dent le train, l�une en t�te occup�e par une
poign�e de militaires, l�autre entre cette locomotive de t�te et le train de
passagers tire les bagages. Le calcul est simple, en cas de bombe sur la voie
ferr�e, ces deux locomotives sauteront d�abord permettant de sauver le train et
de limiter les pertes humaines et mat�rielles. Etrange sensation que de filer
dans la nuit profonde avec ce danger de mort qui flotte dans une atmosph�re
calme et presque insouciante.
Nous d�barquons � Guwahati vers une heure du matin, notre voyage en train se
termine ici. Dans la gare les soldats patrouillent sans repos avec leurs
regards inquisiteurs, la main sur la mitraillette qu�ils portent � l��paule. La
gare dort, hormis les passagers en transit ou en attente de leur train. Nous
patientons jusqu�� cinq heures du matin dans la salle d�attente, tous les cinq
minutes des vendeurs de chai, le th� indien � base de lait, font irruption et un
militaire inspecte la salle et les toilettes. A cinq heures du matin, nous
h�lons un coolie � l�uniforme rouge et blanc pour nous aider � porter nos huit
bagages, il porte des charges incroyables sur ses �paules et sur sa t�te. Nous
montons dans deux rickshaws, beaucoup plus petits que ceux de
Delhi, et nous dirigeons vers la gare routi�re d�o� les bus partent sillonner
les sept Etats du Nord-Est encore si peu explor�s. A sept heures du matin, nous
montons dans un bus relativement confortable, nos si�ges � l�avant nous sauvent
des maux de c�ur sur la route qui serpente entre des collines et des gorges aux
couleurs g�n�reuses. L�Assam est un pays magnifique � la nature prolixe avec
des animaux sauvages, hordes d��l�phants, buffles sauvages, bisons indiens., tigres,
sambars, cerfs des marais, serpents tr�s venimeux ou rhinoc�ros
unicorne, etc. qui se lovent au creux des herbages et dans le fouillis de la
jungle. Mais l�homme reste l�h�te le plus dangereux de ces lieux, le banditisme
et le terrorisme s�vissent dans la r�gion et nous interdissent d�en explorer en
profondeur les splendeurs. En chemin, apr�s les collines majestueuses nous
descendons dans les plaines vers le sud de l�Assam apr�s avoir travers�
Shillong, nous nous arr�tons pour d�guster un fish curry avant d�arriver
apr�s un p�riple enrichissant de 48 heures � Silchar, la ville natale de Sourav
o� les bengalis r�fugi�s du Bengale oriental avant la Partition, apr�s 1947 ou
la cr�ation du Bangaladesh en 1971, se concentrent. La proximit� de cette r�gion
avec le Bangladesh explique l�afflux d�immigrants bengalis, en partie d� aux
fronti�res poreuses bien qu�il y ait une fronti�re officielle � Karimganj,
situ�e � soixante kilom�tres � l�ouest de Silchar, soit � deux heures de route.
Les distances et le temps n�ont pas du tout le m�me sens qu�en Occident, il
faut r�gler sa montre avec l�horloge interne que les indiens utilisent, ce qui
est acrobatique puisque l�heure jongle entre l�exactitude et les longs retards
inexplicables, jusqu�� maintenant mes pr�visions n�ont jamais abouti
positivement!
Une fois dans la maison d�enfance de Sourav, les rep�res et les habitudes
sont vite int�gr�s. La famille de Sourav appartient � la frange sup�rieure de
la classe moyenne de Silchar d�o� des caract�ristiques comme la pr�sence de
domestiques mais les pratiques hindouistes et les appr�hensions � l��gard des
s�ismes sont les m�mes d�un foyer � l�autre.
De bon matin, au saut du lit
Le matin, vers sept heures en hiver et six heures pendant la saison des
pluies, pour sauter du lit, il faut d�abord enlever la moustiquaire qui prot�ge
notre sommeil. Les moustiques sont omnipr�sents pendant toute l�ann�e, durant
la saison s�che en hiver et en plus grand nombre pendant la mousson. Ensuite il
nous faut remplir le r�servoir d�eau potable � l�aide de pilules de
purification en attendant le filtre � eau �lectrique, car l�eau est imbuvable,
elle a la jaunisse pendant les jours normaux et la rougeole lorsque le fer
pr�sent dans l�eau remonte des nappes souterraines. Pour ceux qui prennent leur
douche le matin, on fait chauffer l�eau dans l�amphore m�tallique sur le gaz,
le gyzer est en panne. La douche sert en �t� pendant la mousson
lorsque le moteur veut bien faire monter l�eau jusqu�au pommeau�! Ma
(ma belle-m�re) commence � cuire le riz qui va devenir le bhat
pour le petit d�jeuner en plus du dal musoorie (lentilles roses),
d�un curry de l�gumes ou d�une omelette parfois.
Sur les domestiques de la maison et leur travail
A neuf heures, la cuisini�re appel�e Mashi (titre en fonction de son �ge et
de son rang) d�barque avec son �ternel vieux sari, sa bouche �dent�e et pourrie
par le pan, feuille de b�tel dans laquelle est m�lang� de la noix
d�arec et de la chaux, qu�elle mastique. Elle est tr�s large et rebondie en
surface, joviale elle chante en permanence des incantations en l�honneur de
Vishnu et de Krishna. Avant de rentrer dans la cuisine, elle prend d�abord une
douche pour se purifier. Elle appartient � une famille de bonne caste mais son
mari l�a quitt�e, elle �l�ve seule sa fille de vingt ans. Pareillement, le mari
d�une des locataires du rez-de-chauss�e de notre maison l�a quitt�e, de m�me la
femme de son fils a d�sert� le domicile conjugal, mauvais sort ou raisons
�nigmatiques dont nul ne parle ouvertement. En g�n�ral les gens sont
compr�hensifs, ils rient du mari incapable de s�occuper de sa femme qu�ils
plaignent. La vie est ch�re � Silchar, compar�e � celle de la capitale�:
l�gumes, fruits, nourritures, v�tements sont co�teux tandis que le prix du
logement est tr�s bas, pas plus de 1000 roupies pour un F1 � la mode indienne.
La cuisini�re pr�pare tous les repas, du petit d�jeuner au d�ner, les
diff�rents currys et pr�parations sont entrepos�s dans un garde-manger bien
clos, � l�abri des b�tes et des chats tout pel�s qui adorent entre autres le
poisson, mets aussi favori des bengalis. Mashi la cuisini�re prend son petit
d�jeuner et son d�jeuner � la maison, re�oit cinq cents roupies par mois et des
cadeaux en nature comme des saris un peu usag�s. Il y a bien un frigidaire dans
la maison mais il ne sert qu�� conserver les diff�rents sauces et
accommodements comme le chutney ou la moutarde pil�e en sauce au
go�t autrement plus authentique que celui de nos ��moutardes en
pot��. Ici les habitants aiment la nourriture fra�che, nous sommes loin du
royaume des conserves, le march� est fait tous les jours par Chitaram, le
domestique � tout faire qui vit dans la maison depuis quinze ans, depuis qu�il
a douze ans exactement. Il y restera certainement jusqu�� sa mort car il est
bien loti ici.
C�est un fait que dans la plupart des maisons les domestiques sont
maltrait�s, exploit�s et tortur�s, ce sont les souffre-douleur de la maison.
Chitaram aide aux travaux de la maison ��quand il veut et � sa
mani�re��, il est nourri , log� et vit comme un membre de notre famille.
Il s�installe tranquillement dans la chambre des parents de Sourav, zappe les
cha�nes de la t�l�vision� il est loin d��tre submerg� de travail, il est envi�
par la plupart de ses cong�n�res qui reluquent sa place, et re�oit cinq cent
roupies d�argent de poche par mois (soit environs 85 F). Mais si Chitaram
appartient � la maison comme chacun d�entre nous, des codes sont maintenus
naturellement. Il mange dans son assiette caboss�e et jamais � la m�me table
que nous, ne s�assoit jamais sur des chaises mais sur de petits tabourets de
bambou d�ailleurs bien plus confortables que nos chaises rigides. Ce sont des
codes dont chacun se satisfait en gardant sa fonction sans l�outrepasser. Une
fois tous les trois ou six mois, Chitaram rentre ��chez lui�� dans
son village retir� d�o� la mis�re le fait vite retourner � la ville car il n�y
manque de rien.
Histoire int�ressante, le fr�re a�n� de Chitaram a travaill� et v�cu
auparavant dans notre maison jusqu�� l��ge de 27 ans o� il succomba tristement
� la suite d�un mauvais fonctionnement du c�ur. Il est toujours mal vu qu�un
domestique meurt en son jeune �ge dans une maison o� il travaille car l�on
soup�onne les ��ma�tres�� de l�avoir maltrait�. Dans notre cas, la
m�re de ce gar�on arriva en ville apr�s le d�c�s de son fils a�n� et
connaissant l�excellente r�putation de la maison o� travaillait son fils, elle
vint � la maison avec un autre de ses plus jeunes fils qu�elle voulut � nouveau
y placer et ce jusqu�� sa mort. Elle sait que Chitaram sera plus heureux ici
que dans une autre maison o� il serait exploit� sans respect pour sa personne.
Cela fait donc quinze ans que Chitaram vit dans notre maison o� il a toute la
confiance de la famille. Il garde la maison en son absence, s�occupe du march�,
de la vaisselle (pas de la cuisine), de la lessive, nettoie la maison, change
les grosses bouteilles de gaz, etc. Au total, son rythme de vie est tranquille,
bien moins occup� que le n�tre. Il sait ce qu�il a � faire, de temps � autre il
doit reprendre un col de chemise et le frotter ou� essayer de retrouver la couleur initiale d�un cunni
blanc qu�il avait mis � tremper avec une salwar cumiz bleue qui
avait d�teint sur le foulard qui est alors fichu, mais les reproches n�ont pas
trop d�impact, d�abord parce qu�il est trop tard, ensuite il ne se formalise
pas et �coute � peine, il n�y a gu�re de moyens de pression. ��A l�heure
actuelle , trouver des domestiques dignes de confiance et efficaces est le plus
gros casse-t�te des riches, la vie est r�ellement dure car tout est fait
manuellement. M�me si les plus riches peuvent s�offrir une machine � laver,
elle ne serait pas tr�s utile sans eau courante, ensuite cela demande m�me du
travail d��tendre le linge mouill� etc.�!��, nous dit un des
dentistes �minents de la ville. Le chauffeur Rajiv, qui ne conna�t pas
sa date de naissance exacte, aux alentours de 18 ans, conduit la Maruti
blanche de la famille, s�occupe de l�entretien et des aspects m�caniques
mineurs du v�hicule. Il est nourri, log� et re�oit 1500 roupies par mois. Tous
les quinze jours, il passe le week end dans sa famille.
Juste apr�s nous �tre lev�s, nous prenons un chai accompagn�
de biscuits en attendant le petit d�jeuner que l�on prend vers 9-10 heures du
matin. En fin de matin�e, Ma fait sa pri�re dans la cuisine v�g�tarienne
accol�e � la cuisine o� Mashi officie au milieu des �pluchures de l�gumes, des
t�tes de poisson et de ses ustensiles. Lorsque Mashi cuisine, Ma veille
toujours au grain car la cuisini�re aime ce qui se noie dans l�huile, ce qui n�est
pas du tout conseill�e pour les diab�tiques comme Bapi, le p�re de Sourav. Les
�pices, le sel etc. sont � port�e de main de la cuisini�re mais l�armoire �
biscuits est ferm�e � cl� pour �viter qu�elle ne se serve trop souvent.
Sur les pratiques hindouistes
Ma et en g�n�ral toutes les femmes bengalis sont tr�s croyantes, elles
pratiquent tous les jours le culte des Dieux, leur offrent des prashad
ou offrandes faites de fruits, de sucre, de concombres, de bananes, de raisin,
de sweets, de raisins secs, et ce, deux fois par jour � des heures
r�guli�res, en fin de matin�e et � la tomb�e de la nuit. Lorsque le soleil se
couche, les maisons de tout le voisinage r�sonnent de bruit de cloches et de
gongs que les femmes frappent tout en �mettant un bruit guttural � l�aide de la
langue qu�elles roulent, un peu comme les dindons. Puis les femmes font le tour
de la maison avec des b�tons d�encens pour purifier les murs des mauvaises
influences.
La pratique de l�Hindouisme est faite de gestes rituels, partie int�grante
de la routine quotidienne. Et si l�on peut modifier ses repas en raison d�une
p�nurie de riz ou de gaz, on ne manquera jamais une puja ou
pri�re aux Dieux. Pour rentrer dans la cuisine o� se pr�pare la nourriture
v�g�tarienne ou dans la salle de pri�res, on se d�chausse obligatoirement.
Devant le petit temple de bois � baldaquin fait � l�image d�une maison de
poup�e, toute une batterie d�accessoires s��tage chacun � sa place, amphores,
cloches, porteurs d�encens, huile, eau , parfum, p�tales de fleurs etc. La
photo du gourou spirituel Anukul que la famille de Sourav v�n�re plus
particuli�rement et dont ils suivent l�enseignement tr�ne sur les marches
sup�rieures du petit temple. A c�t� la photo de Shiva et de sa femme d�esse
Parvati (ou Durga) veille avec Lakshmi pr�sente dans toutes les maisons.
Pendant leur cycle mensuel les femmes ne peuvent entrer dans cette pi�ce
symbole de puret�, c�est un domaine r�serv� en g�n�ral aux femmes. Dans chaque
pi�ce de la maison on trouve des photos de Dieux, Saraswati, la d�esse de
l�enseignement et des arts veille sur le bureau de Rasjaree, la s�ur de Sourav.
Dans la chambre des parents, la photo de Anukul est accroch�e au dessus de la
porte, tous ses adeptes font un signe de d�votion en passant le seuil, portant
la main droite au front puis � la bouche�; dans la chambre de Sourav,
c�est le Dieu bleu Krishna. L�Hindouisme est une religion-culture touchante et
po�tique parce que sa pratique impr�gne toute la vie familiale et personnelle.
Le culte est le plus souvent domestique, le temple �tant rarement fr�quent�
sauf lors des grands festivals.
Sur les repas et leur composition
Nous prenons le d�jeuner vers deux ou trois heures de l�apr�s-midi lorsque
l�emploi du temps n�est pas perturb� par des activit�s ext�rieures. Bhat,
dal sont servis accompagn�s de plusieurs currys de poisson et de
l�gumes. Les bengalis mangent bien et appr�cient la vari�t� de curr�; il y
a toujours plusieurs accommodements en sauce, des torcurry de
l�gumes, de poisson, de poulet ou d��uf. Le vendredi est un jour v�g�tarien
dans notre famille, en g�n�ral peu appr�ci� par les habitants de la maison qui
aiment la bonne ch�re et non les filaments verd�tres de curry bouilli�! Le
dimanche, on mange en g�n�ral du poulet. Une ombre au sujet de la balance nutritionnelle�:
nous ne buvons jamais de lait � trop cher et coup� d�eau � sauf en poudre pour
le chai ou les cornflakes, jamais de fruits en hiver hormis les
offrandes aux Dieux que l�on mange apr�s la puja. Par contre
pendant l��t� ou durant la mousson, les mangues, bananes, papayes, jackfruits,
oranges, bananes ou raisins abondent dans nos assiettes. Nous prenons les repas
ensemble autour de la table familiale, les assiettes sont pr�par�es a la
cuisine avec des batis ou petits bols m�talliques dans lesquels sont
vers�s les diff�rents currys. La m�re de famille est toujours pr�te � se lever
pour servir ceux qui veulent plus de curry ou autre. L�organisation est bien
diff�rente de la n�tre en France o� tous les plats sont mis sur la table et o�
chacun se sert. Ici la vari�t� est moindre en ce qui concerne le nombre de
plats, seulement un plat principal, pas de salade, pas d�entr�es, pas de
dessert ou rarement et toujours du riz � tous les repas. Pourtant les bengalis
sont r�put�s en Inde pour la vari�t� et le d�lice de leurs pr�parations
culinaires, en comparaison avec leurs cong�n�res du sous-continent qui se
contentent d�un ou de deux currys accompagn� de riz ou de chappatis,
notamment pour les Indiens du nord de l�Inde.
Apr�s le d�jeuner et d�autres t�ches, les habitants de la maison font
automatiquement une sieste d�une heure ou d�une heure trente puis, r�veill�s
par les moustiques qui piquent sans vergogne, on pr�pare le th� avec un en-cas
qui peut �tre assimil� � notre go�ter, il est six heures du soir. La soir�e
commence, il fait d�j� nuit, les moustiques envahissent l�atmosph�re jusqu��
huit heures o� ils se calment un peu. Chacun vaque � ses occupations, �tudes,
travaux de la maison, travail professionnel, nouvelles locales � la t�l�vision,
etc. Le d�ner est servi aux alentours de dix heures du soir puis nous allons
dormir, cette fois avec les moustiquaires qui ont �t� enlev�es pendant la
journ�e.
Ultimes pr�parations en cas de tremblement de terre
Avant de dormir, nous verrouillons les portes et les grilles pour nous
prot�ger des bandits qui grimpent sur les toits en terrasse et viennent
d�valiser les maisons endormies. En ce moment, nous ne mettons pas les cha�nes
aux portes, seuls les verrous sont tir�s car tous les habitants de la ville et
de la vall�e de Barak (nom g�ographique donn� � cette r�gion) attendent un
tremblement de terre, obsession lancinante qui ne peut s�oublier. La nuit,
lorsque chacun dort et que la terre se met � trembler, l��lectricit� est
automatiquement coup�e et la visibilit� ainsi limit�e. D�o� l�importance
d�avoir une torche �lectrique � la t�te de son lit ainsi que ses lunettes pour
ceux qui voient mal. Les gens dorment tout habill�s, les femmes en sari, les
jeunes filles en salwar kumiz, les hommes en pyjama, en kurta ou dhoti� il
serait en effet trop ridicule de perdre sa vie (quand il est possible de la
sauver) en enfilant un pantalon�! Tous les obstacles pour atteindre les
portes de sortie sont �cart�s, pas de chaise ni de table au milieu qui
pourraient nous faire tomber ou nous faire perdre quelques secondes � devoir
les contourner. S�il est trop tard pour sortir, il est pr�f�rable de se
pelotonner sous le lit ou sous une table pour se prot�ger au minimum. Il y a
une semaine, nous avons senti deux secousses, �a nous a servi d�entra�nement.
Mais il est certain que l�homme ne peut contr�ler, voire pr�voir la fureur
interne de notre terre, donc plut�t que d�appr�hender, mieux vaut acqu�rir les
bons r�flexes qui peuvent sauver et puis vivre tranquillement sans trop de
sueurs froides.